La santé des sans-papiers menacée en Europe

Au nom des économies budgétaires, plusieurs pays européens ont, ou envisagent, de remettre en cause l’accès gratuit aux soins pour les sans-papiers. Idée reprise par Jean-François Copé. Tour d’Europe sur le sujet.

Depuis le début du mois, l’Espagne a mis fin à l’accès gratuit aux soins médicaux. Pour réduire les coûts des dépenses de santé d’autres pays européens envisagent de faire de même. Idée reprise en France par l’opposition qui dénonce la suppression de la franchise de 30 euros pour les étrangers ayant besoin de soins.

Espagne : les « illégaux » privés de soins

En Espagne, depuis le 1er septembre, les étrangers en situation irrégulière n’ont plus accès aux soins gratuits. Seuls les mineurs, les femmes enceintes et les malades en situation d’urgence pourront encore se faire soigner sans payer. De nombreux médecins se refusent à mettre en œuvre cette « discrimination sanitaire ». Ils se déclarent « objecteurs de conscience », et continueront à prodiguer leurs soins gratuitement.

Les soins gratuits sont dispensés en Espagne dans des « centres de santé » regroupant médecins, infirmiers. Jusqu’à présent, les sans-papiers, comme les Espagnols, pouvaient obtenir une « tarjeta sanitaria », l’équivalent de la carte Vitale, qui permet de prendre rendez-vous auprès d’un médecin généraliste dans ces « centres de santé ».
Au moins 150.000 cartes appartenant à des travailleurs illégaux vont ainsi être supprimées.

Pour continuer d’accéder aux soins, les sans-papiers pourraient se voir proposer, selon le quotidien El Pais, de cotiser à la sécurité sociale espagnole à hauteur de 60 euros par mois pour les moins de 65 ans et jusqu’à 155 euros pour les plus âgés. Des sommes que la majeure partie d’entre eux, sont bien incapables de payer.

France : Une aide médicale d’état

Les sans-papiers résidant depuis plus de trois mois en France peuvent se faire soigner gratuitement grâce à l’Aide médicale d’Etat (AME), accordée pour un an renouvelable, sous conditions de ressources. En 201, 220 000 personnes en ont bénéficié.

De 75 millions d’euros à sa création, les sommes allouées à ce dispositif ont atteint 588 millions d’euros en 2011. Face à cette augmentation, la précédente majorité avait voté un texte appliqué depuis le début de l’année instituant une franchise annuelle de 30 euros aux étrangers ayant besoin de soins.

Cette mesure, combattue à l’époque par l’opposition et de nombreuses associations, a été supprimée par le parlement le 20 juillet dernier au grand dam de l’UMP.

Outre les 3 millions supplémentaires que cette décision va coûter aux finances publiques, la droite dénonce « l’appel d’air » que représenterait l’Aide médicale d’Etat pour les clandestins… Jean-François Copé, candidat à la présidence de l’UMP, a plaidé récemment pour sa suppression « à l’exception des situations d’urgence ».

Belgique : Un « filtre médical » absurde

Les sans-papiers ont droit à l’aide médicale urgente. Elle est prévue pour toutes les personnes n’étant pas couvertes par une assurance-santé. Cette aide doit être demandée par la personne à un CPAS (Centre Public d’Action Sociale, l’équivalent des CCAS). Mais la nouvelle Secrétaire d’Etat à l’Asile et à l’Immigration, Maggie de Block estime que ces soins coûtent trop cher à l’Etat.

Or les sans papiers sont de plus en plus nombreux en Belgique, le droit belge prévoyant une régularisation qui va de pair avec une « régularisation médicale ». Seuls ceux qui ne sont pas en état de retourner dans leur pays d’origine du fait de leur état de santé peuvent être régularisés. L’Office des Etrangers – organisme chargé de l’examen des demandes d’asile – utilise ce « filtre médical » afin de rejeter la majeure partie des demandes d’asile.

Sur les 1706 dossiers traités par ces médecins ces derniers mois, 83% ont immédiatement été classés comme « non graves ». 1423 personnes ont donc reçu une réponse négative à leur demande.

Les soins gratuits aux sans-papiers pourraient être prochainement remis en cause. Ainsi quand ils seront à l’article de la mort faute de soins, les sans-papiers pourront peut-être, enfin prétendre à une régularisation…

Royaume-Uni : Les hôpitaux, mais pas les médecins

Si l’accès aux services d’urgence des hôpitaux est gratuit en Angleterre pour tout le monde, les sans-papiers ne peuvent officiellement pas consulter un médecin traitant pour se faire soigner. L’accès au Service de santé national (NHS) dans les « centres de santé » est néanmoins gratuit pour tous les résidents britanniques, les réfugiés et demandeurs d’asile. Les médias populistes font pourtant régulièrement part de cas de plaintes d’avocats menaçant d’attaquer en justice les centres de santé qui refusent les immigrés illégaux.

Depuis l’an dernier, le gouvernement affirme « étudier le problème » et s’est engagé à proposer « des solutions d’ici à la fin de l’année ».

Situation ambiguë en Allemagne

En Allemagne le régime médical appliqué aux sans papiers est très ambigu. Tout d’abord, la réglementation fait une distinction entre les demandeurs d’asiles, ceux dont la demande a été rejetée mais qui ne peuvent être expulsés et enfin ceux qui sont totalement dans l’illégalité.

Pour les deux premières catégories, l’accès au soin est limité au cas de « maladies aigues ». Mais dans le cas des illégaux, la situation est presque kafkaïenne. En effet, les centres de soins qui les reçoivent ont l’obligation légale de signaler leur passage à l’autorité publique. Autrement dit, de les dénoncer. En outre, une loi prévoit que toute personne aidant un sans papiers peut-être punie.

Ces dispositions mettent le personnel médical allemand en complet porte-à-faux par rapport au serment d’Hippocrate (qui leur fait obligation de soigner toute personne qui en a besoin). Elles mettent également l’Allemagne en contradiction par rapport à sa qualité de signataire de la déclaration universelle des droits de l’Homme qui enjoint tout Etat à assurer à toute personne les soins indispensables.

Source : http://fr.myeurop.info/2012/09/07/la-sante-des-sans-papiers-menacee-en-europe-5800

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