Espagne : la polémique sur l’avortement redouble

Une centaine de personnes ont pris part dimanche dans le centre de Madrid à une manifestation pour protester contre ce projet de réforme à l’initiative d’un collectif d’associations pour le droit des femmes.

Les manifestants, pour la plupart des femmes, ont chanté « Nous donnons la vie, nous décidons » et « pas un pas en arrière ».

 MADRID (AFP) © 2012 AFP Par Ingrid BAZINET

Victoire du droit à la vie pour les anti-avortement, retour à l’ère franquiste pour les autres, le gouvernement espagnol de droite a amplifié la polémique sur l’avortement, en envisageant d’interdire l’interruption volontaire de grossesse dans les cas de malformation.

« Cela nous semble être un retour à la dictature de Franco et nous ne voulons accepter sous aucun prétexte des mesures qui nous priveraient de nos droits », a déclaré Justa Montero, membre de l’Assemblée féministe, un des groupes organisateurs du rassemblement.

Le gouvernement espagnol a confirmé vendredi vouloir modifier à la rentrée la loi votée en 2010 sous le pouvoir socialiste (2004-2011) qui autorise toute femme à avorter jusqu’à 14 semaines.

Elle permet aussi une interruption volontaire de grossesse (IVG) jusqu’à 22 semaines dans les cas de « risque pour la vie et la santé » de la mère ou de « grave malformation du foetus » et sans limite de temps, sur avis d’un comité d’éthique, dans les cas les plus graves.

Mais les propos récents du ministre de la Justice Alberto Ruiz-Gallardon ont fait l’effet d’une bombe au sein des associations de défense des droits des femmes et pro-avortement.

« Je ne comprends pas que l’on empêche un foetus de vivre en permettant l’avortement, pour le simple fait qu’il souffre de handicap ou de malformation », a déclaré M. Ruiz-Gallardon dans une interview dimanche dernier au quotidien de droite La Razon.

Vendredi, il a enfoncé le clou, faisant allusion aux textes de l’ONU et à l’article 10 de la Convention des droits des personnes handicapées qui réaffirme la nécessité « d’adopter toutes les mesures nécessaires pour garantir leurs droits aux personnes handicapées ».

« C’est le comble du cynisme », rétorque Santiago Barambio, président de l’association des cliniques spécialisées dans l’IVG, Acai, et l’un des pères de la loi de 2010 sur l’avortement.

Au contraire, « les Nations unies dans toutes les conférences internationales, toutes les agences sanitaires de l’ONU, l’Organisation mondiale de la Santé, le Conseil de l’Europe, disent de ne pas restreindre l’avortement », affirme-t-il à l’AFP.

« Ce que Gallardon veut, c’est interdire, de fait, l’avortement, dans la droite ligne de l’Irlande, la Pologne ou Malte ». « Ce n’est pas une surprise quand on sait que c’est Gallardon père qui avait contesté la précédente loi de 1985 » autorisant l’avortement en cas de viol, malformation du foetus ou danger pour la santé de la mère, ajoute-t-il.

Selon M. Barambio, le ministre « occupe le terrain de l’extrême droite ultra-catholique qui est peut-être minoritaire mais très puissante économiquement, comme par exemple l’Opus Dei », organisation catholique implantée dans les hautes sphères politico-économiques de l’Espagne.

« La réforme renvoie la législation à une époque proche de la dictature franquiste et éloigne l’Espagne de la plus grande partie de l’Europe en matière de droits des femmes », écrit le collectif d’associations organisateur de la manifestation de dimanche.

Faux, répond le Forum de la Famille, dénonçant « la dictature des pseudo-progressistes de salon qui s’agenouillent servilement devant le politiquement correct artificiellement défini par des lobbys idéologiques et économiques de bas étage ».

Interdire l’avortement pour malformation est « au contraire un pas en avant pour la protection des droits à la vie », affirme pour sa part à l’AFP Gador Joya, porte-parole de « Droit à vivre ».

Reste qu’interdire l’avortement aboutirait « à ce que les femmes qui ont de l’argent aillent à l’étranger et celles qui ont n’en ont pas recourent à l’avortement clandestin » avec des risques sanitaires très élevés pour la femme, affirme M. Barambio.

Une forte majorité d’Espagnols, soit 81 pour cent, sont contre l’interdiction de l’avortement dans le cas de malformation du foetus, selon un sondage publié dimanche par le quotidien El Pais.

Le projet de réforme est rejeté par 65% de ceux qui ont dit avoir voté pour le Parti populaire (PP, conservateur) à l’élection générale de l’an dernier de même que par 64% de ceux qui se revendiquent comme des catholiques partiquants, selon ce sondage.

Source : http://sante.planet.fr

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