Début août, le Conseil constitutionnel a estimé que le traité européen instaurant une camisole budgétaire pour les Etats de la zone euro ne nécessitait pas de révision de la constitution. D’après notre blogueur associé Laurent Pinsolle, il s’agit d’un double scandale juridique et démocratique.
Début août, le Conseil constitutionnel a estimé que le traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, qui instaure une camisole budgétaire pour les Etats de la zone euro,
ne nécessite pas une révision de la Constitution. Un double scandale, juridique et démocratique.
Comme le souligne Magali Pernin du blog Contre la Cour, le premier point à noter est que, pour les précédents traités (Maastricht, TCE, Lisbonne) le Conseil constitutionnel avait jugé qu’il fallait réviser la Constitution pour la mettre en conformité avec le nouveau traité européen. Il est bien évidemment surprenant que
cette mise sous coupe réglée des budgets nationaux ne nécessite pas la moindre modification dans le texte qui régit notre organisation politique institutionnelle. En effet, ce nouveau traité européen met largement à mal la souveraineté budgétaire de notre pays.
Le Conseil constitutionnel affirme que «
la France est d’ores et déjà tenue à des règles de discipline budgétaire » (la limite de 3% du PIB de déficit public du traité de Maastricht) et que ce nouveau pacte «
se borne sur ce point à reprendre, en les renforçant, les engagements existants » (en passant la limite à 0,5% du PIB). Mais cette argumentation est contestable. Tout d’abord, il faut noter que les règles édictées à Maastricht étaient beaucoup moins rigoureuses que celles de ce nouveau traité, beaucoup plus contraignant dans sa mise en œuvre. D’ailleurs, plusieurs pays ont pu ne pas respecter cette règle sans conséquences…
Ensuite, une limite de 3% n’a rien à voir avec une limite à 0,5%. Ce n’est pas parce que la France a accepté de limiter son déficit à 3% du PIB (à une époque où cette limite n’avait jamais été dépassée depuis près de 50 ans) que cela justifie de passer par une procédure beaucoup plus légère pour accepter une limite de 0,5% (limite toujours dépassée depuis 30 ans). En outre, il faut noter le côté arbitraire de la nouvelle règle puisqu’il s’agit d’un déficit structurel et non du déficit réel, qui sera calculé par les institutions européennes, ce qui leur donne encore plus de pouvoir, et justifiait par conséquent un changement de la Constitution.
Le point 30 du jugement du Conseil constitutionnel qui affirme que « l’article 8 ne porte pas atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale » est proprement révoltant. Cet article définit justement les modalités de contrôle et de sanction par la Commission européenne et la Cour de justice européenne, soumettant donc notre souveraineté nationale à une autorité supérieure. En outre, il faut noter que cet article donne le pouvoir à la Cour de Justice d’imposer une amende de 2 milliards d’euros à notre pays si nous ne nous conformions pas à l’avis de ces eurocrates apatrides et irresponsables.
Plus globalement,
cette décision du Conseil constitutionnel est surtout un moyen d’éviter la confrontation démocratique sur le sujet épineux des règles européennes. Comme d’habitude, on évite le débat, pour faire avancer un droit européen anti-démocratique (puisque l’avis des eurocrates peut s’imposer à la volonté d’une majorité simple d’Etat). Il est tout de même ubuesque qu’un traité qui institue
une véritable camisole budgétaire pour nos gouvernements ne nécessite même pas de modification de notre Constitution !
Le Conseil Constitutionnel a doublement failli à sa mission. Non seulement son jugement est juridiquement contestable. Mais en plus, il solde notre souveraineté budgétaire sans même demander de changer notre Constitution. Ce faisant, il abdique des principes démocratiques élémentaires contre la doxa européenne.