Le billet du jour – Migrants et réponse du grand capital : Une opportunité

Le problème des migrants/réfugiés qui se pressent aux portes de l’Europe par milliers pose de multiples questions et lève de nombreuses inquiétudes tout à fait justifiées, mais qu’il faut prendre le temps d’examiner hors d’une émotion avec laquelle les médias aux ordres ne manquent pas de vous manipuler dans un sens ou dans l’autre.

Ce qui nait en nous en premier, est une immense compassion, et c’est bien, cela prouve que nous sommes humains, pas encore complètement abêtis par l’égoïsme et endurcis par nos peurs…

Cependant, l’horrible histoire de cet enfant syrien rejeté par la mer ne doit pas faire oublier les milliers de morts précédents de migrants, enfants compris.  Cette histoire a manifestement été choisie comme focus pour lancer une vaste opération de communication concernant ce problème. Ce qui n’est, froidement, qu’un événement dramatique parmi de centaines d’autres qui émaillent les parcours de ces déplacés, est devenu une affaire d’États.

Le contexte de crise économique et morale telle qu’elle se développe actuellement au sein  de l’Europe est générateur d’angoisses, de repli, de réflexes communautaristes et de violence. Il est évident que l’arrivée dans les pays européens de milliers d’immigrants/réfugiés ne peut que lever au mieux de l’inquiétude, au pire un profond rejet comme nous pouvons en prendre la mesure dans les commentaires des articles qui traitent de ce sujet.

Il y a énormément de point de vues qui circulent actuellement sur le net et qui analysent chacun ce problème avec un regard différent. Si certains arguments ne semblent pas recevables et ne procèdent que du dogmatisme ou de l’émotion pure, d’autres sont troublants dans le sens du refus, comme dans le sens de l’accueil.

Généralement, j’ai une opinion qui se dessine relativement clairement lorsque j’analyse les faits. Ici, je vous l’avoue, je peine à me situer clairement, reconnaissant le bien fondé des argumentations des deux camps lorsqu’elles sont réfléchies et humanistes. Car, oui, on peut ne pas désirer ouvrir ses frontières sans aucun contrôle  et ne pas être un monstre d’égoïsme comme l’on peut désirer l’inverse pour des raisons très éloignées de la générosité.

C’est une occasion magnifique en tout cas pour faire de la philosophie, c’est à dire réfléchir à soi, à ce que cette question fait surgir en nous, à nous connaître mieux, à savoir qui nous sommes face à ce drame humain, à comprendre nos rejets, nos émotions et en chercher les racines profondes.

J’ai choisi pour vous un regard économique sur cette affaire. Nos lecteurs n’ignorent pas qu’une de mes questions préférées lorsqu’un événement vient révolutionner les médias et que tous les perroquets à la botte répètent en boucle les mêmes leçons, incitations du pouvoir et poncifs, est : CUI PRODEST : A qui cela profite (ou profiterait ?) Une partie de la réponse nous est donnée par Gattaz (MEDEF).  Lorsque sa fine équipe se mêle d’un fait, il s’agit rarement, sinon jamais, d’humanisme. Je vous en propose le décodage de Bruno Berthez. C’est une opinion, qui n’engage que son auteur, mais l’angle est intéressant et aide à élargir notre champ propre de réflexion.

Elle  pose des questions fondamentales : Quel intérêt à un état de privilégier un apport de main d’œuvre extérieure et prête à toutes les concessions alors qu’il souffre d’un chômage endémique ? Lorsque l’on sait que l’Allemagne emploie à des taux horaires scandaleux et sans protections sociales des employés venant des pays de l’Est, d’Ukraine et qu’une fois encore c’est Merkel que l’on choisit comme modèle, l’on peut se poser des questions légitimes quant à la réelle motivation des gouverneurs de d’Europe.

Il se pourrait bien que cette affaire soit instrumentalisée pour accentuer la dégradation voulue de nos conditions de travail, et nous le verrons sans doute un peu plus tard, la mise en place d’une surveillance policière de plus en plus accrue sous le prétexte de contrôler le développement du Jihad en France rendu plus menaçant encore par ce flux migratoire.

Il n’y a pas de petite occasion lorsqu’il s’agit de mondialisation au profit de quelques-uns. L’ennemi est habile et trace sa route, aveuglément. Comme le conclut également B.Berthez, ne nous laissons par « Charliser » encore une fois.

