Dangers dans l’assiette
Alimentation Les investigations autour du scandale de la viande de cheval confirment qu’on ne sait pas toujours ce qu’on mange
Animaux nourris aux antibiotiques, fruits vaporisés de pesticides interdits ou renfermant des virus résistants… La traçabilité floue des aliments favorise fraudes et tromperies de plus en plus difficiles à identifier.
Sept intermédiaires pour produire une barquette de lasagnes mise en rayon dans treize pays… La crise du « Horsegate » a mis en lumière les complexités de l’assiette mondialisée. « Les industriels s’approvisionnent de plus en plus loin dans des pays de plus en plus complexes », explique Philippe Sans, directeur général de Mérieux Nutrisciences, société spécialisée dans la sécurité alimentaire, qui s’efforce de prévenir et déjouer ces nouveaux dangers alimentaires.
Médicaments dans la viande
Ce problème-là n’est pas nouveau et bien connu depuis le « veau aux hormones » mais il a aussi refait surface avec le scandale de la viande de cheval vendue pour du bœuf. De la phénylbutazone, un anti-inflammatoire interdit en France depuis 2011, a en effet été découvert dans des carcasses de chevaux consommés en France. Selon le ministère de la Santé, les risques sanitaires seraient minimes. Pourtant l’utilisation des médicaments et surtout des antibiotiques dans les viandes mais aussi les crevettes et le poisson reste problématique. En 2011, 47 % des échantillons de viande et de volaille prélevés dans des magasins contenaient des staphylocoques dorés et plus de la moitié de ces bactéries étaient résistantes à au moins trois classes d’antibiotiques. Les tests ADN réalisés sur ces bactéries avaient montré que la contamination venait bien des animaux eux-mêmes.
Pesticides contrefaits dans les fruits et légumes
La France est déjà mauvaise élève en la matière puisqu’elle est le quatrième utilisateur mondial de pesticides à usage agricole après les États-Unis, le Brésil et le Japon. Mais comme le reste du monde, nous subissons aussi les dangers des pesticides contrefaits produits en Chine et importés dans de nombreux pays.
« On estime que 15 % des produits phytosanitaires en Chine sont des copies. On recense actuellement entre 600 et 700 substances mais il y a une course aux substances chimiques et régulièrement nous découvrons de nouvelles substances », constate Philippe Sans.
En 2009, le réseau d’alerte rapide européen a enregistré 150 notifications impliquant des pesticides interdits ou des doses de résidus supérieures aux normes autorisées. Des traces de monocrotophos – un pesticide interdit depuis 1991 en Europe en raison de sa dangerosité sur le système nerveux – ont ainsi été retrouvées sur des raisins venant de Turquie et sur des fruits en provenance d’Inde.
Virus émergents dans l’eau
Si les noms d’Escherichia coli, Staphylocoque doré, Salmonelle ou Listéria nous sont désormais familiers, tristement rendus célèbres lors d’intoxications redoutables comme celle des graines germées qui a tué 50 personnes en Europe en 2011, d’autres agents redoutables émergent dans nos assiettes mondialisées. « On assiste à l’arrivée de virus émergents et résistants que l’on détecte dans l’eau. Il y a actuellement 6-7 virus qui posent problèmes mais c’est sans doute la partie émergée de l’iceberg.
La virologie va être la nouvelle problématique de la sécurité alimentaire », estime le directeur général de Mérieux Nutrisciences. Selon l’Institut de veille sanitaire, les TIAC (Toxi-infection alimentaire collective) dues à des virus sont en hausse : 76 épisodes impliquant 2 250 personnes ont été recensés en 2009 en France.
Parmi ces virus, figurent l’hépatite A mais aussi des norovirus.
En octobre 2012, plus de 11 00 élèves allemands ont été victimes de gastro-entérite après avoir mangé dans des cantines scolaires approvisionnées par le géant Sodexo des fraises surgelées porteuses de norovirus, en provenance de Chine.
La contamination des aliments se fait généralement par l’eau d’irrigation.
par Sylvie MONTARON
http://www.dna.fr/economie/2013/02/27/dangers-dans-l-assiette