Vol MH370 : L’avis d’un pilote de ligne

Vous vous souvenez sans doute de la disparition du côté de l’océan Indien du vol H370 de la Malaysian Air Lines , sur laquelle de nombreuses hypothèses ont été construites.  Cet anniversaire sinistre remet sur le devant de l’actualité cet événement que l’on explique toujours pas.

Voici l’intéressante interprétation d’un professionnel aguerri de l’aéronautique qui ouvre certaines pistes et souligne également des négligences.

 

Debriefing de l’émission W9 TV du 4 mars sur le MH 370

 

Ce fut une émission sérieusement construite, qui attire mes remarques suivantes :

Avec la même durée d’émission, j’aurais aimé y trouver moins de scènes montrant la douleur des proches des passagers, dont on comprend la douleur et la colère, mais le but de l’émission était de faire le point sur la question « Qu’est-il arrivé au MH 370 ». Le temps qui aurait pu être gagné en limitant ces multiples scènes aurait permis de se concentrer mieux sur les différentes hypothèses et plus complètes.

Hypothèse d’un détournement : je n’y crois pas

Les « pings » d’Inmarsat

L’émission n’a pas assez parlé de ces fameux « Pings » émis par l’avion vers les satellites d’Inmarsat et n’ont pas mis l’accent sur l’importance de ces données factuelles, si elles représentent la vérité.

Si elles sont exactes, cela implique d’exclure la fameuse hypothèse « Diego Garcia » ou similaires, car l’avion ne peut pas se trouver en train de vouloir se planter sur cet atoll de la base USA et en même temps sur un trajet qui le mène à des milliers de kilomètres de là, au fin fond de l’Océan Indien, après avoir volé 6h55 de vol après la perte du contact du radar du contrôle aérien. C’est l’un ou c’est l’autre mais pas les deux et l’émission n’a pas assez souligné ce dilemme.

Pour autant, comme on ne prête qu’aux riches et je me garderai bien de prendre pour argent comptant les données d’Inmarsat, société britannique, en souhaitant qu’elles soient authentifiées par une commission indépendante, si on peut toutefois en trouver une !

Je n’oublie pas qu’en matière de coup tordus, les Anglais sont des Maîtres et l’État-major allemand a pu le constater en 1944, avec l’opération « Fortitude » qui a ancré dans la tête du petit peintre autrichien que le débarquement aurait lieu dans le Pas de Calais ! Les « Services » anglais sont intimement liés à ceux de leurs collègues US et il ne faut donc pas exclure une machination de contrefeu au soupçon du MH 370 descendu par les USA à proximité de Diego Garcia.

Je n’ai pas compris la démonstration mathématique compliquée d’Inmarsat et je ne suis certainement pas le seul, mais je suis surpris que puisque les tenants de la théorie comploteuse sont si nombreux, qu’il ne se soit trouvé personne pour apporter la démonstration claire que les affirmations concernant la trajectoire d’Inmarsat sont fausses.
Faute de mieux, je fais donc crédit provisoire aux fameux « Pings » et à ce qui en découle d’un vol de 7 heures vers l’Océan Indien.

L’extincteur retrouvé aux Maldives

Je suis surpris également que ni Boeing, ni le NTSB n’aient donnés de réponse à la question : « l’extincteur retrouvé sur une plage des Maldives, dont j’ai publié la photo, est-il celui du Boeing 777 disparu ». Assurément, il porte une plaque comportant un numéro de Spare Part, qui permettrait de l’identifier en quelques heures. Je déplore que l’émission n’ait pas fait état de cette lacune des enquêteurs.

Je renvoie ceux qui s’intéressent à ce point à l’article que j’ai publié le 29 avril 2014 et que vous trouverez plus loin dans ce Blog.

La trajectoire detectée par le radar militaire

Concernant la trajectoire biscornue suivie après la perte de contact Transpondeur et ACARS, elle est basée sur une trajectoire enregistrée par un radar primaire militaire Malaisien. La Commission d’enquête Malaisienne a écrit avec prudence dans son rapport préliminaire « Que cette trajectoire était une possibilité », car non identifiée de façon certaine au milieu d’autres enregistrements.
Quand on voit que les hypothèses sur un détournement volontaire sont basées sur cette trajectoire, on a donc des raisons de les considérer avec circonspection.
Cette méfiance devant ces « données » de radar militaire est amplifiée, quand je vois qu’on y ajoute des « données » d’altitude dont on se demande de quel radar de site elles proviendraient, puisqu’il n’y avait plus de données de transpondeur, et qui font descendre l’avion à 12.000 pieds, puis remonter à 45.000 pieds, ce qui n’a été montré dans aucun vol d’essai et qui est impossible à la masse qui était la sienne.