Galadriel

Éditorial : Les migrants, une opportunité pour le très Grand Capital

La question des migrants est une question à la fois circonstancielle et essentielle. Bien entendu, comme toujours en politique, les dirigeants s’efforcent de pointer l’arbre et de dissimuler la forêt. Ici en l’occurrence, l’arbre serait constitué de 24.000 migrants. Un point, c’est tout. Le débat est clos. 24.000 migrants, ce n’est pas la mer à boire, en termes pratiques, c’est un effort que l’on peut faire. Voilà pour le circonstanciel.

Hélas, le circonstanciel est un rideau de fumée. Et le public le sent bien, lui qui met en avant des arguments stigmatisés comme populistes et primaires, mais, en réalité, des arguments tout à fait profonds. L’expression « primaires » est toujours utilisée par les pseudo-élites pour rabaisser le peuple et tenter de faire croire qu’il est incapable de clairvoyance.

L’argument qui désigne les gens comme « primaires », sous-jacent aux protestations populaires, n’est pas si primaire que cela. D’abord, le peuple comprend fort bien qu’il y a résonance (au sens physique) entre, d’un côté, la question des 24.000 migrants et, de l’autre, le phénomène de l’immigration en général et, enfin, la question de l’ouverture sur le monde et celle de la concurrence en général.

Si vous discutez avec un de ces « primaires », vous arrivez vite à l’argument suivant: « on les soigne, on les loge, on les nourrit, on leur donne même de l’argent de poche pour leurs déplacements, alors que telle personne dans ma famille ou que je connais est dans la misère, sans travail, cette personne attend un logement depuis deux ans, elle mène une vie de plus en plus indigne. Et cette personne d’ajouter, regardez dans cet hôtel, plus de 30% de la clientèle est constituée de gens hébergés. Et qui paie? C’est nous ».

Ce sont des propos qui méritent respect car, sous leurs dehors populistes, ils posent un véritable problème. De quel droit un pouvoir politique ou médiatique écarterait-il de l’assistance des citoyens français dans le besoin au profit de réfugiés que nul ne connait. De quels droits, lorsque les ressources sont rationnées, la solidarité s’arrête-t-elle aux portes de certains pour se déverser généreusement sur les autres. Moi-même qui suis intellectuel et capable de couper les cheveux en quatre, je ne vois pas la rationalité du choix, ailleurs que dans un parti pris opaque.

Pourquoi donner la préférence aux uns sur les autres. La réponse pour nous est simple: c’est parce que l’on détient le pouvoir et le droit d’arbitraire. Le droit de dire: ceci est noir, ceci est blanc. Le droit de choisir entre deux vies humaines pourtant équivalentes, je préfère celle-ci à celle-là. Je préfère l’avenir d’un enfant de migrant à l’avenir d’un enfant de famille française déshéritée.

Allons plus loin encore et interrogeons-nous. D’où vient ce droit du plus fort qui permet de choisir et de donner la préférence aux uns, étrangers, sur les autres, nationaux. D’où vient la légitimité? Elle n’est certainement pas démocratique puisque, dans toutes les questions que l’on pose au peuple par le biais des sondages, il ressort plus ou moins une certaine sympathie pour la préférence nationale. Notez d’ailleurs que l’on évite en général d’interroger le peuple sur ces questions frontalement. Si ce n’est pas un choix démocratique, cela veut dire que c’est un choix qui vient d’ailleurs. D’où? Bonne question. Bonne question que celle de la légitimité de nos dirigeants lorsqu’ils font certains choix économiques, sociaux ou politiques ou même, dans le cas présent, pseudo-éthiques.

Nous allons prendre comme référence pour notre discussion un texte que Gattaz vient de publier. C’est intéressant de voir que Gattaz intervient sur ce sujet. Normalement, on ne l’attend pas sur les questions de morale. Mais son intervention est révélatrice. Elle permet de tracer le lien qu’il y a entre la soi-disant dimension morale de l’accueil et les préoccupations économiques du très grand capital.

C’est Gattaz lui-même donc et sa bande qui se donne les verges pour se faire fouetter et pointer le fait que derrière l’humanisme de l’accueil, il y a de sordides intérêts économiques. Le tout enrobé du ruban de la bonne conscience. Vous savez, cette bonne conscience qui repose sur le penser-faux.

Dans une lettre publiée sur le site du journal Le Monde, Pierre Gattaz estime que la crise actuelle des migrants nous oblige à l’action.

