Loi travail : Pourquoi continuer à se battre ? Dessine-moi une vie de mouton…

Ben oui, quoi ! La loi est votée. Les décrets d’applications seront promulgués par vagues jusqu’en 2017..  Alors, pourquoi continuer la lutte ?  Pourquoi prendre le risque de se faire tabasser, et même de perdre un oeil ? Pour le bien commun parce qu’ au sein de la communauté, il y a vous.

Cet article répond par un exemple concret aux questions que vous pouvez vous poser, en imaginant le travail d’un salarié régi  par la loi EL Khomery. 

Indispensable à ceux qui n’ont pas bien compris où cela les conduit :

Dessine-moi une vie de mouton…

Par Maria Geyer.

Cela aurait pu être une belle histoire à la Saint Exupéry. On aurait pu vivre une vie professionnelle pleine de belles découvertes, d’accomplissements et de dessins colorés et chatoyants. Mais en lieu et place, on nous a pris pour des moutons et croyez-moi, dans quelque temps, on ressemblera davantage à une vieille brochette calcinée qu’à un agneau libre et gambadant dans les prés…

Ce jeudi 15 septembre, la bataille des syndicats contre la loi travail reprend le chemin des rues de France. Pourtant, le texte a bel et bien été promulgué en août en dépit des grèves et autres manifestations organisées. Ainsi, on peut se poser la question de savoir pourquoi les syndicats persistent à vouloir battre le pavé ? Et aussi, s’il subsiste une chance pour que cette loi soit une énième fois remaniée ou tout simplement abrogée ?

Pour répondre à la première question, la raison qui pousse les syndicats à ne pas baisser la garde résulte d’un dévouement à la cause salariale due à une anticipation d’un état des lieux inquiétant, quand la loi sera en vigueur. Il est assez facile de se faire une idée de la situation des salariés dans quelques mois. Surtout quand on prend le temps de poser son regard sur le texte intégral de la loi El Khomri.

Il n’est pas question ici de traiter de tous les points qui portent à controverse. Mais de ceux qui vont véritablement modifier notre façon de vivre et de travailler. Car très prochainement, il sera bien plus difficile de trouver un équilibre entre vie privée et activité professionnelle. Tout simplement parce qu’à l’heure actuelle des choses, le droit du travail fixe des durées de travail maximales de 10 heures par jour et de 48 heures par semaine. La nouvelle loi prévoit d’accroître ces plafonds. Aussi, la réforme vise à augmenter la limite du jour travaillé à 12 heures. Cette hausse ne pourra être mise en place que par accord collectif. Pour ce qui est de la semaine, elle passera à 60 heures. Cette augmentation ne devra être que ponctuelle : elle ne pourra être appliquée qu’en cas de « circonstances exceptionnelles » propres à l’entreprise.

Bon, à la lecture de ces nouvelles dispositions, on se dit : « le temps que l’on trouve un accord collectif, on a le temps de voir venir… ». Oui, mais…Non…Non, puisque l’article traitant de l’accord offensif prévoit des licenciements économiques a ceux qui refuseraient de travailler plus au cas où leur entreprise serait en pleine campagne de conquête de nouveaux marchés ou de signatures de nouveaux contrats. En bref, dès que l’entreprise sera plus rentable, ce qui est le but premier d’une société. Ce dispositif pourra être appliqué pendant une durée de 2 ans. Aussi, le pauvre bougre qui refusera de rester des heures rivé à son poste de travail sous le prétexte ultime que sa boite va gagner un nouveau contrat, comme chaque mois des 12 derniers, se verra licencié économiquement.

OK, si on est optimiste, on se dit alors que les mois, jours et heures travaillés en supplément, seront payés grassement en heures supplémentaires…Oups, toujours pas… Car si actuellement la rémunération des heures supplémentaires est majorée de 25 % pour les 8 premières heures et de 50 % pour les suivantes. Et qu’un accord collectif peut prévoir une majoration de seulement 10 %, à condition qu’aucun accord de branche ne s’y oppose. Le nouveau texte quant à lui, supprime cette dernière condition. En d’autres termes, une entreprise sera bien plus libre de négocier un accord pour réduire le bonus de rémunération des heures supplémentaires. Cet accord primera sur l’accord de branche si celui-ci prévoit un bonus plus important.

