La Grèce : Une épine dans le fondement de l’UE et un caillou dans les bottes de l’Ogre

Je ne vous le cache pas, ça me réjouis !  Les premiers pas du gouvernement Syriza sur la scène européenne sont fracassants. (1) Bien sûr tous les Cassandre et les laveur de cerveaux vont vous dire qu’ils ne tiendront pas, ou que ces Grecs nous entraînent dans une situation épouvantable ou encore que c’est un leurre.   Laissons-les s’agiter le bocal. Ne boudons pas notre plaisir.

D’autre part, Je suis assez contente de constater que mes prévisions s’avèrent juste :  La Russie tend une main économique charitable au nouveau gouvernement., non sans intentions, rien n’est gratuit en politique.

La Grèce acceptera-t-elle si l’UE lui tourne le dos ? Attendons de voir. Attendons de voir également quelle sera la réaction de l’Empire . Comme vous le lirez, Obama n’a pas manqué de proposer ses services. (2) Alors, nul doute que cette amitié hellèno-russe, si elle se concrétisait, sera très mal vue d’OTAN et associés. N’oublions pas, comme je l’ai déjà souligné, que de par sa situation géographique aux portes du Moyen-Orient,  une Grèce amie des Russes pourrait contrarier gravement les plans américains d’encerclement et ces gens là sont susceptibles. Partant de là, une autre hypothèse se dégage : En jouant la carte pro-Russe, il se pourrait que A. Tsypras obtienne de Merkel, (pressée par les US qui ont  besoin de nous et qui ont la sale habitude de nous considérer comme leurs colonies ), qu’elle baisse le ton et revoit sa copie.  Pour le moment, ce n’est pas ce qui apparaît.. La position de l’Europe est : « Vous pliez ou vous partez » . Mais en politique comme en géo-politique, il y a ce qui semble être et ce qui est.

Résumons :

Si la Grèce est priée de quitter l’Europe, et qu’elle se tourne vers la Russie, ça contrarie beaucoup les plans d’Obama

Si la Grèce obtient la négociation de sa dette, c’est le risque d’un jeu de dominos qui s’enclenche , avec, probablement  une explosion de l’UE ou, moins probable, un important et obligatoire changement de cap politico-économique . Voilà  ce qui contrarie beaucoup Obama également car dans ces deux cas, que devient ce TAFTA auquel il tient tant  ?

Le Petit Poucet grec est décidément un caillou bien gênant dans les bottes de l’Ogre…

Galadriel

Voici la vision de  Grigoriou Panagiotis, éthnologue grec.

Il fallait s’y attendre. La barrière anatomique de la société grecque étant dès lors ouverte par les politiques… du colonialisme par la dette, et cela jusqu’à atteindre sa rupture tissulaire, le… fâcheux impossible s’est alors produit. Voilà comment, la Chancellerie a été prise de court, surtout quant à la nouvelle coalition gouvernementale entre SYRIZA et ANEL, et non pas “comme prévu”, entre le parti de Tsípras et le parti-instrument, dit de la “Rivière”. Une manière d’éterniser mémorandum et autant… la mainmise de Berlin sur les affaires grecques. Raté.

Nouvelle géopolitique

Ce mécontentement est manifeste aussi à Bruxelles et même à Paris, au-delà des politesses de façade. Une certaine presse… française ne cache d’ailleurs pas ses inquiétudes: “Le nouveau gouvernement grec d’Aléxis Tsípras, qui, à peine nommé, avait reçu l’ambassadeur russe, ne cache pas son opposition à un durcissement des sanctions et affirme, par la voix du nouveau responsable de la diplomatie hellène, Níkos Kotziás, vouloir ‘prévenir une fracture’ entre l’UE et la Russie. ‘La nouvelle position du gouvernement grec ne va pas faciliter le débat (…), c’est pourquoi je ne sais pas où nous allons aboutir’, a commenté son homologue allemand, Frank-Walter Steinmeier”.

Berlin a mis aussi en garde Athènes contre toute tentation d’échanger son non-veto sur de nouvelles sanctions à la Russie contre des concessions sur d’autres dossiers comme la dette. Mais d’autres pays tels l’Autriche, la République tchèque et la Slovaquie, dont les chefs de gouvernement étaient réunis jeudi à Vienne, ont exprimé dans un communiqué commun ‘leur scepticisme’ sur de nouvelles sanctions. ‘La priorité doit être à l’établissement d’un dialogue soutenu’, a ainsi affirmé le chancelier autrichien, Werner Faymann” (“Libération” du 30 janvier).

Visions… de la géopolitique, circulant sur Internet en Grèce. Janvier 2015

Ce revirement, ou plutôt réajustement de la politique grecque était prévisible. Depuis la Russie, des signaux s’allument déjà. Le nouveau responsable de la diplomatie hellène, Níkos Kotziás vient d’être officiellement invité par son homologue à Moscou, et d’après Reuters (29 janvier): “Le ministre russe des Finances, Anton Silouanov, a déclaré jeudi que la Russie envisagerait d’accorder une aide financière à la Grèce si celle-ci lui en faisait la demande. ‘Nous pouvons imaginer que si une demande est soumise au gouvernement russe, nous l’étudierons de près, en prenant en compte l’ensemble des facteurs de nos relations bilatérales’, a-t-il dit à la chaîne CNBC”.

