Ces agriculteurs à qui on refuse le droit de vote

Imaginez un règlement qui vous interdise de voter aux élections professionnelles et prud’homales pour l’unique raison que votre salaire est trop modeste… C’est pourtant bien ce qui se passe pour 61 417 petits agriculteurs, appelés « cotisants solidaires ». Soit 12% du monde agricole. Ils dépendent du régime agricole, cotisent à la Mutualité sociale agricole (MSA) – l’organisme de protection sociale obligatoire des salariés et exploitants du secteur en France – mais ne disposent que de droits très restreints.

Les chambres d’agriculture, dont les élections auront lieu en janvier 2013, les instances de la MSA ou les tribunaux paritaires, leur sont fermés. Pas d’éligibilité, pas de droit de vote. Et ce, même dans le cas où l’agriculture constitue leur activité principale. Cotiser à la MSA ne leur ouvre aucun droit à l’assurance maladie, à la retraite ou aux allocations familiales. Les cotisants solidaires ne bénéficient pas non plus des aides à l’installation, ni du droit à construire un logement en zone agricole. Et l’accès au foncier ? « Si une parcelle est en vente et qu’un cotisant solidaire est intéressé, il n’est pas prioritaire », déplore Michel David, secrétaire national de la Confédération paysanne.

Trop petit pour voter

La raison de cette discrimination ? Une trop petite surface, et une trop petite production. « L’idée au départ de cette cotisation était de faire contribuer aux caisses de la MSA ceux qui avaient des terres et qui n’en faisaient rien », explique Michel David. Une manière notamment d’encourager les retraités à louer ou à vendre leur terre. «  Le problème aujourd’hui c’est qu’avec ce « faux statut », non seulement les cotisants solidaires ne sont pas considérés comme des agriculteurs, mais ils sont en plus privés de tous les droits, sociaux et politiques ».

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De plus en plus d’installations

Ce statut de seconde zone est conditionné à la surface mise en production. Est considérée comme cotisant solidaire, une personne qui exploite une surface comprise entre 1/8ème et une demi « surface minimum d’installation » (SMI). Celle-ci varie entre les départements et selon les cultures. Dans l’Aude par exemple, quelqu’un qui exploitera entre 11,5 et 23 hectares sera considéré comme cotisant solidaire. A partir de 23 ha, la personne est reconnue exploitant agricole et bénéficie de tous les droits sociaux et politiques associés.

Il existe aussi des équivalences entre les cultures. Un hectare de maraîchage correspond par exemple à 10 hectares de grande culture. Mais certaines productions, comme la spiruline (une algue utilisée comme complément alimentaire), ne sont toujours pas répertoriées. Il est cependant possible de s’affilier en tenant compte du temps de travail. Si l’activité représente entre 150 et 1 200 heures de travail par an, on devient redevable de la cotisation de solidarité. En Auvergne ou en Languedoc-Roussillon, les cotisants solidaires représentent ainsi la moitié des installations agricoles ! Dans l’Aude, 40 % des nouveaux installés en 2010 ont ce statut . Parmi eux, on trouve des petits agriculteurs, des pluri-actifs et des « néoruraux ». 19 000 cotisants solidaires se considéraient, en 2008, comme des agriculteurs, selon une étude de l’organisme de formation Vivea.

Pas le droit de vendre leurs produits

Pourtant, un cotisant solidaire ne dispose pas, forcément, du droit de commercialiser sa production. La vente suppose d’être affilié aux régimes d’assurance maladie, retraite et allocations familiales… ce qui n’est pas compris dans la cotisation de solidarité. « Une bonne partie des cotisants solidaires sont des petits producteurs en Amap (Association pour le maintien de l’agriculture paysanne), souligne Michel David. Il est aberrant qu’ils n’aient pas le droit de vendre leurs produits à cause d’une trop petite surface ».

La Confédération paysanne a décidé de se battre pour que les cotisants solidaires bénéficient de l’égalité des droits. D’autant que le premier dépôt pour les inscriptions sur les listes électorales, pour les élections aux chambres d’agriculture de janvier 2013, doit se faire avant le 15 septembre.« L’enjeu à court terme est d’obtenir l’égalité politique entre tous les paysans actifs », assure le secrétaire national de la Confédération paysanne.

Outre une lettre ouverteenvoyée au Président de la République, le syndicat a également déposé un projet de texte règlementaire auprès de Stéphane le Foll, ministre de l’Agriculture.

Ce dernier a répondu fin août que l’« on ne changeait pas les règles à quelques mois d’un scrutin ». Un argument qui ne tient pas, selon Michel David. « Ils ont bien changé le seuil de la représentativité en juillet. La véritable raison, c’est qu’ils ne veulent pas déplaire à la FNSEA ». Le profil des cotisants solidaires, néoruraux ou petits agriculteurs pour l’essentiel, ne correspond pas vraiment aux affiliés du syndicat majoritaire…

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Source et article complet : http://www.bastamag.net/article2619.html

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