Minority Report : « Anticrime » se crée…. en France !

Gendarmes et industriels imaginent un nouveau logiciel pour prédire le crime

En 2002 apparaissait sur nos écrans un film hollywoodien  réalisé par Steven Spielberg, basé  sur une nouvelle de l’écrivain de science-fiction Philip K. Dick.

Dans ce film, les « précog » sont capable d’analyser chaque mouvement de la société  ou de l’un de ses composants qui pourrait conduire à l’accomplissement d’un acte criminel. (1)

(Vous noterez au passage et une fois encore le côté « prophétique » des écrivains de SF)

En 2012, apparaissaient des articles sur le logiciel FAST développé aux… U.S. (2)

Ca n’a pas trainé.. Fidèle à imiter tout ce qui vient d’outre-Atlantique, même les pires choses, la France développe un projet de logiciel hyper-sophistiqué, capable de s’auto-développer présenté par le Ministère de l’Intérieur.

Apparemment, c’est techniquement encore un peu flou,  mais ne nous faisons pas d’illusions, la résistance va devenir vraiment ardue dans une France qui choisit le totalitarisme… Les choses s’accélèrent gravement… Si nous voulons le changement, c’est maintenant !

Galadriel

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Par Jérôme Hourdeaux

Le titre du projet n’est pas encore définitif : « Horizon » ou « Anticrime ». Son but, lui, est bien fixé : « Développer un projet d’analyse et de prédiction de la criminalité ».

Alors que le projet de loi renseignement et ses fameuses « boîtes noires », censées détecter sur Internet les candidats au terrorisme, ont réveillé le spectre d’une société à la Minority Report, le Service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale (SCRC) a déjà un train d’avance. Certes, nous sommes encore loin du système de prédiction des crimes et d’arrestations préventives décrit dans la nouvelle de Philip K. Dick. Mais le projet « Anticrime » n’en demeure pas moins particulièrement ambitieux.

La « proposition de projet R&D » diffusée par le laboratoire Teralab de l’Institut Mines-Télécom que Mediapart a pu consulter ne constitue qu’une première étape, une esquisse, d’un projet qui n’est pas encore réellement lancé. Elle reste révélatrice des ambitions des services de renseignement en matière d’usage de la technologie, et des nouveaux pouvoirs que va leur offrir le projet de loi renseignement.

« L’objectif du projet s’inscrit dans une démarche de renseignement criminel qui consiste à partir d’une compréhension de la criminalité à anticiper les phénomènes en vue d’une meilleure stratégie de lutte en terme de prévention notamment », explique le descriptif détaillé. Or, selon les gendarmes, « la criminalité » ne peut « être considérée comme un signal déterministe ou aléatoire, elle répond à des critères explicatifs qu’il convient d’identifier afin de pouvoir anticiper de nouvelles occurrences ». Ainsi, si la criminalité ne doit rien au hasard et est le fruit de facteurs déterministes, il suffirait donc d’entrer un nombre de critères suffisant pour prédire ses prochaines manifestations.

Mais pour cela, il faut donc intégrer à l’algorithme « un ensemble de variables les plus diverses afin de déterminer celles qui à différents échelons administratifs (villes, départements, régions) sont les plus significatives ». Ces données seront d’un côté « disponibles en sources ouvertes (Insee, météo, géographie) » et de l’autre « des données d’intérêt criminel » transmises par le SCRC « sous couvert d’une clause de confidentialité ». Par ailleurs, « le plan opérationnel nécessitant une rapidité d’action, des données non structurées pourront être intégrées, à savoir des extractions de blogs ou de réseaux sociaux (Facebook, Twitter…) ».

Sur le papier, le projet est donc potentiellement colossal. « Il n’existe pas à ce jour de projet de ce type dans le domaine de la lutte contre la criminalité qui englobe l’aspect descriptif et prédictif à des échelles de temps et d’espace différents en intégrant une telle variété de données », annonce même le descriptif. « En outre, un tel projet doit apparaître comme un véritable outil d’aide à la décision en matière de déploiement de ressources comme de mode d’action à envisager. » D’autant plus que l’institut est associé pour ce projet à un partenaire privé de poids, la société Morpho, filiale électronique du groupe de défense Safran, né de la fusion en 2005 de Snecma et Sagem.

Quelles seront exactement les données injectées dans cet algorithme ? Quelles seront ses prédictions ? Comment ces dernières seront-elles utilisées ? La description du projet laisse imaginer un dispositif visant à prédire l’apparition de phénomènes criminels sur l’ensemble du territoire, afin de mieux répartir les moyens des forces de l’ordre. Mais avec quelle précision ? S’agira-t-il juste de dire que dans tel quartier, on peut s’attendre à une recrudescence de cambriolages en été ? Ou les données, notamment issues d’Internet, permettront-elles de viser plus particulièrement certaines populations ?

Calcul stochastique et machine learning

Interrogée, la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) affirme ne pas avoir connaissance d’un projet « Horizon/Anticrime » mais confirme avoir « des projets sur une analyse prédictive dans un cadre de situation préventionnelle notamment au sein du Teralab de l’institut Mines-Télécom, en partenariat avec la société Morpho ».

