La guerre des drones

La Commission Informatique et libertés vient d’engager une réflexion portant sur l’utilisation et le recueil de données depuis les drones civils. L’autorité entend définir un cadre portant sur les éléments enregistrés par de tels appareils comme des clichés ou des données de géolocalisation par exemple. « Un drone peut donc potentiellement porter atteinte à la vie privée, capter et diffuser des données personnelles », explique la Cnil, dans une note.

La Cnil s’interroge quant à l’utilisation de drones civils voire de drones-jouets. L’autorité estime en effet que « les technologies dont ils peuvent être équipés offrent un potentiel considérable en termes d’observation, d’acquisition et de transmission de données, ainsi que de géolocalisation ». Par exemple, un drone peut être équipé d’un appareil photo, d’une caméra mobile, d’un capteur sonore voire d’un dispositif de géolocalisation,

En ce qui concerne le cadre juridique d’une prise de vue, l’autorité rappelle que la prise de vue aérienne reste réglementée par l’article D. 133-10 du code de l’aviation civile. A ce titre, l’organisation précise que si la prise de vues photographiques et cinématographiques est en principe tolérée, les informations recueillies restent tout de même soumises aux règles de la loi Informatique et Libertés. La Cnil ajoute que ces drones peuvent prendre des photos et les vidéos permettant de « distinguer les traits du visage, la morphologie de la silhouette, les mouvements de la personne, mais aussi de lire des plaques d’immatriculation ».

C’est pourquoi la Cnil indique s’être saisie du sujet et « engage une réflexion prospective avec des acteurs du secteur. Elle suit également les projets de recherche dans ce domaine et participe aux travaux et réflexions qui portent notamment sur les enjeux éthiques de la robotique dans le domaine civil ».

La guerre des drones

On les associe aux bulletins sur la guerre d’Afghanistan ou d’ailleurs, dont on se détourne vite, avec horreur : le drone a envahi le domaine militaire ; géant ou miniature, ils sont aujourd’hui de toutes les guerres, pour surveiller, espionner, éliminer. Les petits engins télécommandés à distance qui ressemblent à des maquettes de modéliste du dimanche, pilotés depuis des bases militaires parfois situées à l’autre bout du monde, ciblent et font mouche, sans perte humaine du côté de l’attaquant, mais avec pertes de civils au sol, souvent. L’une de ces nouvelles et sales guerres des drones se déroule actuellement au Yémen, où des Yéménites ont lancé une campagne « Stop Drone » pour dénoncer les massacres de civils commis par les drones, dont on parle très peu, au nom de l’antiterrorisme.

Ceci posé, aujourd’hui, les drones sont passés au civil, avec par exemple des drones équipés pour l’observation et les prévisions météorologiques, des projets de drones humanitaires en développement pour l’évaluation des catastrophes naturelles et humanitaires. Eux peuvent survoler les désastres naturels et technologiques, sans engager de risques pour les personnels, et en retransmettant toutes les informations visuelles et autres pour évaluer les dégâts, les besoins, et préparer les secours.

Du drone civil au drone ludique

Le site américain Wired est l’un de ceux qui suit l’évolution du drone « civil » avec le plus de passion et d’assiduité. Dans sa dernière livraison sur les drones, « Comment j’ai inventé par inadvertance le drone domestique » Wired a confié à un expert et un fabricant de drones une longue chronique, qui peut refléter ce que sera le futur de ces objets volants. Chris Anderson est lyrique : “Exactement comme les années 70 ont vu la naissance et l’essor de l’ordinateur personnel, cette décennie verra l’essor du drone personnel. Nous entrons dans l’ère du drone ». Pour appuyer ses dires, il ajoute :

“L’industrie cinématographique est déjà pleine d’hélicos pilotés à distance qui servent de plateforme pour les caméras, avec des opérations moins onéreuses et plus sûres qu’avec des hélicoptères pilotés manuellement par des humains. Certains fermiers utilisent maintenant les drones pour gérer leurs récoltes, en créant des relevés aériens pour optimiser la répartition de l’irrigation et des engrais. Et il existe d’innombrables utilisations scientifiques pour les drones, depuis la surveillance de la floraison des algues cultivées pour les biocarburants à la mesure en basse altitude du refléchissement solaire de la forêt primaire en Amazonie. D’autres utilisent l’engin pour suivre la faune, en surveillant les espèces en danger et en cartographiant silencieusement les zones de nidification qui nécessitent une protection. »

Le drone domestique

Ce n’est pas fini : dans cette ode aux drones, Chris Anderson signale que lors du dernier Hobby Expo China à Pékin, où les fabricants chinois présentent leur plus récents « jouets » high tech, on proposait des drones domestiques à mille dollars US. Ce qui signifie que toutes les possibilités d’usage domestique ou ludique seront bientôt permises. Et quand on sait qu’ ils pourraient obtenir leur licence d’aéronefs commerciaux dès 2015 aux Etats-Unis, d’infinies possibilités de business-model s’ouvrent pour offrir des services au grand public ou aux entreprises : repérage, surveillance… et animation de mariage et de fêtes populaires?

Le drone politique

Plus étonnant encore, le drone a été repris par des activistes. Lors du dernier salon des solidarités qui s’est tenu à Paris début juin, les activistes du mouvement Telecomix, qui cherchent à venir en aide aux activistes et internautes des pays en révolution ou en soulèvement, ont exposé leur projet de ‘drone activiste‘ au site ReportOuest, qui « serait capable de filmer et de diffuser, en direct, les exactions du régime de Bachar Al-Assad ».

« Pouvoir filmer sans être exposé et surveiller les mouvements des soldats, c’est ce à quoi pourrait servir ces drones, que quelques membres bretons du collectif Telecomix se sont attelés à construire. Ces appareils équipés d’une caméra pourraient, théoriquement, «streamer– [NDLR : diffusés sur internet]-en live, à quelques kilomètres à la ronde», précise Okhin (ndr, un membre du collectif), comme cela se fait avec un téléphone. La seule différence, c’est qu’avec le drone, on minimise les risques encourus et on peut prendre de la hauteur. Une technique qui s’inspire des OccupyCopter, déployés pour filmer les mouvements Occupy Wall Street, en Pologne et aux États-Unis ».

La guerre des drones a déjà commencé…

Sources : http://www.atlantico.fr/rdvinvite/ere-drones-jardin-machines-guerre-militaires-meteo-humanitaire-400068.html
http://pro.clubic.com/legislation-loi-internet/cnil/actualite-519921-cnil-interroge-usage-drones-civils.html#ixzz2BtzBhsMb

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