Le président du Medef explique que l’accueil décent des migrants est un impératif, d’abord pour des questions de simple humanité et de cohérence avec l’une des trois valeurs fondatrices de notre République, la fraternité.

Sur ce point, nous ne pouvons qu’être d’accord, les valeurs que nous respectons et défendons poussent dans le sens de l’aide et de l’accueil. C’est une dimension, voire un impératif moral.

Mais la morale n’est pas à géométrie variable, invocable quand elle va dans le sens des intérêts et révocable quand elle s’y oppose. Où est l’impératif moral qui nous pousse aux interventions militaires lâches sous forme de fournitures d’armes, de renseignements, pour tuer plus efficacement. Où est la morale dans cette montée des peuples les uns contre les autres, dans cette volonté de choisir un camp contre un ou plusieurs autres?
La vraie morale consisterait, d’une part à éviter de juger ce que nous ne comprenons pas, car culturellement étranger et, ensuite, à tout mettre en œuvre pour favoriser les solutions politiques.

Obama a donné l’exemple, contre les néo-cons, que le dialogue peut donner des résultats avec l’Iran, même si ces résultats sont fragiles ou temporaires. En sens inverse, en choisissant des camps et en les instrumentalisant, comme on le fait également dans le cadre du conflit ukrainien, on bafoue la morale. Il y a toujours conflit entre la morale et le pragmatisme politique et économique, c’est quasi inévitable, mais ne peut être respecté celui qui invoque la morale à géométrie variable pour dissimiler son pragmatisme égoïste. Celui-là viole les valeurs deux fois, la première par son choix partial, la seconde par ses mensonges.

Revenons à Gattaz. Mais aussi, dit-il, parce que, selon lui, c’est une opportunité pour notre pays.

La question de l’opportunité pour notre pays est, elle aussi, sujette à débat. Elle trouve son origine dans l’idée qu’une économie croît, progresse, en fonction de l’offre. Le potentiel de croissance serait fonction de la croissance de la population, des investissements, des progrès techniques et technologiques, de l’ouverture sur l’extérieur, etc. C’est la thèse la plus fréquemment admise, sans discussion, comme étant de bon sens.

C’est la thèse classique des tenants de la théorie de l’offre. Nous sommes de ce camp-là. Mais ce n’est pas parce que la croissance à long terme est fonction de l’offre, fonction des ressources en main d’œuvre, fonction des ressources en intelligence, fonction de la capacité à accumuler des outils, que cela est toujours vrai. Il y a des moments où, en raison du crédit, en raison de la mauvaise allocation du capital, en raison d’une gestion politique délirante, l’offre, au lieu d’être un atout, se retourne en son contraire et devient un handicap.

Il ne vient à l’idée de personne dans le monde politique, parce qu’en général ces gens n’ont pas d’idée, qu’il y ait une contradiction majeure entre dire: la crise que nous traversons est une crise d’insuffisance de demande, ce qui est symétriquement une crise d’excès d’offre, et maintenir le dogme de la pensée pseudo-libérale selon laquelle la croissance serait toujours une fonction de l’offre.

La réalité non idéologique est que la croissance n’est jamais univoque. Quelquefois, elle est ralentie par une insuffisance d’offre, quelquefois par une insuffisance de demande solvable. La théorie économique doit être nuancée et adaptée à la situation du moment. Il y a des moments où la stagnation ou le ralentissement résultent d’une progression insuffisante de la masse de facteurs de production et des moments où, symétriquement, la stagnation et le ralentissement sont produits par une progression insuffisante de la demande, en particulier lorsque le pouvoir d’achat est insuffisant.

Notre bon Monsieur Gattaz nous prend pour des imbéciles lorsqu’il nous dit que les migrants et l’immigration en général sont une chance. Il suggère implicitement que leur offre de travail, leurs bras et leur intelligence, vont faire progresser notre économie. Comment le feraient-ils puisque notre population est au chômage et qu’il n’y a déjà pas assez de travail pour utiliser ses forces et ses capacités intellectuelles. Un migrant aurait-il plus de chance de trouver un travail dans un pays qui a 16% de sous-emploi réel qu’un Français qui a été licencié, formé et éduqué? L’employabilité d’un migrant ou d’un immigré serait-elle supérieure à celle d’un autochtone? Nous supposons que vous comme nous, vous en doutez.

