Biocarburants : entre espoirs et désillusions

Les agrocarburants ont été présentés comme un moyen de réduire la consommation de pétrole et les émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, leur bilan écologique est loin d’être aussi positif que prévu. Par ailleurs, leur production requiert des terres agricoles qui pourraient servir à nourrir la planète. Il faudra donc attendre de nouveaux composés, dits de seconde génération, qui présentent un bilan plus positif pour que les agrocarburants deviennent vraiment écologiques.
Les agrocarburants (aussi appelés biocarburants) désignent les carburants d’origine agricole. On en distingue trois grand types : ceux à base d’alcool, qui alimentent les moteurs à essence ; ceux à base d’huile, qui alimentent les moteurs diesel et ceux sous forme de gaz.
Ceux à base d’alcool sont produits à partir de végétaux riches en sucre tels que la canne à sucre et la betterave, ou de plantes riches en amidon, comme le blé. Ce sont le bioéthanol et son dérivé l’ETBE.

Les huiles sont extraites de plantes oléagineuses comme le colza, la palme, le tournesol, ou le soja. Ce sont parfois des huiles végétales pures, dites « huiles brutes » (parfois des huiles de cuisine), ou des produits transformés. Dans ce dernier cas, on parle de diester, de biodiesel ou d’EMHV (esters méthyliques d’huiles végétales). Elles sont fabriquées avec 90 % d’huile et 10 % de méthanol, un dérivé du pétrole.
Les gaz sont produits par fermentation de matière organique. Le biogaz (méthane) est aussi appelé GNV : gaz naturel véhicule.

 
Production
La production des agrocarburants dépend de l’agriculture et donc varie selon les pays. Au Brésil, ils sont produits à partir de canne à sucre, aux Etats-Unis à partir du maïs, en France à partir de betteraves (70%) et de céréales (30%).
En 2007, le Brésil et les Etats-Unis ont représenté à eux seuls presque 90 % de la production mondiale d’éthanol, qui a atteint 50 milliards de litres environ.
Pour les EMHV, la production mondiale était de 4 millions de tonnes, dont 88 % produits par l’Europe : Allemagne 44 %, France 22 %, Italie 17 %.
Si 40% des carburants routiers consommés au Brésil sont des agrocarburants (voir encadré), ils ne représentent que 1,5 % aux Etats-Unis et 1,2% en Europe. Une directive de la Commission Européenne fixe pour 2010 un objectif de 5,75 % de biocarburants dans les essences et le gazole. Le gouvernement français a affirmé vouloir aller au-delà avec un taux d’incorporation de biocarburants de 7 % pour 2010.
Bilan énergétique
Il faut dépenser de l’énergie pour produire des agrocarburants : pour fabriquer les engrais et les pesticides, pour faire marcher les machines agricoles, pour acheminer les végétaux jusqu’à l’usine où ils sont produits, pour faire fonctionner cette usine, etc. Un paramètre important pour juger de l’utilité des biocarburants est donc celui qu’on appelle l’efficacité énergétique : le rapport entre l’énergie disponible et celle qu’il a fallu utiliser.
Les estimations varient, mais, selon une étude de l’Ademe, l’efficacité énergétique de l’alcool produit à partir de la canne à sucre brésilienne est excellent : il vaut 5,82. L’efficacité énergétique des autres biocarburants est moins bonne : 2,23 pour le diester de colza, 1,35 pour le blé, 1,25 pour la betterave. Pour l’éthanol à base de maïs, il est inférieur à 1, ce qui signifie qu’il faut plus d’énergie pour le produire qu’il ne permet d’en libérer !
Aux Etats-Unis, d’après le ministère de l’Agriculture et les associations de consommateurs, il faut 1 litres de fuel pour produire 1,2 litre d’éthanol de maïs, ce qui permet de parcourir la même distance qu’avec 1 litre d’essence issue du pétrole…
Effet de serre et déforestation
Le CO2 (dioxyde de carbone) qui est rejeté lors de la combustion d’un agrocarburant avait été absorbé par les plantes qui ont servi à sa production, lors de leur croissance. Le bilan des émissions de gaz à effet de serre des agrocarburants est donc réduit. Il est inférieur à celui des carburants classiques d’au moins 53 % pour les EMVH, et de 30 % environ pour l’éthanol.
Toutefois, il faut prendre en compte le fait que des surfaces importantes de forêt sont détruites pour laisser place à des plantations de palmiers à huile. En Malaisie, entre 1985 et 2000, 87 % de la déforestation serait due à la plantation de palmiers à huile. Les forêts primaires de Sumatra connaissent un destin similaire. Au Brésil, la culture de la canne à sucre entraîne également une déforestation. Cette déforestation est responsable de la libération de quantités importantes de gaz à effet de serre. Elle détruit également l’habitat de nombreuses espèces endémiques.
De lourdes répercussions alimentaires
La croissance actuelle de la production d’agrocarburants se fait en partie au détriment de la production alimentaire. Mais la totalité des surface agricoles de la planète ne suffirait pas pour remplacer tous les dérivés du pétrole.
Selon l’OCDE, les États-Unis, le Canada et l’Europe UE-15 devraient ainsi consacrer entre 30% et 60 % de leur superficies cultivées actuelles respectives pour remplacer 10 % seulement de leur consommation de carburant par des biocarburants !
Selon l’Inra (Institut national de la recherche agronomique), l’incorporation de 5,75 % de carburants agricoles d’ici 2010 dans les véhicules conduirait à utiliser 18 % à 20 % des terres arables. Et cela ne réduirait que de 3 % des importations de pétrole. Par ailleurs, la croissance de la demande de biocarburants alimente la hausse des prix agricoles.
Les agrocarburants de seconde génération
De nouveaux agrocarburants pourraient présenter un bilan plus positif. Ils sont appelés agrocarburants de seconde génération. Produits à partir de cellulose, une molécule présente dans tous les végétaux, ils peuvent être fabriqués à partir de végétaux non alimentaires, ou bien à partir de parties non alimentaires de plantes. Donc à partir de paille, des arbres ou des algues. Ainsi, leur production n’entre pas en concurrence avec les surfaces agricoles, et elle est peu gourmande en intrants (engrais, eau, énergie).
L’utilisation d’éthanol ligno-cellulosique pourrait ainsi permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 78 % et la consommation d’énergies non renouvelables de 76 %.
Différentes pistes sont étudiées. Le miscanthus, une graminée hybride très riche en ligno-cellulose, aurait un rendement énergétique trois fois supérieur au blé, selon l’Inra, et émettrait, lors de sa combustion, moins de CO2 qu’il n’en emmagasine, une partie étant stockée dans ses rhizomes.
Certaines espèces d’algues microscopiques peuvent synthétiser des huiles qui, une fois extraites, seraient traitées de la même manière que les huiles végétales traditionnelles. Leur rendement à l’hectare serait trente fois supérieur à celui du colza et leur culture absorberait de grandes quantités de CO2.
Une plante tropicale appellée Jatropha curcas, poussant en milieux semi-arides, pourrait également constituer une source intéressante d’EMHV. Une entreprise anglaise met actuellement des milliers d’hectares en culture en Chine, Inde et en Afrique.
Enfin, une voie « biomass to liquid » (BTL) permet de convertir de la biomasse (déchets, plantes non alimentaires) en présence d’un réactif gazeux (eau, dioxygène). Le gaz obtenu est principalement composé de monoxyde de carbone et de dihydrogène, pouvant être transformé soit en essence, soit en gazole. Le carburant obtenu ne contient ni soufre, ni azote et émet moins de particules à la combustion.

source:www.goodplanet