Les 5% qui prennent soin du monde…

Emerson: Bonjour à tous !

Je voulais partager avec vous cet article qui m’a beaucoup plu lorsque je l’ai lu.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, David Manise est « instructeur de survie » (mais je ne suis pas venu parler survivalisme :D).

Bref, je vous laisse lire l’article. Je le trouve très bien écrit.

Et surtout, je pense qu’ici nous faisons partie de ce groupe et je suis content de vous avoir 😉

Bises les brins et les brines !

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Les 5% qui prennent soin du monde…

Publié le 18 août 2013 par Manitou

Je parlais, dans la précédente entrée de ce blog, de ces 5% de gens qui portent le monde à bout de bras.  5% étant un chiffre assez aléatoire en fait, servant à illustrer l’idée de minorité.  J’ai piqué ce chiffre à un ami, j’avoue.  Il m’avait fait franchement bien rire en me parlant de sa théorie du « 5-45-50″.  Pour résumer un peu son idée, il annonçait avec ce côté sarcastique pince-sans-rire qui lui va si bien que « 50% des gens sont juste des aimants à plomb et à baffes dans la gueule », « 45% feront des choses bien s’ils sont bien encadrés » et « les 5% qui restent feront toujours de leur mieux, quoi qu’il arrive ».  Il admet lui-même, plein d’ironie, être dans la caricature grossière…  mais il y a un fond de vrai.  Et ce qu’il veut surtout dire, c’est qu’il appartient à une minorité de se taper le boulot pour qu’une majorité prenne le relais et se mette à son tour en mouvement.

En tout, il faut des précurseurs.  Partout, il y a des gens qui portent des trucs à bout de bras, souvent longtemps et en se sentant seuls, et qui finissent par avoir du renfort.

Ca peut avoir l’air élitiste, mais ça n’est pas le cas.  Les « 5% » sont partout.  Dans tous les métiers, tous les milieux, toutes les strates sociales, toutes les cultures, toutes les ethnies, toutes les institutions…  partout.  Mais un fait demeure : où qu’on aille, les gens sur qui on peut réellement compter sont une minorité.  Grossman dans son ouvrage « On Killing: The Psychological Cost of Learning to Kill in War and Society » parle de 1% de « chiens de berger » vs. 1% de « loups »…  Michel Goya, de son côté, dans son récent article « Le fractionnement des âmes« , reprend l’idée que les « as » sont très efficaces et peu nombreux, et que les autres sont essentiellement des figurants…  Pour ma part, je n’avais jamais osé poser des chiffres là-dessus, mais partout, dans tous les milieux, tous les pays, tous les groupes que j’ai traversé, j’ai remarqué ce même phénomène : une infime minorité de gens se tape tout le boulot efficace.

 

 

1% - devise d'un "collectif d'amis de la moto" bien connu, et qui traduit cette idée de minorité aussi...  à sa façon...

Tout le monde naît « boulet »…

Oui je sais.  Ca fait pas plaisir.  Mais personne ne nait « efficace ».  On le devient.  Nous sommes tous câblés pour économiser notre énergie, nous cacher quand il y a du danger, faire en sorte de profiter au maximum des occasions offertes par le groupe, et pour en faire le moins possible.

Personne n’est con au point de ne pas comprendre que c’est dangereux, fatiguant, ingrat et décevant…  Alors pourquoi ? 🙂

Quand quelqu’un veut devenir moniteur au CEETS, je lui dis toujours un peu la même chose : « tu sais que c’est vraiment un boulot de merde, avec un salaire de misère, aucune gloire, aucun avantage, aucun prestige, et qu’à la fin ça va juste pouvoir s’arrêter dans des souffrances atroces et l’anonymat ? ».

Ceux qui rigolent et disent « c’est exactement ce que je pensais » et qui ne cherchent même pas à argumenter ont une chance d’y arriver.  Parce que pour être moniteur au CEETS, il faut le faire pour les autres, parce que ça a du sens, et en abandonnant tout espoir de retour équivalent à l’investissement nécessaire.

