SYLVICULTURE • Des arbres OGM dans votre moteur

Une société israélienne de biotechnologie affirme pouvoir remplacer les énergies fossiles par des eucalyptus à croissance rapide.

C’est un rêve pour l’industrie du bois et un cauchemar pour d’autres : le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Indonésie et la Chine pourraient accueillir d’immenses plantations d’eucalyptus génétiquement modifiés poussant 40 % plus vite que la normale, dont le bois pourrait servir à la fabrication de papier, de carburant ou de granulés pour centrales électriques. Et c’est pour bientôt, affirme Stanley Hirsch, directeur général de la société israélienne de biotechnologie FuturaGene.

Cela fait onze ans que FuturaGene travaille sur des milliers d’eucalyptus et de peupliers génétiquement modifiés dans des parcelles d’une centaine d’hectares en Israël, en Chine et au Brésil. L’entreprise mène à présent les dernières démarches auprès des autorités brésiliennes pour obtenir une autorisation d’exploitation commerciale.




Les équipes de FuturaGene ont découvert un gène provenant d’une herbe vivace commune du genre Arabidopsis qui permet de modifier la structure cellulaire des plantes et d’accélérer leur croissance. Les eucalyptus génétiquement modifiés pourraient grandir de cinq mètres par an et atteindre, au bout de cinq ans et demi, 27 mètres de haut. Pour Stanley Hirsch, ces techniques de modification génétique “changent radicalement les conditions” dans l’industrie et font partie intégrante du projet des Nations unies pour une “économie mondiale verte”. “A terme, ce procédé permettrait de remplacer la totalité des énergies fossiles, déclare-t-il. Il peut être appliqué à n’importe quelle espèce d’arbres. Nous pouvons créer ainsi une toute nouvelle source d’énergie.”




Les premières expérimentations sur des arbres génétiquement modifiés remontent à 1986. Les chercheurs travaillent aujourd’hui sur des espèces d’eucalyptus, de pins, de peupliers et d’arbres fruitiers dans plus de 700 parcelles d’expérimentation, essentiellement aux Etats-Unis. Néanmoins les autorités européennes et américaines refusent toujours de délivrer des autorisations d’exploitation, et rares sont les recherches qui ont débouché sur la commercialisation de nouveaux produits. Un accord de principe a été donné par les Etats-Unis pour la papaye, certaines variétés de prunes et quelques espèces de pins génétiquement modifiés pour résister à des virus, mais seule la Chine autorise leur culture à grande échelle.

La prochaine étape pour FuturaGene consiste à transmettre son rapport final sur la sécurité sanitaire de ses produits aux autorités brésiliennes. Si celles-ci donnent leur accord, l’exploitation commerciale pourrait commencer à partir de 2015. Les eucalyptus génétiquement modifiés produiraient près de 104 mètres cubes de bois par an et par hectare, à comparer à une moyenne de 80 mètres cubes pour l’ensemble des bois destinés à la production d’énergie au Brésil. “L’industrie forestière représente 400 milliards de dollars [308 milliards d’euros] par an. Si vous augmentez votre rendement de 40 %, vous pouvez considérablement réduire vos prix. Aujourd’hui, les eucalyptus sont abattus au bout de sept ans ; au Brésil, nous espérons obtenir la même production au bout de cinq ans et demi.” FuturaGene n’est pas une petite start-up. Depuis 2010, cette société appartient au géant brésilien Suzano, qui possède 500 000 hectares de forêts d’eucalyptus, exporte déjà des produits forestiers à vocation énergétique en Europe et compte plusieurs partenaires en Chine, en Thaïlande et en Afrique du Sud qui représentent à eux seuls près de la moitié de la production mondiale d’eucalyptus.

Stanley Hirsch a bon espoir d’obtenir l’accord des autorités brésiliennes car les arbres destinés à l’exploitation commerciale sont très proches de leurs cousins naturels. Selon lui, il y aurait peu d’obstacles à l’hybridation entre plantes modifiées et plantes non modifiées d’une même espèce.

S’il soutient qu’une bonne exploitation peut participer à l’enrichissement des sols et au renforcement de la faune et de la flore, Stanley Hirsch reconnaît néanmoins que la culture de ces arbres génétiquement modifiés comporte des risques environnementaux. Ils pourraient devenir particulièrement envahissants, avoir des effets inattendus sur les sols ou la chaîne alimentaire. En outre, le pollen des eucalyptus et des peupliers se disperse sur des zones très vastes et les effets négatifs pourraient persister très longtemps en raison de leur espérance de vie de plusieurs décennies.




Stanley Hirsch affirme que ses projets suscitent peu d’opposition au Brésil. Pourtant, les associations de défense de l’environnement soutiennent que ces plantations sont mal vues et que les plantes génétiquement modifiées participent au recul des forêts naturelles. “Les effets dévastateurs des plantations d’eucalyptus normaux sont bien connus : prolifération incontrôlée, désertification des sols, diminution des réserves d’eau, augmentation du risque d’incendie et baisse de la biodiversité”, déclare Anne Petermann, directrice du Global Justice Ecology Project, aux Etats-Unis. “Au Brésil, ces plantations sont surnommées ‘déserts verts’ parce que rien n’y pousse. Et aujourd’hui ils veulent introduire des arbres génétiquement modifiés encore plus destructeurs.”




Anne Petermann redoute les effets de ces cultures sur la forêt amazonienne. “Le Brésil et les Etats-Unis font la course, explique-t-elle. Ils font reculer les forêts originelles, les prairies et les champs et il est question de planter des eucalyptus sur 20 à 40 % du territoire brésilien. Le gouvernement a même proposé un programme de reforestation de l’Amazonie à l’aide de plantations d’eucalyptus.”

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Source: courrierinternational.com

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