Farines animales: a-t-on tiré les leçons de la crise de la vache folle?

 

Bruxelles a annoncé ce vendredi que les poissons d’élevage pourront à nouveau être nourris à base de porcs et de volailles. Après la crise de la vache folle, les farines animales avaient été entièrement proscrites. 

L’opposition de la France n’a rien changé. Quinze ans après le scandale de la vache folle, la Commission européenne vient d’autoriser les éleveurs à avoir recours aux farines animales pour les poissons d’élevage. A partir de 2014, les truites, saumons et autres « carnivores » sous-marins pourront donc être nourris à base de porc et volailles. L’Europe a-t-elle si vite oublié les leçons du passé? Les images de bovins tremblotants qui passaient en boucle à la télévision ont-elles été reléguées au rang de mauvais souvenirs? La crise de la vache folle avait permis d‘interdire les farines animales et d’assainir la filière de production. Mais le scandale de la viande de cheval, suivie de cette autorisation, donnent le sentiment de se retrouver en 1997, au moment où le scandale éclate.

Les farines animales ont changé

Les farines animales qu’on donnera aux poissons d’élevage n’ont pourtant plus grand-chose à voir avec celles qui étaient utilisées dans les années 1990. « A l’époque, elles étaient fabriquées à base d’animaux morts et de carcasses de bêtes saines ou malades », explique Norbert Lucas, le président du syndicat des inspecteurs vétérinaires. Désormais seules les farines de catégorie 3, c’est-à-dire issues de sous-produits provenant d’animaux destinés à la consommation humaine, sont autorisées. « Cela n’avait plus de sens d‘interdire les farines animales en ‘souvenir’ de la crise de la vache folle, poursuit Françoise Médale, directrice de l’unité de recherche sur la nutrition des poissons à l’Inra. D’ailleurs, il faut que les médias arrêtent d’appeler ces aliments farines, car cela induit en erreur les consommateurs. Elles ne présentent plus aucun danger. Jeter des protéines saines pour les animaux alors que la demande est de plus en plus forte commençait à devenir absurde ».

Verrou supplémentaire pour éviter une nouvelle crise sanitaire: Bruxelles interdit formellement le « recyclage inter-espèces ». Car à l’époque de la vache folle, les éleveurs ont donné aux bovins à base de farines animales de boeuf. « C’est cette forme de cannibalisme qui a déclenché la crise sanitaire », explique Norbert Lucas. Cette pratique favorisait la transmission des maladies au sein de l’espèce. « Si la chaine de production est respectée, les farines ne présentent pas de risques. Au contraire, elles apporteront aux poissons des protéines venant d’animaux nobles », assure le vétérinaire.

Un système de production vraiment fiable?

La crise de la vache folle avait justement mis en lumière un système d’approvisionnement extrêmement opaque, ne faisant l’objet d’aucune règlementation spécifique. « Une même usine pouvait fabriquer de la farine à base de porc, de volaille et de boeuf. Les circuits de production n’étaient pas du tout étanches, si bien que les différentes farines étaient parfois croisées », se souvient Norbert Lucas. Depuis, le secteur a été assaini. Les entreprises sont dédiées à une seule espèce et des contrôles sont très régulièrement organisés.

Est-ce suffisant? Non, répond l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES). « Bien que les filières de production des protéines animales transformées françaises aient évolué vers une plus grande spécialisation par espèces, celle-ci demeure incomplète. En outre, les méthodes analytiques de contrôle de l’espèce d’origine des PAT (farines animales, ndlr) ne sont pas encore toutes disponibles », écrivait l’organisme dans un rapport publié fin 2011.

Est-ce pour cette raison que les farines animales n’ont été ouvertes qu’aux poissons d’élevage? En effet, il a longtemps été question de les autoriser dans les élevages de porc et de volailles. Selon la chercheuse de l’Inra, toutes les études sur le sujet ont montré que ce type d’alimentation ne présentait pas de risques chez ces animaux, contrairement aux bovins. « Je pense qu’en levant seulement l’interdiction dans les élevages de poissons, l’Union Europénne a cherché à minimiser les risques. La distance génétique est telle entre les poissons et les produits transformés à base de porc et de volaille que les risques de croisement sont minimes ». Cette prudence se dissipera-t-elle avec le temps?

 

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