Réforme : La nouvelle transaction pénale

La nouvelle transaction pénale : des justiciables sans défense

 

L’article 35 de la loi n°2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines instaure une nouvelle procédure de « plaider coupable ».

Le nouvel article 41-1-1 du Code de procédure pénale permet à un officier de police judiciaire (O.P.J.), avec l’autorisation du Procureur de la République, de « transiger » notamment sur :

– les contraventions,

– les délits punis d’une peine d’amende,

– les délits punis d’une peine d’emprisonnement d’un an au plus,

– les vols de faible valeur et l’usage illicite de stupéfiants.

La transaction porte sur le montant d’une amende dite transactionnelle dont le maximum est fixé au tiers de l’amende encourue et sur, le cas échéant, l’obligation de réparer le dommage issu de l’infraction.

Cette proposition de transaction est, ensuite, homologuée (ou non) par un magistrat du siège.

Une telle idée ne figurait pas dans le projet initial : cette disposition a été introduite lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale. Elle a ensuite été supprimée par le Sénat, puis réintroduite par la Commission mixte paritaire. Le Gouvernement a déposé un amendement pour supprimer ce projet, mais l’amendement a été rejeté. Il ne semble pas que le Conseil Constitutionnel ait été saisi pour l’examen de ce nouvel article (Décision CC 2014-696 DC du 7 août 2014).

Cette nouvelle procédure de « plaider coupable » devrait entrer en vigueur au 1er octobre 2014 (sous réserve de la publication des décrets d’application).

A la lecture du texte, il apparaît que le rôle du Procureur se borne à accorder l’autorisation de transiger, la détermination de la peine proposée relevant de la seule compétence de l’OPJ.

Cette analyse est confirmée par la lecture de l’amendement gouvernemental : « En outre, il appartient au seul officier de police judiciaire de fixer le montant de l’amende transactionnelle proposée, l’autorisation préalable du procureur ne portant que sur le principe même du recours à la procédure de transaction. ».

Nous rejoignons l’avis du gouvernement sur cette procédure en ajoutant que :

–  l’impartialité ou l’absence de conflit d’intérêts de l’O.P.J. n’est pas garantie dans les petites et moyennes villes (exemple des commissariats et gendarmeries situés dans des villes de moins de 500 habitants) ;

– le risque d’un manque d’unicité des propositions entre les différents gendarmeries et commissariats est important voire inévitable ;

– l’amende transactionnelle peut être proposée à une personne en garde à vue en l’absence de l’avocat alors que, paradoxalement, celui-ci a pu être présent aux auditions de cette même garde à vue ;

– dans le cadre des auditions libres, la personne est susceptible d’accepter la sanction à l’issue de l’audition sans avoir pu évoquer son affaire avec un avocat au préalable ;

– la présence de l’avocat n’est pas obligatoire lors l’homologation de la transaction, contrairement aux procédures de Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (C.R.P.C.), alors que les montants des amendes, même réduites au tiers, peuvent s’élever à plusieurs milliers d’euros ;

– le texte ne prévoit pas de délai de réflexion,  contrairement à la procédure de C.R.P.C. (10 jours ; article 495-8 du Code de procédure pénale) où la présence de l’avocat est, en outre, obligatoire ;

– le texte ne prévoit pas le principe de l’accès au dossier au (plus tard au) moment de la proposition : il n’est pas admissible qu’une personne mise en cause, a fortiori en l’absence d’un avocat, puisse accepter une transaction pénale sans avoir pu consulter le dossier pénal ;

– le texte prévoit, également, moins de garanties qu’en matière d’ordonnance pénale : le montant maximum de l’amende, dans le cadre d’une ordonnance pénale, est fixé à la moitié de l’amende encourue dans la limite de 5 000 euros (article 495-1 du Code de procédure pénale) ; autrement dit, le législateur a accordé un pouvoir plus important pour la détermination d’une peine à un O.P.J. qu’à un magistrat ;

– le texte prévoit l’exclusion de l’infraction d’outrage pour éviter les conflits d’intérêts : la victime de l’outrage pouvant être l’O.P.J. à l’origine de la proposition ou un de ses collègues de travail. Cependant, le législateur a oublié d’exclure également l’infraction de rébellion (article 433-7 du Code pénal, punie d’un an d’emprisonnement) dont la poursuite présente les mêmes inconvénients ;

– les débats parlementaires ont avancé l’idée que l’autorisation du Procureur pouvait prendre la forme d’une « autorisation générale » ; or, le contrôle d’un magistrat devrait être réel et systématique sur la totalité de la  procédure et non uniquement lors de l’homologation.

Cette réforme constitue un pas de plus vers une justice expéditive et peu respectueuse tant des droits des mis en cause que de ceux des victimes.

En effet, si les personnes mises en cause seront seules face à l’O.P.J. pour accepter ou refuser l’amende proposée, les victimes se retrouveront toutes aussi seules pour quantifier la réparation de leurs dommages (si l’O.P.J. souhaite faire une proposition de réparation).

Nous nous étonnons d’un tel égarement législatif.

Nous déplorons la méconnaissance manifeste des procédures existantes et des principes fondamentaux de la part des parlementaires qui ont rédigé et voté ce texte.

Nous appelons la Ministre de la Justice à corriger, autant que faire se peut, par le moyen des décrets d’application, les défauts de ce texte législatif.

La Commission Droit pénal pour le Manifeste des Avocats Collaborateurs (MAC)

Hélène Chollet, Avocate au Barreau d’Orléans

Chantal Langeron, Avocate au Barreau d’Orléans

Avi Bitton, Avocat au Barreau de Paris

 

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