« Le sujet consiste à effectuer des projections temporelles en 2015 sur différentes infractions (cambriolages de résidences principales et de résidences secondaires, vols de véhicules…) mais aussi spatiales sans que ne soit mentionné une seule adresse ou un seul nom », précise la gendarmerie. Le but du projet est donc de travailler « sur une représentation spatiotemporelle prédictive de fait afin de mieux comprendre les mécanismes de la criminalité ».

Concernant les données qui seront utilisées, la DGGN affirme, contrairement à ce qu’indique le descriptif, ne pas travailler « sur l’aspect prédictif incluant les réseaux sociaux ». L’algorithme sera uniquement alimenté par « des données quantitatives notamment via l’ONDRP [l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales – ndlr] et l’Insee ».

La question de l’analyse prédictive de la criminalité n’est d’ailleurs pas un sujet tabou pour les forces de l’ordre. Jeudi 21 mai à Cergy-Pontoise (Val-d’Oise), Bernard Cazeneuve a ainsi inauguré les nouveaux locaux du Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN) abritant le SCRC, l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), le Centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N).

À cette occasion, le ministère de l’intérieur s’est livré à une entreprise de communication bien huilée. À la veille de l’inauguration officielle, la gendarmerie a invité quelques journalistes pour leur faire la démonstration d’un algorithme prédictif déjà en activité depuis la fin d’année 2014. Celui-ci intègre des données issues des faits constatés par les forces de l’ordre et des statistiques de l’Insee, pour ensuite fournir des cartes permettant d’analyser la criminalité et de prédire son évolution.

« Nous construisons un modèle basé sur les infractions constatées entre 2008 et 2013. S’il est validé et se vérifie sur les faits de 2014, nous le projetons sur l’année 2015 », explique à 20 Minutes Patrick Perrot, chef de la division analyse et investigation criminelle. Comme pour le projet « Anticrime », les résultats servent à mieux répartir des moyens de la gendarmerie sur le territoire. « L’objectif est d’optimiser le ciblage face au développement de la criminalité pour être le plus pertinent possible dans notre surveillance », poursuit Patrick Perrot, interrogé cette fois par Europe 1.

© Reuters

 

Impossible, à l’heure actuelle, de savoir si l’algorithme déjà en place repose sur la même technologie que celui que le Teralab s’apprête à développer. D’autant que, au sein du laboratoire, on relativise fortement la portée de cet appel à projet. Celui-ci ne serait qu’une ébauche et l’équipe n’a pour l’instant aucune idée des données qui lui seront fournies. En résumé, l’appel à projet sur-vendrait en quelque sorte à la fois son ampleur et les capacités des partenaires.

On peut toutefois s’étonner, dans ce cas, de certaines ambitions affichées et notamment une éventuelle commercialisation. « Du point de vue de l’utilisateur final et de l’industriel partenaire, le niveau de performance prédictive atteint par les modèles et le format (interface graphique, outils de visualisation) des résultats produits par les outils d’analyse pourront permettre d’élaborer un cahier des charges pour un éventuel produit commercialisable », explique la fiche descriptive. Il est également précisé que « Morpho cherche à développer une offre pertinente d’analyse criminalistique sur le marché international, auprès des forces de police et de sécurité qui sont déjà ses clients ».

Par ailleurs, l’Institut Mines-Télécom est loin d’être un débutant en matière d’algorithme. La plateforme Teralab est ainsi un projet commun lancé par l’institut et le Groupe des écoles nationales d’économie et de statistique (Genes), lauréat en 2012 de l’appel à projets big data du Programme d’investissements d’avenir (PIA). Et le responsable du projet, Stéphan Clémençon, est quant à lui le créateur de la chaire « Machine Learning for Big Data », un département travaillant déjà en collaboration avec des partenaires privés comme Critéo, Safran, PSA ou la BNP Paribas.

Pour comprendre les enjeux de ces algorithmes prédictifs, et l’importance du projet Anticrime, il est indispensable de se pencher sur ce domaine méconnu – et spécialité du Teralab – à la frontière entre mathématique, statistique et informatique, qu’est le « machine learning ». Durant de nombreuses décennies, des pans entiers de la théorie des probabilités sont restés à un état purement théorique, principalement en raison du manque de puissance de calcul.

Ce fut notamment le cas du calcul stochastique, champ de recherche visant, pour simplifier, à étudier « des phénomènes aléatoires dépendant du temps », c’est-à-dire à calculer des probabilités dépendant de variables aléatoires et évoluant dans le temps. Mais la révolution informatique a apporté aux chercheurs les deux éléments indispensables à une mise en pratique : des machines aux puissances de calcul considérables et un stock phénoménal de données sur lesquelles travailler.

 

 

Suite et fin sur : http://www.mediapart.fr/journal/france/250515/gendarmes-et-industriels-imaginent-un-nouveau-logiciel-pour-predire-le-crime?onglet=full

(édition abonné)

 

(1) TOUT SAVOIR SUR MINORITY REPORT

http://fr.wikipedia.org/wiki/Minority_Report

(2) Le logiciel qui permet de prédire les crimes : quand Minority Report devient la réalité

http://www.atlantico.fr/decryptage/machine-predire-crimes-quand-minority-report-devient-realite-etats-unis-274020.html

 

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