Un Las Vegas espagnol pour sortir de la crise


C’est dans la région de Madrid qu’Eurovegas, réplique européenne de Las Vegas, sera implantée. Reportage à Alcorcón, la commune pressentie pour accueillir ce méga-complexe du jeu dont rêvent de nombreux chômeurs espagnols.


Une dalle cimentée, des murs de graffitis, une forêt d’immeubles gris, une bouche de métro d’où sortent des retraités, quelques employés, des chômeurs… À Alcorcón, une cité-dortoir de la banlieue de Madrid, rien ne fait penser au rêve américain. C’est ici, pourtant, qu’Eurovegas, la réplique européenne de la cité casino du désert du Nevada, pourrait commencer à sortir de terre dans un an. De quoi laisser espérer de futures embauches pour les victimes de la crise espagnole…
D’origine colombienne, Ditmann est arrivé à Madrid il y a 12 ans, en plein boom économique. Il a travaillé sur d’innombrables chantiers de construction, il s’est marié. Comme tant d’autres, il s’est retrouvé sans emploi il y a un an et demi après l’éclatement de la bulle immobilière. Aujourd’hui, il sillonne Alcorcón pour y distribuer ses CV. Le rêve Eurovegas ? « Bien sûr, ma copine et moi avons déjà cherché sur Internet où on pouvait déposer nos CV, dit-il spontanément. Pour l’instant, on ne peut pas encore postuler. Mais Eurovegas, c’est notre espoir ! »
Même sur la dalle d’Alcorcón, il faut se rendre à l’évidence : Sheldon Adelson, magnat du jeu américain, 14e fortune mondiale, selon le magazine Forbes, fondateur du Las Vegas original, a promis le rêve à des Espagnols meurtris. Il leur a dit : « Yes, we can », même si le slogan d’Obama 2008 paraît bien étrange dans la bouche d’un milliardaire qui finance la campagne de Mitt Romney.

Empire du jeu

Ce rêve, c’est un empire du jeu en Europe : six casinos géants, 18 000 machines à sous, 36 000 chambres d’hôtel, trois terrains de golf. Les chiffres les plus fous ont été distillés par les hauts responsables de la région de Madrid : 200 000 emplois seraient créés ! La moitié des chômeurs de la région pourrait trouver du travail grâce à Eurovegas.
Si la fièvre des premières semaines est retombée et que les autorités espagnoles ne promettent plus que 60 000 à 70 000 emplois, l’espoir est encore bien là, explique José, un autre chômeur : « Adelson veut tout, on lui offre tout : les terrains, les infrastructures. La vérité, c’est qu’on va certainement devoir travailler comme des esclaves avec des conditions de travail pitoyables, tout ça pour un salaire de misère. Mais au moins, Eurovegas, ça sera du boulot. »

Ce Las Vegas à l’européenne est le seul et unique grand projet d’investissement qui soit aujourd’hui sérieusement envisagé en Espagne. Il peut paraître anecdotique ; il est en réalité au cœur d’une réflexion des autorités et des citoyens sur les origines d’une crise vieille de cinq ans, et sur les façons d’en sortir. Le gouvernement de Mariano Rajoy veut en faire un symbole du retour des investisseurs à Madrid.

Comme à Singapour ou Macao

Pour l’occasion, le secrétaire d’État au commerce, Jaime Garcia-Legaz Ponce, a reçu France 24. « Nous faisons la même chose qu’un gouvernement qui met tout en œuvre pour attirer les Jeux olympiques dans son pays. Eurovegas attirera aussi énormément d’activités économiques, explique-t-il. Nous parlons d’un tourisme d’affaires, de grands patrons, un tourisme très haut de gamme. Nous parlons d’une série d’hôtels cinq étoiles, de suites de 70 m2, de centres de convention pour grands patrons comme à Singapour et Macao. »

Pour les opposants au projet qui ont formé l’association « Eurovegas, no », le gouvernement cède au mirage du jeu. Selon Juan-Carlos Martinez, élu d’opposition écologiste à Alcorcón, « ce projet équivaut à s’enfoncer un peu plus dans la crise. C’est convertir le Sud de l’Europe en un endroit où les gens vont venir dépenser leur argent dans le jeu et le vice. Cet argent sortira par où il est venu, et ne sera jamais réinjecté dans l’économie locale. »

Après l’épisode de la bulle immobilière, l’Espagne va-t-elle tout miser sur le tourisme, et la région de Madrid n’espère-t-elle pas trop de ce projet ? Rien n’est encore signé. Le milliardaire Sheldon Adelson serait toujours en train de négocier un certain nombre de modifications législatives et fiscales conditionnant l’implantation d’Eurovegas. Rien ne va plus, sur la dalle du métro d’Alcorcón central.

source: http://www.france24.com/fr/20121102-eurovegas-vers-nouveau-miracle-espagnol

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