Archéologie : Nos ancêtre les Gaulois n’étaient pas les barbares que l’on croit

Avouons-le, à l’exception des  universitaires ou des passionnés, notre image des Gaulois est essentiellement celle véhiculée par les histoires d’Astérix.  Une population assez frustre de bagarreurs, vivant dans des villages  rustiques, se nourrissant de chasse au sanglier et de pêche sous la conduite d’un druide qui coupe du gui avec une serpe en or… Face à cela, nous est présentée la civilisation raffinée de Rome en comparaison de laquelle, nos ancêtres font figure de barbares.

La réalité est tout autre :  c’est ce que nous apprennent les dernières découvertes d’un site archéologique riche en surprises ! Non mais quand même ! 🙂

Découverte d’un méga-site gaulois de silos à grains en Auvergne

Par Martine Valo

En décidant d’aller creuser le sous-sol du Lac-du-Puy, l’équipe de chercheurs du chantier de fouilles archéologiques de Corent, dans le Puy-de-Dôme, s’attendait à quelque découverte, sans savoir de quelle nature. Le choix ne doit rien au hasard : cette dépression humide – un ancien étang de taille moyenne – se situe à 300 mètres à peine du site de Corent. Là se dressait très probablement la capitale des Arvernes, une grande cité gauloise qui occupait une colline au bord de l’Allier, à huit kilomètres du champ de bataille de la fameuse Gergovie.

« On a immédiatement vu se dessiner des ronds de terre, espacés d’un mètre de façon très homogène, témoigne Matthieu Poux, professeur à l’université Lyon-II et responsable des fouilles de Corent. On en a coupé un ou deux à la pelle mécanique, ce qui a fait apparaître la forme évasée caractéristique d’un silo à récoltes, puis un autre et un autre encore. Sur moins de 10 % de la superficie du lac, nous en avons déjà trouvé 125. C’est colossal. »

Selon les estimations que Le Monde dévoile jeudi 13 août, le site pourrait compter un millier de silos environ (entre 600 et 1 500), de profondeurs variables, mais implantés régulièrement dans un sol argileux. D’un volume d’à peu près un mètre cube, chacun avait la capacité de stocker de 500 kilos à 1,5 tonne de céréales : de quoi conserver durablement des centaines de tonnes de grains à la fois. Un tel aménagement représente un imposant chantier de génie civil pour des Gaulois ayant vécu à l’âge de fer. « Sous chaque silo, on observe un creusement comme si on avait réalisé un petit puits de forage pour vérifier que la couche d’argile était suffisante », précise Matthieu Poux.

Les archéologues savent que cette installation ne servait déjà plus à l’époque romaine. Elle avait été comblée et recouverte : des débris de céramiques en surface en attestent. Mais ils ne peuvent dater cette découverte avec plus de précision pour l’heure. « Les fosses ont pu être creusées au début de l’âge de fer, entre 750 et 450 avant J.-C. ou bien entre 150 et 50, lorsque l’agglomération de Corent occupait tout ce plateau de 50 hectares, y compris le centre de stockage donc, ou encore entre les deux », expose M. Poux.

Système ingénieux

Des archéologues en train de travailler sur le site de fouilles archéologiques du site de Corent, dans le Puy-de-Dôme, en Auvergne, le mercredi 12 août.

D’autres batteries de silos datant de 400 avant J.-C. ont été mises au jour en Allemagne, dans le Berry ou en Catalogne, mais celle découverte en Auvergne est d’une ampleur au moins trois fois supérieure. Elle se différencie aussi par son implantation à 500 mètres d’altitude, sur un plateau surmonté d’une importante poche d’argile.

« Le système est ingénieux, c’est une sorte d’emballage sous vide” », s’enthousiasme l’archéologue. Creusées dans un environnement presque totalement imperméable à l’eau et à l’air, les fosses étaient remplies à ras bord de grains de blé ou d’orge, puis hermétiquement obturées. Une fois que la légère fermentation de céréales avait consommé ce qu’il restait d’oxygène, la conservation était garantie plusieurs mois, voire plusieurs années. Des restes de charbon sur les bords des silos semblent indiquer que ceux-ci ont été stérilisés au feu trois ou quatre fois afin d’être réutilisés.

Pourquoi avoir voulu engranger de telles quantités de récoltes en un même lieu ? Pour une population menacée par un siège ? Pour en faire commerce, alors que Corent abritait de grandes foires ? Et pourquoi avoir installé un méga-site de stockage en dehors d’une plaine agricole et sans accès direct à un cours d’eau pour le transport ?

Ce sont là quelques-unes des questions posées par la trouvaille – une de plus – sur le site de Corent. Les fouilles qui y sont menées depuis quinze ans ne cessent d’apporter de nouvelles surprises sur la culture urbaine des occupants de cette agglomération. Ont déjà été mis au jour dans cet oppidum – « une véritable ville peuplée de plusieurs milliers d’habitants », précise l’équipe – un « théâtre » gaulois servant probablement de lieu de délibération ou de tribunal, un sanctuaire, un centre de frappe monétaire, un habitat de prestige et des bijoux de valeur… Et voilà que cet été ces fouilles livrent de surcroît des révélations étonnantes sur la façon dont les Gaulois étaient capables de maîtriser leur environnement naturel.

Croisement des données

Sur le chantier de fouilles de Corent, tout près d'une ancienne cité gauloise qui fut probablement la capitale des Arvernes, les archéologues viennent de mettre au jour un méga-site de stockage de récoltes.  Photo prise le mercredi 12 août.

Les chercheurs se demandent en effet si ces derniers n’avaient pas asséché volontairement le lac pour en utiliser le fond argileux. « C’est une possibilité, mais nous ne pouvons pas trop nous avancer, car ce bassin a une histoire complexe, tempère Alfredo Mayoral Pascual, qui dirige le volet paléoenvironnemental du sondage de l’étang. Comment les Gaulois s’y seraient-ils pris ? En creusant une cuvette au centre, en drainant l’eau vers des fossés extérieurs ? Nous ne le savons pas encore. »

Le travail de ce doctorant du laboratoire Geolab de l’université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand repose, lui, sur l’analyse des traces biologiques et sédimentaires héritées de l’histoire des lieux. Il étudie les strates du sol, la qualité chimique de l’eau qui peut témoigner de la présence de maréchaux-ferrants ou de tanneurs ou encore analyse des pollens qui racontent l’évolution des paysages – forêts, champs ou friches. « Sans le croisement de toutes nos données avec celles des archéologues, nous ne comprendrions rien à Corent », assure Alfredo Mayoral Pascual. Savoir si les grains emmagasinés dans les silos correspondent aux restes de galettes trouvés dans les cuisines de la ville gauloise : voilà le genre d’énigme que l’équipe pluridisciplinaire espère bien résoudre.

 

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