Vous sentez l’angoisse qui monte ? C’est normal et ce n’est pas fini…

Étant donné que sous ses airs de ne pas y toucher, l’article 2 qui est devenu entre-temps l’article 8, poignarde dans le dos toute personne ayant deux sous d’intelligence. Dans l’article 2 qui a été particulièrement critiqué par les opposants au projet de loi, dans la mesure où il introduirait une «inversion de la hiérarchie des normes », il est dit qu’un accord négocié au sein de l’entreprise (accord d’entreprise) peut remplacer les dispositions d’un accord de branche, même si ces dispositions sont plus favorables pour les salariés. Autrement dit, dans le domaine de la durée du travail (nombre maximum d’heures quotidiennes et hebdomadaires, temps de repos, congés payés, etc.), l’accord d’entreprise peut être « moins-disant » que l’accord de la branche d’activité.

Ainsi donc, en extrapolant un chouia, on peut très aisément imaginer que le patron des petites structures sans une réelle représentation syndicale, pourra, à sa guise, imposer des conditions de travail draconiennes sans rencontrer d’opposition. Autant vous dire que la copie de votre «convention collective » peut désormais partir à la poubelle.

Maintenant, imaginons l’histoire suivante :

Mathieu Bosseur, commence à travailler pour la société « Crook & Co ». Au poste de commercial, Mathieu pointe tous les matins à 9 :00 tapante ! Il prend sa pause déjeuner de 60 minutes à 12 :00 tapantes et quitte son travail le soir à 19 :00. Monsieur Clephte, Directeur de l’entreprise, convoque en assemblée ses 13 employés non syndiqués un beau jour de janvier pour leur signifier que la société est fière d’annoncer un nouveau client potentiel aux États-Unis.

Cela va faire 8 mois que Mathieu bosse pour Crook & Co, il rêvait de prendre quelques jours à Saint-Barth, il est donc heureux de pouvoir bientôt faire quelques heures supplémentaires et un beau bonus. Le Directeur impose ainsi à tout le monde de bosser plus le soir pour des raisons de décalage horaires. Mathieu se retrouve ainsi à travailler jusqu’à 23 :00 pas tapantes du tout ! Au bout d’un mois à ce régime, sur sa fiche de salaire électronique, imposée par la nouvelle loi travail, il remarque que ses heures supplémentaires sont dérisoires. Il travaille de plus en plus et ne gagne, franchement pas davantage. Après plus de 4 mois, Mathieu craque, il fait un burn-out.

Faute de le voir de temps à autre, sa copine l’a quitté, son chat s’est enfui et sa mère pense qu’il invoque de faux prétextes pour ne plus venir la voir. D’après elle, aucun patron sain d’esprit ne ferait travailler autant les gens. Mais bon, elle est de l’ancienne école. Aussi, Mathieu décide de prendre son courage à deux mains et de s’entretenir avec son patron qui refuse d’entendre un seul mot sur une réduction de sa charge de travail. Il prend les conseils d’un avocat pour éventuellement porter l’affaire aux Prudhommes, mais là, oh surprise, il faudrait qu’il ait au minimum 24 mois d’ancienneté pour prétendre aller en justice. Et même s’ils les avaient, même s’il avait cinq ans d’ancienneté, il ne pourrait pas espérer toucher plus de 6 mois de salaire en indemnités…Et encore, les raisons de porter l’affaire devant un juge plus aussi impartial, ne pourraient pas être les heures de malades que fait Mathieu tous les jours depuis des mois. A bout de force, par une morne soirée de septembre, Mathieu mit le feu à son poste de travail. Il se retrouva en prison et purge actuellement sa peine…

Même si très romancé, voilà pourquoi, certains se battent encore contre cette nouvelle réforme… Se battre contre des moulins à vent c’est bien, mais peuvent-il espérer avoir gain de cause ?

Pour prétendre modifier ou abroger le texte, plusieurs options s’offrent aux syndicats.

SUITE ET FIN DES EXPLICATIONS ICI

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