Quant à ceux qui s’étonnent que les autorités Malaisiennes ou Thaïlandaises locales n’aient pas fait décoller des chasseurs, il aurait d’abord fallu avoir quelqu’un devant un scope radar, ce qui n’était pas le cas, puisqu’on a découvert cet enregistrement que des jours plus tard. D’autre part, dans un pays qui a montré dans cette affaire une rare incompétence, il faudrait être jobard pour croire qu’ils disposent d’une aviation militaire semblable à celle qui existait en Europe au temps de la guerre froide.

Le 8 mars 2014, c’était un samedi soir vers minuit dans une région sans tension politique ou militaire et souvenons-nous du bordel de la défense de Pearl Harbour un certain dimanche matin de 1941 et ne leur jetons pas trop la pierre !

Enfin, si détournement il y avait eu vers Diego Garcia et que l’avion avait été descendu par des missiles USA, un groupe terroriste n’aurait certainement pas manqué de faire état de ce forfait américain et il aurait eu un impact médiatique considérable. Je m’étonne d’ailleurs que même si cette hypothèse a été contraire à la réalité, il ne se soit pas trouvé sur Internet des manipulateurs pour en faire état !

Last but not the least, rappelons-nous qu’il y a environ deux crashs d’avions de ligne par semaine, oui, par semaine et que ceux dus au terrorisme, c’est peanuts. Ils sont quasiment tous dus à des facteurs humains ou des problèmes techniques, ou un mélange des deux. Dans l’incertitude, les hypothèses sur une origine technique ont plus de chance de coller à la vérité que celles complotistes !

Un suicide : possible, mais peu probable

On ne peut récuser cette hypothèse à priori, mais je ne la pense pas réaliste. Le schéma théorique pourrait être le suivant, avec deux hypothèses de suicide du CDB ou de l’OPL :
Je pense que la plus probable impliquerait le CDB et non pas le copilote. Mais c’était un homme équilibré, installé dans une vie de famille et professionnelle, religieux modéré et ses penchants politiques n’en faisaient pas un candidat au martyre. Mais admettons l’hypothèse. Profitant d’un besoin de toilette de l’OPL, le CDB se retrouve seul au cockpit et verrouille la porte. Il met son masque à oxygène, différent de celui des passagers et coupe la pressurisation. L’altitude cabine monte à toute allure. Les masques à oxygène des passagers tombent et vont leur fournir 15 minutes d’oxygène, après quoi ils sont à 11.500 mètres, 3.000 mètres au-dessus de l’Everest et en moins d’une minute, ils sombrent dans un inconscient mortel avec une température de -56° dans la cabine. Il y a quelques bouteilles d’O² portatives dont certains PNC peuvent s’équiper et aussi l’OPL, mais cela ne fait que leur donner un court laps de temps supplémentaire, qui ne leur sert à rien, puisque la porte du cockpit est fermée. L’avion poursuit sa route vers le sud de l’Océan Indien pour y disparaitre.

Mais ce scenario se heurte à trois écueils :
1°) Pour aller couper l’ACARS, il faut descendre dans la soute électronique pour tirer un disjoncteur. L’accès à cette soute se fait par un escalier raide situé en cabine, derrière le poste de pilotage. Il aurait donc fallu qu’avant de s’enfermer dans le cockpit, le Captain s’absente du poste pour aller tirer ce breaker. Ensuite, il lui aurait fallu attendre que l’OPL ait envie d’aller aux toilettes ou qu’il l’envoie derrière sur un prétexte.
2°) l’avion a volé 6h55 après la perte du contact avec le contrôle aérien. Il faudrait vérifier, mais je suis quasi certain que la bouteille d’oxygène qui alimente le poste n’avait pas la quantité suffisante pour alimenter le CDB pendant 7 heures en débit 100%. Bien sûr, on peut émettre l’hypothèse que le CDB a lui-même perdu conscience faute d’oxygène, l’avion continuant sur pilote automatique jusqu’à extinction des moteurs.
3°) Sur les 237 passagers et équipage (hors les deux pilotes), il est peu vraisemblable qu’il n’y ait eu aucun appel par téléphone portable durant les 15 minutes d’oxygène dont ils ont disposé.

Si c’était le copilote qui était à l’origine du suicide, le scénario serait le même. Mais il est certain que ce jeune homme avait plutôt envie de vivre que mourir (cf les passagères qu’il avait fait venir au poste sur un vol précédent !)

L’hypothèse d’une dépressurisation causée par une explosion : beaucoup de cohérences.

Je retiens cette hypothèse depuis le début de cette affaire, non pas orgueil d’auteur, mais parce qu’il me semble que c’est celle qui offre le plus de vraisemblance.