Ceux qui deviennent moniteur au CEETS pour recevoir quelque chose…  ne le deviennent jamais.  Et pour ça, j’ai 10 ou 15 demandes par semaines de gens tous plus intéressants les uns que les autres.  Pourquoi ? 🙂

Parce que ça a du SENS.  Parce que je leur donne une opportunité d’être vraiment grands.  D’être ce qu’ils ont profondément envie d’être.  Et tous les moniteurs, en titre ou en formation, vraiment, sont des humains en or.  Et ça, ça ne se fait pas quand on agit égoïstement, petitement, en pensant à son cul en premier…

Comment, alors, devient un un leader ?  Un de ces « 5% » ?

C’est assez simple.  C’est un choix.  On le devient.  Petit à petit, pas à pas, acte après acte.  Il y a des hauts et des bas, on évolue en dents de scie, puis à force d’efforts on se dépasse et on y arrive.  Et une fois qu’on l’a fait, on découvre en fait que c’est plus facile « après ».  Un peu comme en ski nautique…  la partie chiante, c’est quand on doit s’accrocher, serrer les skis et tenir bon jusqu’à sortir de l’eau…  et après, d’un seul coup, tout change.  Ce qi devient difficile n’est plus de s’accrocher, mais bien de rester stable.  On domine la situation, on voit loin, on gère plus facilement.  C’est plus risqué, les gamelles font mal, mais on ne bouffe plus de flotte et on se régale.  Au moins le temps que ça dure.

Faire partie des 5%, c’est un peu pareil.  Au début on est tous dans l’eau, mais certains s’accrochent, serrent les dents, les fesses et les skis nautiques…  et hop ils se retrouvent au-dessus du lot.

Et parfois on replonge.  Et on recommence.

Anecdote.

PaintballJ’étais à peine majeur.  Je faisais un paintball avec des potes, au Québec (les étudiants en anthropologie ont parfois des hobbies paradoxaux ;)).  On jouait contre une bande de militaires vraiment bien entraînés, et habitués à bosser en groupe, et donc on se faisait littéralement laminer la gueule.   Et ils faisaient exprès, ces enfoirés, de corser le jeu en réglant toujours leurs lanceurs pour qu’ils fassent vraiment mal.  Les impacts sur les doigts et les mains se traduisaient en fractures.  Les impacts sur toute zone dure du corps comme la tête ou une omoplate faisait éclater la peau dans une ecchymose sanguinolente.  Ca piquait vraiment très fort.  Assez pour avoir peur de se faire toucher…  et c’était le but.  Ils ne voulaient pas tomber dans la complaisance.  Ils voulaient s’habituer à avoir peur des impacts…  et à fonctionner avec cette peur.

Choc culturel, quoi.

Moi, j’avoue, j’étais plaqué au sol, le nez dans un chardon qui, dans le contexte, me semblait ma foi très accueillant.  Les billes sifflaient dans tous les coins, explosaient autour de moi…  j’étais concentré comme un con sur ma bulle de « survie » de 30cm…  et tout d’un coup j’ai compris que si je restais là j’allais finir par prendre une bille, tôt ou tard.  Et là, d’un seul coup, zoom arrière, et vue d’ensemble.  Mentalement, je me suis retrouvé à intégrer mentalement non plus uniquement ma survie et les 30cm de couverts qui me protégeaient bêtement, mais bien l’ensemble de la géométrie du truc.  En gros, 4 mecs nous obligeaient à baisser la tête et à ne pas bouger, pendant que 4 autres nous avaient flanqué et commençaient à se rapprocher pour finir le boulot.  Le truc de base que même les idiots savent faire…  et dont pas mal d’idiots savent aussi sortir.  Ca a été un déclic.  D’une sorte de stupeur effrayée, je suis passé à une sorte de rage froide et inflexible.  J’ai décidé que j’allais tous me les faire.

Un pote à côté de moi embrassait bêtement le sol lui aussi.  Je lui ai dit, en montrant ma droite, « tire par là ».  Il ne comprenait pas…  mais j’ai gueulé assez fort pour qu’il obéisse.  Une fois qu’il a eu tiré 5 ou 6 coups, je suis parti comme un débile vers l’arrière.  Repli solitaire, mais repli quand même.  Et là j’ai attendu que leur piège se referme…  les 4 qui flanquaient sont arrivés devant moi, convergeant vers mon pote qui tirait sans savoir pourquoi.  Et là, planqué derrière un gros sapin, j’ai descendu 3 des 4.  Le 4e, comprenant le truc, a tenté de se replier et mon pote l’a eu dans le dos par pur hasard.

