Notre responsabilité de consommateurs face à la presse

Voici un petit édito qui mérite réflexion !

Il y a 20 ou 30 ans nous jetions des coups d’œil discrets, coupables, aux unes du Nouveau détective chez le kiosquier. Nous ne l’aurions jamais acheté, oh non, mais on se délectait de ces couvertures morbides et ces faits-divers graveleux.

Trente ans après, la presse désormais en ligne nous permet l’impossible ; nous délecter à longueur de journée de faits-divers sordides en 50 exemplaires, déclinés à l’envi dans tous les journaux.

 

On a sans doute franchi un nouveau cap avec la mort de Fiona. Un commentateur me faisait d’ailleurs remarquer qu’on n’appelle les enfants morts que par leur prénom, mode à laquelle je succombe, n’ayant aucune information sur son nom de famille. Chaque journal s’est fendu, sur ces cinq derniers jours de quelques 5 à 6 articles par jour, tout en feignant ensuite de s’étonner des groupes facebook appelant à la peine de mort. Maître Eolas soulignait qu’on tient notre affaire Casey Anthony : de plan de la forêt où se trouverait le corps, aux témoignages des amies de la mère, nous avons, gratuitement et sans la honte de tendre notre journal au kiosquier, notre Nouveau détective quotidien.

Il serait facile – et tentant – d’attaquer la presse. Qui de l’œuf ou de la poule…
Un simple constat s’impose ; aucun article ne fait autant de page vues et de commentaires qu’un fait-divers. J’en ai déjà parlé de multiples fois, tout en prenant à partie les rédactions mais j’aimerais aussi aborder l’angle du lecteur et notre responsabilité. Je succombe moi même à twiter des faits-divers car je sais que cela frappe l’opinion et que j’obtiens ainsi une réaction à bon compte alors que je sais fort bien qu’un article n’expliquera jamais la complexité d’une décision de justice par exemple.

On le sait très bien, des articles documentés, sourcés, qui ont nécessité un temps approfondi de travail et de recherche, ne feront que quelques vues.
Et nous le savons également très bien, nous nous jetons tous et toutes sur les rebondissements de l’affaire Fiona, comme on crée tous des embouteillages monstres quand un accident se produit. Alors oui il y a évidemment une responsabilité de la presse, des journalistes qui, tous et toutes, en off avouent ne pas avoir fait ce métier pour cela et qui sont bien peu à l’ouvrir en public.

Comment dans ce contexte là, la presse, en crise, à la recherche d’un nouveau modèle économique, pourrait-elle ne pas produire de tels articles ? Nous sommes tous à hurler sur ces articles alors que nous les avons ouverts et lus, ne serait-ce que pour « savoir ce que ce journal de merde a encore pu écrire ».

Nous ne sommes plus des lecteurs de presse mais des consommateurs. Nous twitons des liens à la chaîne, nous consultons sur notre téléphone les news fébrilement et rapidement. Est-ce encore la peine pour les rédactions de faire des articles sourcés et documentés sachant que cela a un coût et que ses articles seront très peu lus ? J’ai vu beaucoup de journalistes ou chroniqueurs commencer la fleur au fusil pour finir par écrire des billets d’humeur torchés sur un coin de table, des articles peu sourcés (« personne n’ouvre les liens pourquoi s’emmerder »), des titres accrocheurs et mensongers. Des rédactions font enlever les liens sourçant l’article, réécrivent un titre pas assez accrocheur, demandent un angle plus dramatique.
Et je vois chaque jour des gens ne réagir qu’au titre de l’article, ne commenter ou ne lire que les faits-divers. Certains journaux possèdent une fonction « nombre de visites » ; c’est instructif.

Je sais quand la presse a commencé à produire en masse du fait-divers ; cela date d’il y a 3 ou 4 ans, pas davantage. Je n’ai pas d’explications d’ailleurs, du moins pas d’explications simples. On peut juste dire que cela coûte peu cher et que c’est très lu, ce qui sera déjà un solide argument, qu’on l’apprécie ou pas. peut-être conviendrait-il de repenser nos attitudes de consommateurs face à la presse en ligne ; chose qui me semble difficilement possible. Il me parait impossible néanmoins à force de se goberger à longueur de faits-divers sordides et de réactions extrêmes (et sommes toutes logiques, je n’ai pas dit admissibles) que cela n’ait pas à terme un impact dans les urnes. Je tends d’ailleurs à penser que si les sites identitaires de type francais de souche ont arrêté de faire exclusivement du fait-divers c’est qu’ils n’en ont plus besoin ; la presse toute entière en produit et cela les sert plus que nulle autre chose. En lisant ces articles, nous ne faisons rien d’autre que d’entretenir un système dont nous nous plaignons.

Source : http://www.crepegeorgette.com/2013/10/02/notre-responsabilite-de-consommateurs-face-a-la-presse/

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