Cannabis et santé : Le flou

Contrairement à ce que l’on essaye de nous faire croire, par la publication régulière d’études qui prouveraient l’extrême nocivité de la consommation d’herbe ou de shit, l’incertitude persiste quant aux effets réels des cannabinoïdes. Le Dr Catherine Desmoulin fait un point honnête, clair et accessible pour Medscape.

Paris, France

Preuve que le sujet est d’actualité, au moment où nous publions ce Dossier « cannabis et santé » prévu de longue date, le sujet de la dépénalisation revient sur le devant de la scène politique,  avec comme toujours les timidement favorables, les farouchement opposés et une levée de boucliers, notamment du côté des autorités de santé. Le cannabis gardera probablement encore longtemps son statut de stupéfiant en France malgré le plaidoyer du professeur de pneumologie, Bertrand Dautzenberg, « Légaliser intelligemment pour fumer moins et mieux ».

En dépit de l’illégalité du produit, la France est le premier pays d’Europe en matière de consommation de cannabis, aux côtés de la République Tchèque.  Que sait-on des effets à court et à long terme de ce psychotrope consommé régulièrement par 1, 4 millions de personnes dans l’hexagone ? Troubles psychiatriques, modification du sommeil, de la mémoire, baisse de la fertilité, atteintes des voies respiratoires, majoration du risque de cancer et des événements cardiovasculaires… La liste est aussi longue et variée que les études randomisées contrôlées sont rares. Il faut souvent se contenter d’études observationnelles, rétrospectives, avec les limites qu’on leur connait, pour décrire les effets de la consommation de cannabis sur la santé.

A ces effets potentiellement délétères, il faut aussi ajouter ceux recherchés dans l’usage thérapeutique du cannabis chez des malades souffrant de sclérose en plaques (SEP) ou en fin de vie : action antispasmodique, antalgique, amélioration de la qualité de vie. Aux Etats-Unis, on s’intéresse aussi beaucoup à l’effet antiépileptique du cannabis.

Drogue ou médicament ?

Cinq pays d’Europe (Pays-Bas, Royaume-Uni, Espagne, Allemagne, Finlande), 23 États américains, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont autorisé le cannabis à visée thérapeutique dans la SEP et le cancer/Sida.

En France, un dérivé du cannabis, Sativex® , a obtenu une AMM dans la SEP en 2014.

Une équation à multiples inconnues

Le cannabis est loin d’avoir livré tous ses secrets. Et si la découverte des récepteurs (endo)cannabinoïdes, au début des années 1990, a permis de comprendre pourquoi cette drogue récréative a des effets au-delà du système nerveux central, comme par exemple la sensation de faim après un joint, on ne s’explique pas encore le rôle exact de ces récepteurs, CB1 et CB2. Leur conservation au cours de l’évolution suggère néanmoins des fonctions importantes.

Cannabinoïdes et recherche pharmaceutique : essai non transformé

Du côté de la recherche pharmaceutique, la voie des récepteurs cannabinoïdes n’a pas, non plus, été couronnée de succès.

On se souvient de la saga du rimonabant (Acomplia®, Sanofi), un inhibiteur des récepteurs cannabinoides CB1,  initialement développé pour le sevrage tabagique et la perte de poids, secondairement indiqué pour la seule perte de poids et le risque cardiovasculaire (cv). Le rimonabant faisait effectivement perdre du poids et améliorait les paramètres lipidiques (d’où des indications chez le sujet en surpoids avec facteurs de risque cv), mais on avait oublié les effets sur le système nerveux central de cet anti-CB1. Il a été retiré du marché européen en 2008, à la demande de l’EMA, en raison de la survenue de troubles psychiatriques pouvant conduire au suicide.

Plus récemment, la triste histoire de l’essai clinique Biotrial ayant provoqué des lésions neurologiques du tronc cérébral chez plusieurs volontaires sains ainsi qu’un décès, prouve aussi, s’il le faut, que le rôle des récepteurs endocannabinoïdes n’est pas encore maitrisé.Dans cet essai, la molécule (BIA-1024-74, laboratoire Bial), était un inhibiteur de la FAAH, enzyme impliquée dans la dégradation des endocannabinoïdes, notamment de l’anandamide, l’un des principaux endocannabinoïdes.

Malheureusement, la recherche issue des laboratoires des narcotrafiquants est, elle, bien florissante. Les drogues de synthèse sont un marché particulièrement lucratif et les cannabis de synthèse ne sont pas en reste (voir notre dossier Drogues de synthèse).  Fortement dosés en cannabinoïdes, ces derniers ont fait leur apparition en 2013 et sont particulièrement nocifs.  Déjà bien implantés aux Etats-Unis, moins en Europe et en France, ils sont à l’origine de véritables comportements paranoïaques, d’agitations, de convulsions, d’hypertension, de tachycardies/palpitations et même d’infarctus du myocarde.

Les dangers et les vertus du cannabis n’ont pas fini de faire parler d’eux…

Bonne lecture !

http://francais.medscape.com/voirarticle/3602314

NB : Cet article n’a bien entendu pas pour but d’encourager la consommation totalement interdite par la loi en France, il faut le rappeler.

 

 

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