Et là, la rage froide est devenue rage brûlante.  J’ai fait un grand cercle vers la droite et j’ai décidé de flanquer les 4 autres qui continuaient de fixer mes amis.  Et un à un, méthodiquement, je les ai allumés dans le côté du masque.  Toc.  Toc.  Toc.  Toc.  4 coups parfaits, en pleine gueule.

Je pense que je suis né une seconde fois ce jour là (il ya peut-être un parallèle à faire  aussi avec mes hurlements gesticulants et mon corps moite et sanguinolent ;))…

La géométrie simple de la tactique, couplée à un jeu de vitesse.  Vitesse de perception/compréhension/exécution…  tout ça est apparu dans ma tête comme une évidence à ce moment là.  J’avais un ou deux temps d’avance sur tout le jeu.  Je voyais, je comprenais, j’anticipais.  Je n’étais plus la proie sage et immobile qui attendait la « mort » le nez dans son chardon.  J’étais subitement sorti de l’eau avec mes skis nautiques… 🙂

Vous me direz, c’est vachement plus facile au paintball que quand on a de vrais balles en face.  C’est clair…  mais certains principes restent valables partout.  Celui qui réussit le premier à sortir le nez de son petit trou de survie et à comprendre « comment tout ça fonctionne » a déjà, très souvent, gagné.  Le reste, c’est la mise en actes, et ça peut être compliqué aussi…  mais sans le déclic, sans « presser sa détente mentale », rien ne bouge.  On reste là et on subit.  Comme je dis en stage on « crève la gueule ouverte et le cul bourré de chiffons ».

(Bon…  pour rendre justice à l’anecdote, contre ces mecs là, ça a marché une fois.  Ils nous traitaient comme les quilles que nous étions, mais ils ont vite compris qu’on avait compris, et le jeu d’échecs a commencé à se complexifier, et c’est devenu de plus en plus intéressant…  et au final ces mecs là sont devenus des amis qui ont largement contribué à ma formation pour la suite (et que j’ai formés aussi, donnant donnant :)).)

Donc voilà.  Pour faire partie des 5%, suffit de le vouloir, et de prendre l’habitude d’agir en conséquence.  De se fixer des objectifs clairs, de ne pas attendre que la solution vienne d’autrui, d’en haut, d’ailleurs…  ne pas attendre le bon moment, un « demain » où on aurait pas besoin de faire l’effort de…  Juste, tout simplement, réfléchir, puis agir.

Est-ce que tout le monde peut être un grand leader ?  Non.  Et c’est très bien comme ça.  On a aussi besoin de gens qui suivent…  on a aussi besoin de gens qui ne servent à rien en apparence, et qui constituent une réserve de diversité…  qui sont utiles juste par leur présence démographique.  Mais si les 5% deviennent 10, 20… si les gens, les citoyens, deviennent un moteur plus qu’un poids, si les humains se mettent à agir ensemble pour le bien commun, sans attendre une félicitation, sans attendre une médaille, juste parce qu’ils pensent que c’est juste…  alors le monde aura changé.  En bien.

Moi, j’ai énormément de chance.  Je bosse presque exclusivement avec des « 5% ».  J’anime depuis 10 ans un forum où les 5% sont tellement sur-représentés que ça en devient gênant…  et je forme des gens qui sont le 5% du 5% pour qu’ils puissent aider les 5% à devenir plus performants.  Mais dans les faits, quand les 5% se croisent, ils se reconnaissent toujours.  Un peu comme les Highlanders 🙂

Bref, et pour résumer :

  • les 5% percutent ;
  • les 5% agissent…
  • les 5% n’attendent ni autorisation ni récompense…  ils font tout ça parce qu’ils pensent que c’est ce qu’il faut faire, parce qu’ils pensent que c’est bien…  et ils assument leurs actes.

Vous pouvez.

Source: http://www.davidmanise.com/les-5-qui-prennent-soin-du-monde/

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