Syrie : La folie collective du Departement d’ État US

Voici qui est plus qu’inquiétant quant à l’avenir du conflit Syrien si Clinton accède à la présidence, ce qui est fort probable…

Par Robert Parry – (1)

Plus de 50 « diplomates » du Département d’Etat des Etats-Unis [Ministère des Affaires Etrangères – NdT] ont envoyé un rapport « dissident » exhortant le président Obama à lancer des frappes militaires contre l’armée syrienne, un signe de plus que ce Ministère a disjoncté de façon collective.

Au cours des dernières décennies, le département d’Etat des Etats-Unis qui était jadis une maison raisonnablement professionnelle et réaliste en matière de diplomatie est devenu un repaire de bureaucrates guerriers possédés par des obsessions impériales, un phénomène dangereux souligné par la récente « dissidence » de masse en faveur de nouvelles tueries en Syrie.

51 « diplomates » du Département d’Etat ont signé une note de service distribuée par un « canal de la dissidence » officiel, demandant des frappes militaires contre le gouvernement syrien de Bachar al-Assad dont les forces ont mené la contre-offensive contre les extrémistes islamistes qui cherchent à contrôler cette importante nation du Moyen-Orient .

Le fait qu’un si grand nombre de fonctionnaires du Département d’Etat plaident en faveur d’un élargissement de la guerre d’agression en accord avec l’agenda néoconservateur, qui a placé la Syrie sur une liste noire il y a vingt ans, est révélateur du degré de folie qui s’est emparé du Département d’Etat.

Le Département d’Etat semble être devenu un mélange de néoconservateurs pur jus, de libéraux interventionnistes et de quelques arrivistes qui ont compris qu’il était dans leur intérêt de se comporter comme des proconsuls globaux qui imposent leurs solutions ou recherchent un « changement de régime » plutôt que de se comporter en diplomates respectueux à la recherche de véritables compromis.

Même certains fonctionnaires du Département d’Etat, que je connais personnellement et qui ne sont pas vraiment néoconservateurs ou libéraux-faucons, agissent comme s’ils avaient avalé la pilule et toute la boîte avec. Ils parlent comme des durs et se comportent avec arrogance envers les populations des pays sous leur contrôle. Les étrangers sont traités comme des objets stupides tout juste bons à être soumis ou soudoyés.

Il n’est donc pas tout à fait surprenant que plusieurs dizaines de « diplomates » étasuniens s’en prennent à la position plus modérée du président Barack Obama sur la Syrie tout en se positionnant en prévision de l’élection d’Hillary Clinton, qui devrait autoriser une invasion illégale de la Syrie – sous couvert d’établir des « zones d’exclusion aérienne » et des « zones de sécurité » – ce qui signifie en clair, tuer d’avantage de jeunes soldats syriens. Les « diplomates » demandent l’utilisation d’ « armes à longue portée et aériennes ».

Ces faucons sont si avides guerres que le risque d’un conflit direct avec la Russie ne les dérange pas. D’un léger revers de la main, ils balaient la possibilité d’un conflit avec une puissance nucléaire en affirmant qu’ils ne préconisent pas « d’emprunter une pente glissante qui se terminerait dans une confrontation militaire avec Russie. » Dis comme-ça, ça rassure.

Risquer une victoire Djihadiste

Il y a aussi le risque qu’une intervention militaire directe des Etats-Unis pourrait faire s’effondrer l’armée syrienne et ouvrir la voie à une victoire du Front Al-Nusra/Al-Qaïda ou de l’Etat Islamique. La note ne précise pas comment ils comptent réaliser la délicate opération d’infliger suffisamment de dégâts à l’armée syrienne tout en évitant une victoire pure et simple des djihadistes et une confrontation avec la Russie.

On peut supposer que, quels que soient les dégâts infligés, ce sera à l’armée US de nettoyer après, en supposant que l’abattage d’avions militaires russes et la mort de militaires russes ne dégénérera pas en une conflagration thermonucléaire à grande échelle.

En bref, il semble que le Département d’Etat est devenu un asile de fous dont les malades auraient pris le contrôle. Mais cette folie n’est pas une aberration temporaire qui pourrait être facilement corrigée. C’est quelque chose qui vient de loin et il faudrait un nettoyage de fond en comble du « corps diplomatique » actuel pour rétablir le Département d’Etat dans son rôle traditionnel qui est censé être celui d’éviter les guerres plutôt que de les provoquer.

Bien qu’il y ait toujours eu des cinglés au sein du Département d’Etat – généralement placés aux échelons les plus élevés – le phénomène d’aliénation mentale institutionnelle n’est apparue qu’au cours des dernières décennies. Et j’ai vu le changement.

J’ai couvert la politique étrangère des Etats-Unis depuis la fin des années 1970 quand il y avait nettement plus de gens sains d’esprit au sein du corps diplomatique. Il y avait des gens comme Robert White et Patricia Derian (tous deux décédés) qui défendaient la justice et les droits de l’homme, et tout ce qu’il y avait de meilleur aux Etats-Unis.

Mais la déchéance du Département d’Etat des Etats-Unis devenu un repaire de petits voyous bien habillés, beaux-parleurs et serviteurs zélés de l’hégémonie US, a commencé sous l’administration Reagan. Le Président Ronald Reagan et son équipe avaient une haine pathologique des mouvements sociaux d’Amérique centrale qui cherchaient à se libérer des oligarchies oppressives et leurs forces de sécurité brutales.

Pendant les années 1980, les diplomates US dotés d’intégrité ont été systématiquement marginalisés, harcelés ou écartés. (Derian, qui était Coordinatrice des Droits Humains, a quitté ses fonctions à la fin de l’administration Carter et a été remplacée par le néoconservateur Elliott Abrams. Blanc fut congédié comme ambassadeur US en El Salvador, en expliquant : « Le Secrétaire d’Etat, Alexander M. Haig Jr. , m’a demandé de recourir aux canaux officiels pour couvrir la responsabilité de l’armée salvadorienne pour les meurtres de quatre sœurs religieuses américaines. J’ai refusé » )

La montée des néoconservateurs

SUITE SUR : http://www.legrandsoir.info/la-folie-collective-du-departement-d-etat-des-etats-unis-consortium-news.html

(1)

Robert Parry, né le , est un journaliste d’investigation, principalement connu pour la divulgation et le suivi de l’Affaire Iran-Contra pour l’Associated Press et Newsweek.

Il a notamment révélé les opérations psychologiques de guerres de guérilla (manuel de la CIA fourni au contras nicaraguayens) et le scandale du trafic de cocaïne organisés par la CIA et les contras en 1985. Il a reçu le Prix George Polk du reportage national en 1984. Il est le directeur du site d’informations ConsortiumNews.com depuis 1995. (Wikipedia)

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