Ça commence ! Grèce : le coup de semonce, très politique, de la BCE

Le coup de semonce est tombé vers 22 heures mercredi 4 février. Il a été tiré de Francfort : la Banque centrale européenne (BCE) a mis la pression maximale sur le gouvernement grec en suspendant le régime de faveur qu’elle accordait jusqu’ici aux banques hellènes, ces dernières pouvant emprunter de l’argent auprès de l’institution monétaire avec des garanties inférieures à celles exigées habituellement.

En pratique, cela ne remet pas en question la capacité des banques grecques à disposer des liquidités, dont elles estiment avoir grand besoin en ce moment. Elles pourront en effet toujours se refinancer auprès de la BCE, mais à à un taux plus élevé, et avec un risque porté seulement par la banque de Grèce.

  • La décision de la BCE est-elle une décision « politique » ?

C’est un message très clair, et sans ambiguïtés qui a été adressé par la BCE au gouvernement d’Alexis Tsipras : il s’agit de ramener ce dernier « à la raison ». En somme, la BCE dit à Athènes : il faut négocier, et vite, avec les Européens.

Mario Draghi, le président de la BCE, met ainsi Alexis Tsipras devant un choix cornélien : accepter, très vite, le chemin de négociation proposé – imposé – par les Européens, mais au prix d’un renoncement politique majeur, lui qui a fait toute sa campagne contre la troïka (Fonds monétaire international, Commission et Banque centrale européennes) et l’austérité ; ou prendre le risque de défaut, donc de « Grexit », de sortie de la zone euro.

Avec la décision de la BCE, il va falloir qu’Alexis Tsipras accélère la cadence, et entre sérieusement en négociation avec le reste de l’Eurogroupe (les pays de la zone euro), s’il veut éviter la faillite. Selon plusieurs sources, les Grecs pourraient se trouver à court de liquidités dès le mois de mars. Une perspective qui a inquiété les marchés financiers, jeudi matin, l’indice vedette de la Bourse d’Athènes s’enfonçait rapidement dans les premiers échanges jeudi, perdant à l’ouverture 9,43 % à 768,04 points.

  • Que veulent obtenir les Européens d’Athènes ?

Pour les Européens, l’urgence est de boucler le deuxième plan d’aide à la Grèce (130 milliards d’euros), déclenché en 2012 et qui se termine le 28 février 2015. Si ce plan n’est pas bouclé « proprement », c’est-à-dire si Athènes refuse de valider le principe de quelques réformes supplémentaires, la Grèce ne recevra pas la dernière tranche de ce plan d’aide, soit environ 3,6 milliards d’euros d’aide.

Les créanciers de la Grèce partagent les mêmes lignes rouges : pas question d’accepter un effacement de la dette grecque. Et pas question de prêter de l’argent sans exiger une surveillance du remboursement de ces sommes – via la troïka ou un autre véhicule.

M. Hollande, chez qui M. Tsipras était venu chercher, mercredi, le soutien d’un chef d’État social-démocrate, est ainsi resté très prudent. Le chef de l’Etat français a certes d’abord insisté sur « le respect du vote du peuple grec : un vote clair et fort qui a sûrement voulu signifier que l’austérité – comme seule perspective et comme seule réalité – n’était plus supportable. » Mais il a ajouté qu’il y a « aussi le respect des règles européennes qui s’imposent à tous, à la France aussi – et ce n’est pas toujours simple. »

« Le calendrier est beaucoup plus serré que Syriza ne semble le penser, relève Krishna Guha, en charge de la politique des banques centrales à la banque d’investissement Evercore, dans une note rédigée mercredi soir, juste après la décision de la BCE. Le gouvernement grec pense qu’il peut se débrouiller seul jusqu’en juin, ce qui laisserait amplement le temps de négocier avec les autorités européennes […] À notre avis, la BCE tente de forcer la cadence de cette courbe d’apprentissage, en freinant le robinet des liquidités avant même que le deuxième plan d’aide s’achève. »

  • Quelle est aujourd’hui la stratégie du gouvernement grec ?

Le nouveau premier ministre grec, Alexis Tsipras a évolué, ces derniers jours, par rapport à ses premières prises de position radicales, dans la foulée de la victoire triomphale aux élections législatives de son parti de la gauche radicale Syriza, fin janvier. Idem pour son ministre des finances, Yanis Varoufakis.

Au gré de leur tournée des capitales européennes (Londres lundi 2 février, Rome mardi 3 février, Bruxelles, Francfort et Paris mercredi 4 février, Berlin jeudi 5 février), M. Tsipras et M. Varoufakis ont nettement infléchi leur discours. Plus question, par exemple, de demander un effacement de la dette grecque (320 milliards d’euros au total), ou de prendre des décisions unilatérales pour mettre fin, sans plus tarder, à l’austérité qui va de pair avec les mesures d’aide, ou en encore de réclamer la fin de la troïka. Leur message est maintenant plus « audible » : ils sont prêts à négocier, et à respecter les règles d’une Eurozone à 19 membres.
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