Il y a des moments où ce qui est rare, c’est l’emploi, la capacité à mettre au travail; et il y a des moments où ce qui est rare, ce sont les facteurs de production, les forces humaines, les intelligences, les capacités d’innovation, les outils.

Dans la situation présente, les migrants, tous les personnes qui émigrent dans notre pays, viennent grossir le rang des chômeurs, le rang des assistés, le rang des « takers ». Un « taker » aux Etats-Unis, c’est quelqu’un qui prélève sur les ressources, mais qui ne donne rien en contrepartie. Dire comme Gattaz que grossir le rang des takers est un atout pour notre pays, c’est une pirouette… keynésienne.

Notre Gattaz s’embarque dans une justification de l’immigration fondée sur la théorie de l’offre pour retomber sur ses pieds d’une immigration fondée sur la théorie de la demande.

On passe de l’idée selon laquelle l’immigration permettrait d’élever le taux de croissance grâce à l’augmentation des ressources productives à l’idée selon laquelle l’immigration permettrait d’élever le taux de croissance grâce à l’augmentation des ressources « consommatives ». Grâce à la consommation de ces gens, on pourrait obtenir un niveau de croissance supplémentaire.La réalité est que disposer de trop de ressources productives en situation d’excès d’offre est un colossal gaspillage, un handicap.

La thèse de Gattaz est purement idéologique.

La thèse de Gattaz est malhonnête intellectuellement.

« Cessons toute condescendance envers ces migrants : ils ont souvent un fort niveau d’éducation, sont la plupart du temps jeunes, formés, et n’ont qu’une envie, vivre en paix et pouvoir élever une famille », poursuit-il.

« Accueillons-les et sachons tirer profit de leur dynamisme, de leur courage, de leur histoire aussi. Accélérons enfin nos réformes pour être capables de les intégrer pleinement dans la durée ».

Lisez soigneusement le dernier paragraphe. C’est là où notre Gattaz montre plus clairement le bout de l’oreille.

Résumons. Les migrants, l’immigration sont un atout en vertu de la théorie de l’offre. Ils augmentent la quantité de facteurs de production disponibles. Nous avons démontré ci-dessus la fausseté de cette affirmation puisqu’il y a des moments où le ralentissement économique vient d’une insuffisance d’offre, mais qu’il y a des moments où le ralentissement économique est produit par l’excès de l’offre en regard de la demande.

Le ralentissement, dans ce cas, qui est le cas présent, quasi mondial, a pour origine un excès d’offre globale et une insuffisance de demande globale dont l’origine est le manque de pouvoir d’achat. Ce que l’on cherche à compenser par l’accroissement de la masse de dette dans le système. Notre crise est une crise déflationniste, aussi bien au niveau global, qu’au niveau européen et au niveau français.

Que dit notre Gattaz dans sa pirouette de la fin? Il dit: accélérons les réformes! Ha le brave homme!

Accélérons les réformes, qu’est-ce que cela veut dire? Accélérons les réformes en liaison avec l’augmentation de l’immigration. Ben voyons! Cela veut dire, accélérons les réformes en cours, celles qui ont pour objectif d’augmenter la flexibilité, la souplesse (surtout de l’échine), bref toutes ces réformes dont l’objectif est certes dissimulé en France, mais pas tant au niveau européen, toutes ces réformes qui ont pour but de diminuer le coût du travail, de peser sur les salaires!
Donc ce que souhaite notre Gattaz en omettant les articulations du raisonnement, c’est que l’immigration, conformément à la politique débile qui est menée depuis le début des années 80, pèse dans le sens déflationniste. Il souhaite que ces gens qui n’ont pas de ressources vivent aux crochets de la population française par l’augmentation des prélèvements et des répartitions, ce qui est déflationniste. Il souhaite que ces gens viennent brader leur force de travail et leur intelligence et fassent ainsi baisser les salaires, ce qui est également déflationniste.

Bref, alors que nous sommes dans une abominable crise déflationniste, dont nous n’avons jamais douté que la responsabilité était portée par le Très Grand Capital, le représentant de ce Très Grand Capital demande encore plus de déflation, encore plus de crise.

Les migrants, en relançant la dimension éthique de l’immigration sont une occasion de tromper les Français comme l’a été la question posée par la liberté d’expression avec le sinistre « Je suis Charlie »

http://brunobertez.com/2015/09/09/editorial-les-migrants-une-opportunite-pour-le-tres-grand-capital/

Transmis par Jean-Michel

 

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