Aujourd’hui, la Grèce est un pays européen qui, comme chaque pays de l’Union, doit avoir le droit 
de dire son opinion et d’évoquer ses ­intérêts sur tous les sujets, y compris sur la ­politique à mener avec la Russie. Nous n’accepterons donc pas que la politique russe de l’Europe soit décidée en dehors des institutions de l’Union européenne. Mais existe-t-il par ailleurs une politique européenne russe de la part de l’Union européenne ? Je n’en suis pas sûr. Pas plus qu’il n’existe de politique russe de la part de l’Allemagne, qui, depuis Guillaume II jusqu’à aujourd’hui en ­passant par Bismarck et Hitler, est un pays qui a été soit en guerre, soit dans la méfiance avec la Russie. Ce que nous ne voulons pas, c’est que l’UE fonde sa ­politique sur l’intérêt de pays qui ont un rapport historique émotionnel avec la Russie. Mais nous ne fermerons pas les yeux non plus sur la déstabilisation qui se joue aux frontières de la Russie et de l’Ukraine. L’UE doit donc penser une stratégie nouvelle”,

a estimé le chef de la diplomatie grecque Nikos Kotziás dans une interview accordée au journal L’Humanité.

Eduardo Galeano. L’esprit du feu. Athènes, janvier 2015

Sur une surface athénienne du moment, on découvre en parallèle cette… incitation à connaître l’œuvre de l’écrivain et journaliste uruguayen Eduardo Hughes Galeano: “Des problématiques contemporaines. L’esprit du feu”. Manifestement, l’esprit du feu dans la géopolitique du nouveau gouvernement grec, y compris pour ce qui tient des rapports avec les États-Unis. Depuis Washington, des signaux s’allument aussi. Barack Obama, qui s’est entretenu mardi par téléphone avec le nouveau Premier ministre grec Alexis Tsípras, l’a félicité de sa victoire aux législatives de l’avant-veille et lui a promis de coopérer à la relance de l’économie de la Grèce.

Le président a dit que les États-Unis, en tant qu’amis et alliés de longue date, avaient hâte de coopérer étroitement avec le nouveau gouvernement grec pour aider la Grèce à retrouver le chemin de la prospérité à long terme”,

dit la Maison blanche dans un communiqué. Les lecteurs assidus de ce blog se souviendront peut-être du voyage aux États-Unis d’Alexis Tsípras, en janvier 2013, invité par un think-tank assez proche des thèses du Président des États-Unis, événement passé presque inaperçu, en France en tout cas.

Ce premier voyage de M. Tsípras à Washington, a été l’occasion de rencontrer certains représentants du gouvernement, des membres du Congrès, des analystes politiques, des groupes américains d’origine grecque ainsi que le public (…) Comme l’a dit un Américain avec qui il a conversé en privé, ‘Nous sommes tombés d’accord quelque part entre 40% et 60% sur ce qu’il a dit. Donc disons 50-50’. M. Tsípras (…) a toujours soutenu que les mesures d’austérité que l’Europe a voulu imposer à la Grèce n’apporteront pas la croissance. Nombreux sont ceux à Washington qui se disent d’accord sur ce constat. Si l’Europe avait eu un plan de relance à la manière de Barack Obama et une politique monétaire comme celle de Bernanke, la Grèce ne serait pas devenue le talon d’Achille de l’Europe. Au lieu de cela, le manque de soutien budgétaire et monétaire a conduit à la récession économique, au chômage, à la peur, et au désespoir chez les Grecs”,

notaient déjà à l’époque, William J. Antholis et Domenico Lombardi dans un article fort éclairant, publié sur le site de la Brookings Institution.
Visions de la victoire de SYRIZA. Presse grecque, janvier 2015

D’après ce que j’entends autour de moi, ce changement, de timbre en tout cas dans les orientations de la politique étrangère de la Grèce, est largement plébiscité par la commune doxa. Mieux encore, les mesures méta-mémorandum déjà annoncées et même parfois adoptées, sont très populaires. “Nous respirons, nous ne nous sentons pas étranglés comme avant, nous nous mettons à rêver, à avoir des projets, à réécouter même nos chansons sous un autre ton. Nous sommes en train de revivre déjà un peu”, disait récemment mon cousin Costas.

Ces derniers jours, notre nouveau gouvernement a annoncé sa volonté d’arrêter le processus de privatisation du port du Pirée, celui de la compagnie nationale d’électricité (DEI) ainsi que des aéroports. C’est alors l’ensemble du programme de privatisation à la Troïkanne, qui se stoppe. L’État vient de récupérer 30% des actions de l’aéroport d’Athènes que les gouvernements du mémorandum avaient offert au TAIPED, le dit “Fonds en charge de la valorisation des biens publics en Grèce”. Très probablement, le TAIPED n’existera plus dans quelques semaines. Ce qu’implicitement semble regretter le reportage du Monde… contrairement à mon autre voisin Yórgos.

Je n’avais jamais voté à gauche. Toute ma famille était rangée du côté de la Nouvelle démocratie. Mais lorsque Samaras s’est mis à brader les biens du pays, nos entreprises, nos plages même aux étrangers, sous ordre de la Troïka, cela m’a révolté. Une plage près de mon village dans le Péloponnèse figurait sur la liste du TAIPED. Elle représente toute notre enfance, notre patrie concrète, nos souvenirs. Donc toute la famille, pour ne pas dire tout le village a voté SYRIZA”.

La nouvelle Grèce. “Quotidien des Rédacteurs”, janvier 2015

SOURCE DE L’ARTICLE :

http://www.greekcrisis.fr/2015/01/poupees-grecques.html#deb

(1)
http://www.politis.fr/La-folle-semaine-de-Syriza-quand,29897.html

(2)
http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2015/02/02/grece-obama-appelle-a-lacher-du-lest_4567726_3222.html

Note : Alors que je rédigeais l’article sur les réparations de guerre sans avoir connaissance du problème grec sur le sujet, le Point publiait ceci :

http://www.lepoint.fr/economie/grece-la-delicate-question-des-reparations-de-guerre-allemandes-02-02-2015-1901725_28.php