Syriza : Les chiens sont lâchés !

Suite au compromis de Varoufakis avec l’Eurogroup qui a été signé vendredi soir, nous voyons fleurir des « Nous l’avions bien dit », « Tsypras à genou » et autres titres qui manifestent d’une sorte de joie mauvaise… Quelques voix s’élèvent tout de même pour faire remarquer qu’il est un peu malhonnête de parler de l’échec d’un gouvernement au bout de dix jours,  alors que chez nous au bout de deux ans avec des résultats qui ne bénéficient qu’à un CAC en pleine forme,  un chômage qui augmente, une pauvreté endémique, des caisses vides, un système dangereux de cavalerie  et une loi Macron imposée par décret, on ne voit toujours personne dans la rue ! Facile de condamner le soit disant manque de courage qu’on devrait  bien commencer à se reprocher à soi-même. 

Et puis, rien ne dit que Tsypras s’est couché devant l’Europe. Nous savions que la partie est difficile et la marge étroite, d’autant que les Grecs eux-mêmes ne souhaitent majoritairement ni la sortie de l’Euro, ni la sortie de l’Europe pour l’instant. Il ne s’agit peut-être que d’un compromis tactique momentané pour préparer la guerre (économique s’entend). Une décision comme une sortie  éventuelle de l’Euro et de l’UE est une décision grave et  qui se prépare : garde-fous économiques et préparation de l’opinion aux conséquences qui en découlent. Cela ne se fait pas en 10 jours n’en déplaise aux pisse-vinaigre.

Ne jugeons pas trop vite Syriza. Accordons lui les 4 mois qu’ils ont  négociés pour apprécier avec objectivité leur politique. Tout casser aurait eu du panache à nos yeux et l’idée d’un bras d’honneur de la Grèce à Merkel et sa bande est jouissive… Mais la Grèce  en a-t-elle les moyens ? Sa majorité est-elle d’accord ? Est-elle prête à le faire trop vite avec un maximum de dégâts ? N’oublions pas qu’Aube Dorée est tapi dans l’ombre et attend son heure. Rien de pourrait mieux servir ce parti qu’une chienlit généralisée. Oui, il y a eu des promesses, oui, l’Europe des tyrans semble avoir gagné la première manche.  Mais attendons la suite de la partie avant de juger, et commençons par balayer devant notre porte avant de lancer l’anathème et d’aboyer avec la meute..

Galadriel

 

L’accord Grèce-Eurogroupe

21 février 2015

Par

L’accord conclu le vendredi 20 février entre la Grèce et l’Eurogroupe suscite des commentaires contradictoires. Il faut, pour comprendre cet accord, et pour l’analyser, en resituer le contexte, à la fois dans le court et dans le long terme.

Un accord temporaire

Cet accord avait pour but d’éviter une crise immédiate. Le gouvernement d’Alexis Tsipras s’y était engagé. Une crise moins d’un mois après l’accession au pouvoir eut provoqué un chaos probable. De plus, cet accord mérite d’être regardé à la loupe. Il y a bien plus que ce qu’en dit Paul Krugman dans son billet pour le New-York Times[1]. En fait, la Grèce a obtenu plusieurs choses :

  1. La Grèce n’est plus obligée d’atteindre un excédent budgétaire primaire de 3% cette année. L’équilibre seul est exigé.
  2. Le « contrat » qui court sur 4 mois est explicitement désigné comme une transition vers un nouveau contrat, qui reste bien entendu à définir.
  3. La « Troïka » n’existe plus comme institutions, même si chacune de ses composantes continue d’exister. C’en est donc fini des équipes d’hommes en noir (men in black suits) qui venaient dicter leurs conditions à Athènes.
  4. La Grèce écrira désormais l’ordre du jour des réformes, et elle l’écrira seule. Les institutions donneront leur avis, mais ne pourront plus faire d’un point particulier de ces réformes une obligation impérieuse pour Athènes.

Un avantage plus discret est que le Gouvernement grec a brisé l’unanimité de façade de l’Eurogroupe et a obligé l’Allemagne à dévoiler ses positions. Mais, la Grèce a accepté de reconnaître – pour l’instant – l’ensemble de ses dettes. Il n’y a eu aucun progrès sur ce point, et aucun signe d’un changement d’attitude de l’Allemagne.

Un succès limité.

Mais, ce succès est limité. Dans 4 mois, fin juin, le gouvernement grec sera à nouveau confronté à l’Eurogroupe, et cette fois-ci, ce ne sera pas une négociation facile. Le gouvernement d’Athènes va proposer des réformes, et l’on peut penser que celles-ci vont faire peser le fardeau fiscal sur les privilégiés, et le contentieux avec l’Eurogroupe et l’Allemagne va encore grandir. De fait, l’Allemagne ne peut céder, ni non plus le gouvernement grec. Ceci implique que l’on va vers un nouvel affrontement, à moins que d’ici là se dessine une « alliance » anti-allemande. C’est ce qu’espère Tsipras, et sur ce point il a tort. Les gouvernements français et italiens sont en réalité acquis aux idées allemandes.

Et pourtant, l’idée d’utiliser les sommes allouées aux remboursements (intérêts et principal) pour relancer l’économie grecque, développer l’investissement, tombé à un niveau historiquement bas, a dus sens.

Graphique 1

Evolution des investissements en Grèce.

A - Invest

La chute de la productivité (en sus de la production) est l’indicateur de l’échec fondamental de la politique d’austérité.

Graphique 2

Evolution de la productivité du travail en Grèce

A -Prod du T

De même, prendre des mesures humanitaires d’urgence est fondamentalement juste, mais elle s’oppose frontalement avec la logique de créancier que défend l’Allemagne.

Se préparer à sortir de l’Euro.

Mieux vaut utiliser ces 4 mois gagnés de haute lutte pour se préparer à l’inévitable, c’est à dire à une sortie de l’Euro. Quelle que soit la stratégie de négociations de la Grèce, et celle conçue par son Ministre des Finances Yanis Varoufakis est excellente, il faut s’interroger sur le but de cette négociation. En fait, la Grèce ne peut obtenir des choses qui sont, dans le contexte politique actuel, contradictoires. Elle ne peut se dégager des dettes (d’au moins une partie) et garder l’Euro. Le paradoxe réside dans ce qu’une sortie de la Grèce de la zone Euro, par les effets induits qu’elle produira, mettra fin assez rapidement soit à l’Euro soit à la politique de Germano-Austérité. Mais, pour cela, la Grèce doit sortir de l’Euro.

Elle a 4 mois pour s’y préparer, pour convaincre la population qu’une telle issue est inévitable et qu’en réalité cette même issue constituera un progrès. Il est probable que cela implique aussi de changer de Ministre des Finance. Non que Yanis Varoufakis ait démérité, loin de là. Mais, il faudra bien annoncer la couleur et faire en sorte que la nouvelle stratégie de la Grèce soit prise au sérieux. La nomination d’hommes et de femmes connus pour leurs opinions négative quant à l’Euro serait un signal fort que l’on se prépare à un affrontement dans les meilleures dispositions.

[1] http://mobile.nytimes.com/blogs/krugman/2015/02/20/delphic-demarche/

http://russeurope.hypotheses.org/3482

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