UN PLATEAU D’HUÎTRES MODIFIÉES POUR NOËL ?

Joyeux noel et bonne santé!!

Développées dans les laboratoires de l’Ifremer, les huîtres triploïdes sont en passe de détrôner les huîtres naturelles pour le meilleur ou… pour le pire.

On l’appelle huître « triploïde » ou plus poétiquement « huître des quatre saisons »… Vous l’avez sans doute déjà consommée sans le savoir, car elle représente une part importante de la production ostréicole. La triploïde a subi des manipulations chromosomiques importantes, la faisant passer de 2 à 3 paires de chromosomes et la rendant stérile. Pas très anodin… Pourtant, aucune obligation d’étiquetage ni étude préalable ne sont requises car, légalement, elle n’est pas un OGM mais un OVM, c’est-à-dire un organisme vivant modifié.

Danger pour la biodiversité

Face aux risques de prolifération de ces organismes manipulés, une réglementation plus contraignante devrait voir le jour… dans les prochaines années. « Il y a un véritable consensus de la communauté scientifique mondiale sur les risques liés aux OVM et sur l’importance d’une évaluation avant la mise sur le marché « , explique Jean-Patrick Le Duc, du Muséum national d’histoire naturelle.

« Aujourd’hui, ils ne sont pas assez évalués ni encadrés alors que l’on n’a aucun recul. Les cas des huîtres triploïdes ou du saumon transgénique – qui constitue désormais l’essentiel de l’offre du saumon d’élevage – sont emblématiques : on les a introduits massivement au risque de déséquilibrer complètement les écosystèmes, sans appliquer le principe de précaution. D’après moi, l’huître triploïde constitue un danger pour la biodiversité et l’hécatombe ostréicole qui sévit depuis 2008 pose la question de la fragilité de ces organismes modifiés ».

Maturité accélérée

Développée depuis 15 ans au sein de l’Ifremer, l’huître triploïde a été initialement conçue pour augmenter la production durant l’été. Théoriquement stérile, elle ne produit pas de laitance (gamètes) entre mai et août et remplace donc avantageusement l’huître naturelle, laiteuse durant cette période de reproduction. La triploïde réserve un autre avantage de taille pour les producteurs : plutôt que se reproduire, elle met à profit son énergie pour grandir plus vite et arrive ainsi à maturité en deux ans contre trois bonnes années pour l’huître naturelle.

« Pour fabriquer la triploïde plusieurs méthodes se sont succédé », explique Jean-François Samain, ancien directeur de recherche à l’Ifremer. « La première technique nécessitait l’utilisation d’un produit mutagène au stade embryonnaire. En théorie c’est sans risque, mais pour des produits destinés à l’alimentation humaine, je déconseille ce genre de procédés… Aujourd’hui, certaines écloseries (sites de reproduction des huîtres) l’utiliseraient encore. La deuxième méthode mise au point donnait des individus résistants, mais c’était un processus plus long, aussi en 2007, un troisième procédé plus rapide a vu le jour et prédomine aujourd’hui. » À savoir : on crée une huître tétraploïde, dotée de quatre paires de chromosomes, sorte de super mâle qui féconde des millions de femelles diploïdes (deux paires de de chromosomes).

Risque de dissémination

Procédé coûteux et complexe, l’huître tétraploïde serait vendue 1 000 euros l’étalon aux écloseries et nécessite des installations hautement sécurisées pour éviter tout risque de dissémination de la précieuse semence. « Nous ne sommes pas à l’abri d’une manipulation malheureuse et un tel accident pourrait signer la fin des huîtres naturelles », s’inquiète Jean-François Samain. D’autant qu’il existerait des écloseries clandestines en France, notamment en Bretagne.

Face à ce risque de dissémination, l’association des ostréiculteurs traditionnels a déposé une requête devant le tribunal administratif de Rennes contre l’Ifremer pour « développement de biotechnologies sans en mesurer les conséquences ». Benoît Le Joubioux, qui dirige ce mouvement, souhaite que le principe de précaution soit appliqué et réclame des zones de préservation des huîtres naturelles, surtout après l’épisode de l’herpès virus, qui décime depuis plusieurs années tous les élevages. « En 2009, après le début de l’épidémie, l’Ifremer a constaté que la mortalité touchait surtout les triploïdes – jusqu’à 95 % des jeunes huîtres -, mais aujourd’hui on ne comprend plus rien ! L’épidémie s’est étendue à tout le bassin et il n’y a plus aucun repère, tout crève. »

La fin de l’huître naturelle ?

Alors que les anti-triploïdes accusent les huîtres modifiées d’être moins résistantes et d’avoir ainsi propagé partout l’épidémie, les pro-triploïdes soutiennent qu’il s’agit d’un virus particulièrement virulent qui n’a rien à voir avec leur protégée. Au sein d’un milieu conchylicole divisé, les expertises se succèdent et les soupçons s’accumulent sur l’implication des nouvelles venues dans cette pandémie.

L’huître modifiée sonnera-t-elle la fin du coquillage naturel ? Pour arrêter cette épidémie, les ostréiculteurs du bassin d’Arcachon demandent un moratoire afin de suspendre l’introduction des triploïdes dans la mer. En attendant, des consommateurs avertis la boudent déjà. En l’absence d’étiquetage, on la reconnaît à sa coquille qui rebique comme la proue d’un bateau mais certains ostréiculteurs couperaient cette partie pour faire passer la belle incognito…

Source: lepoint.fr

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