Réponse à : « Fabrique d’un terroriste »

Chère Françoise,

Ô combien je comprends ta révolte et ta décision d’envoyer tout valser !

Qui de ceux qui tiennent un blog d’information avec honneur (et oui, ce vieux mot dit exactement ce que je veux dire) n’ont pas ces pulsions régulières de colère mêlée de lassitude, cette impression d’écrasement devant le flot sans pauses de violences, de bêtises, de lâchetés, de paresses, d’irresponsabilités, de complicités puantes, de perversités.. On pourrait en faire une liste infinie.

Le net existe, dans le pire et le meilleur. Telle une auberge espagnole, on s’y repaît de ce que l’on est venu y chercher.

il nous fait mal… il nous tend un miroir impitoyable car ce que nous y voyons, répété à l’envie comme une mise en abîme,  n’est que le reflet de notre humanité infirme.

L’histoire bien que manipulée par les vainqueurs, nous renvoie depuis longtemps, les mêmes interrogations, les mêmes images. Il suffit de savoir lire entre les lignes.  Sauf qu’il faut prendre le temps d’y aller fouiller, et que cette société de l’immédiateté, de la facilité,  ne pousse guère à la lenteur que demande une telle démarche.

Contrairement à toi, je suis blanche, blanche de chez blanche, nordique même, de mère en fille sur des générations.

Mais comme toi, j’ai une tête, un corps dans lequel bat un coeur, des membres, mon sang est rouge et je fais partie de la communauté humaine.

Nos pères ont fait tout deux l’Algérie mais avant, le mien avait fait la campagne d’Italie puis l’Indochine . Lui aussi haïssait De Gaulle. (Cet homme est juste un exemple, il  ne fût ni pire ni meilleur qu’une liste infinie de potentats dont la filiation remonte à l’histoire de l’humanité). 

Ce père,  petit garçon doux et sensible au dire de sa sœur, qu’est-il devenu après avoir vécu tellement d’horreurs ?  Un homme  traumatisé, dur, muet, enfermé, rigide, pétri de peurs,  qui rabâchait son regret d’avoir échappé à la mort. Ce fût mon père et je lui ai pardonné d’avoir voulu par force m’imposer sa détestation de la vie.

Que  déduire de son histoire ou de celle de ton père ? Que nos destins tant individuels que collectifs nous modèlent tous et que nous n’avons pas également  les  moyens pour les assumer.

Moi aussi j’en ai bavé. Comme j’avais grandi sous une cloche de plomb, dans une révolte intérieure qui n’avait fait que grandir, j’ai voulu tout expérimenter de la vie.

Comme tous les jours des milliards de semblables sur terre, il aurait fallu  vraiment 3 fois rien, un tout petit hasard au mauvais moment  pour que je bascule dans la dépression profonde, ou la violence, ou la haine, le crime, la sectarisation spirituelle, politique,  la drogue, la prostitution, la mort.. Que sais-je ? J’étais prête à tout.  J’aurais pu aussi me replier, me pétrifier, me dessécher, me déshumaniser, devenir aussi immobile, dure et aiguë qu’une pierre.

Comment ignorer que d’autres n’ont pas eu ma chance, ou peut-être n’ont pas su, pas pu, ou pas voulu la voir parce que quand elle est passée ils étaient tellement possédés par leur souffrance et leur révolte ou étouffés dans leur enfermement du moment qu’ils n’y ont pas cru.

Il y a deux sortes d’esprits particulièrement malléables : les révoltés et les apeurés.  Ceux-là sont prêts à entendre n’importe quoi qui leur propose des lendemains qui chantent, qui les sortent de cette prison intérieure dans laquelle ils se sentent si mal.  Pour ça, le net est un boulevard.

Comment juger après ça ? Pas besoin d’être dans le new-age ou le bouddhisme pour se poser la question. Juste se demander sur quelle image  rassurante de notre pseudo perfection  nous nous basons pour prétendre à être le censeur de nos semblables et vouloir que nos choix, parce qu’ils nous conviennent, soient universels.

Ce monde manque singulièrement d’humilité en plus du reste…

Comme tu l’as souligné, nous avons été, récemment,  au pire un peuple de collabos, au mieux un peuple de lâches taiseux. Et  ça continue.. parce que les nouveaux génocides évidents ou masqués ont lieu loin de nos confortables chaumières et qu’ils sont masqués sous des discours menteurs de nécessité morale. »Qui ne dit mot consent ». C’est avec cet argument spécieux  que les organisateurs de chaos raisonnent et pensent pouvoir tout faire.

La situation est dramatique, c’est vrai. La manipulation et le mensonges règnent dans tous les domaines, y compris effectivement sur les blogs, dits ‘alternatifs’.. Pourquoi échapperaient-ils à la tendance générale ?

C’est tout de même d’une naïveté confondante de penser que parce que l’on « s’oppose au système » l’on porte une auréole !

Les webmasters de l’alternatif sont à l’image de la société : Des plus honnêtes , sincères, courageux et dévoués aux plus troubles… Comme les médecins, les avocats, les garagistes, les psychologues, les épiciers, les DRH,  les banquiers, tout groupe humain et jusque dans les églises de toutes confessions.

Oui, il sont susceptibles d’orgueil, de manipulations, ou de facilités,

Oui ils arrive que certains critiquent un système dont ils usent pour eux-mêmes avec les mêmes critères.

oui, ils sont susceptible d’avidité, de rivalités.

oui, ils sont susceptibles d’idéologie trompeuse sinon nauséabondes,

Mais tu sais comme moi que le désir, comme la répulsion, changent notre monde intérieur. Alors comment savoir ?

Dans l’ensemble, l’alternatif joue plus sur la répulsion que sur le désir. C’est dommage. Mais que pouvons-nous y faire ? Nous n’avons que le choix de  parier sur le bon sens et l’intelligence de ceux qui nous lisent.

C’est à eux  qu’il appartient de choisir, de sentir l’écho que leur renvoie tel ou tel site.

Pardonne-moi Françoise, mais si nous cédons tous au désespoir ou à la colère, qui pour faire face aux médias et autres instruments d’asservissement ?

Qui pour leur montrer qu’il existe des gens portés par un idéal, que l’humanité n’est pas qu’un immonde cloaque ?

Qui pour les encourager à regarder ce qu’il y a de meilleur en eux et le faire vivre ?

Qui pour leur dire qu’il faut élargir sa conscience, prendre du recul, et ne pas sombrer dans la peur ?

Qui pour leur dire qu’au-delà de tout ils sont aimés et respectés ?

Qui pour les alerter ?

Je sais qu’un tel discours en fait ricaner pas mal..  Les sceptiques, les aigris, les pessimistes, les cyniques, les désespérés et ça fait du monde. Je m’en moque. C’est aussi comme ça que je vois le net.

Tenir un blog d’informations anti-système, c’est attaquer une montagne avec une petite cuillère.

C’est accepter de n’être qu’un petit grain de sable  sur une plage, une toute petite goutte dans un océan.  Mais nous ignorons pour quels fruits futurs nous semons. C’est l’ingratitude et la beauté de ce travail.

Je comprends qu’à lire autant les articles que certains commentaires aussi bêtes que violents l’on finisse par ne plus y croire. Peut-être qu’un jour de gros blues capitulerai-je aussi…

Bonne route, Françoise. Puisses-tu trouver dans ta vie de futur Candide  la sérénité et l’amour.

Galadriel

A la une : Photo de Nouvelle Calédonie

 

 

 

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