Les enquêteurs ont retenu l’hypothèse d’une hypoxie des pilotes et des passagers

Le 26 juin 2014, l’ATSB (Australian Transport Safety Board) a publié un rapport de 60 pages qui fait le point sur la disparition de vol MH 370.
Selon les enquêteurs australiens : « Une hypoxie de l’équipage apparait comme la meilleure hypothèse pendant que le MH 370 volait vers une direction vers le Sud. » NDLR, rappelons que l’hypoxie signifie la perte de conscience du fait de manque d’oxygène.
Cette hypothèse des enquêteurs australiens confirme celle qu’avait émis Boeing dans un article du magazine Aviation Week & Space Technology du 24 mars 2014 : « Boeing retient parmi les causes potentielles celle d’une hypoxie ou asphyxie de l’équipage. La source vraisemblable de cette éventualité serait un feu progressif, émanant de la soute électronique ou d’autres endroits dans l’espace inférieur ».

Pourquoi cette dépressurisation ?

   1°) Explosion de batteries Lithium : Des essais ont montré que ce type d’explosion amenait pendant 3 minutes une température de 1200° Celsius ! Il y a là assurément de quoi creuser un gros trou dans la carlingue et il est fort possible que l’avion restant à 11.500 mètres dans un air raréfié en oxygène, ce feu s’arrête.
L’avion transportait 220kg de batteries Lithium selon les autorités Malaisiennes, qui sont dans l’impossibilité de savoir dans quelle soute elles se trouvaient. Cela peut ouvrir une large brèche dans la carlingue et provoquer la mise hors service de certains équipements de transmission, soit du fait de l’explosion, soit du fait d’un incendie, ou des deux causes simultanément.
2°) Explosion d’une bouteille d’oxygène : un collègue qui vient de faire une qualification de Boeing 777 m’a signalé une chose surprenante : dans la soute électronique, située derrière le cockpit, au milieu des innombrables racks qui contiennent les boites des systèmes de l’avion se trouve une bouteille d’oxygène. Il est certain que l’explosion d’une telle bouteille pourrait aussi faire un gros trou dans la carlingue et détruire divers équipements. Cette destruction de cette bouteille d’O² pourrait aussi être provoquée par l’explosion des batteries
En quelques secondes, la pressurisation disparait et la cabine entière est plongée à la température extérieure de -56° Celsius qui règne à 11.500m. Les masques oxygène des passagers tombent, mais ils ne fourniront de l’O² que pour une quinzaine de minutes et après, c’est la perte de conscience vers une mort rapide et frigorifiée.
Théoriquement, les pilotes auraient eu le temps de mettre leurs masques, qu’ils ont à portée de la main et qui sont à pose rapide d’une seule main en moins de 3 secondes. Mais encore faut-il que la bouteille d’oxygène qui alimente leurs masques ne soit pas détruite par l’explosion qui fait perdre la pressurisation.
Si c’est ce qui s’est passé, les pilotes n’avaient pas d’oxygène et dans le bref instant dont ils disposent avant de perdre connaissance, l’un des pilotes coupe la navigation qui entraine l’avion vers Pékin, pour effectuer un virage pour revenir vers Kuala Lumpur. Il passe sur le mode « Heading » (maintien d’un cap constant par le pilote automatique), affiche un cap de retour approximatif vers Kuala Lumpur, ainsi que la fonction « Altitude Hold », qui maintient le niveau de croisière de 35.000 pieds.
L’avion s’est retrouvé avec des pilotes d’abord évanouis, puis morts et cet avion s’est maintenu en vol à son cap et altitude, jusqu’à ce le pétrole soit épuisé et que les réacteurs s’arrêtent. Comme le transfert des réservoirs est automatique, et s’équilibre tout seul, il est probable que les réacteurs se sont arrêtés pratiquement au même instant et que protégé par ses protections électroniques, l’avion est descendu en vol plané à plat, pour venir « amerrir ». Il s’est ensuite enfoncé en un seul morceau et il va disparaitre à 5.000 mètres de fond, sur un fond dont on sait qu’il est fait d’une épaisse couche de sédiments boueux, où il s’est enfoncé. Il est vraisemblable qu’aucun mode recherche ne pourra retrouver cette épave enfouie, si on se souvient que les robots sous-marins ne descendent pas en dessous de 3.500 mètres.
Cette situation expliquerait pourquoi on n’a retrouvé aucun débris et pourquoi on n’en retrouvera jamais.

Adieu MH 370 et à tous les corps de ces malheureux, dont ce sera le tombeau.

En conclusion, je suis déçu que par gout du sensationnel TV, cette émission n’ait pas assez mis l’accent sur ce qui est selon toute probabilité l’hypothèse la plus charpentée et qui correspond le plus aux crashs tels qu’ils existent dans le monde réel.  Dommage !

Source :

http://www.jumboroger.fr/debriefing-de-lemission-w9-tv-du-4-mars-sur-le-mh-370/

Signalé par Jean-Michel

AUSSI :

 

http://www.pnc-contact.com/2015/04/07/le-mh370-aux-maldives-49018

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