Fukushima

C’est toujours la piscine du réacteur N°4 qui pose le plus de problèmes.

Installée à 20 mètres au dessus du sol, contenant 1535 assemblages neufs, ou usagés, pour un poids total de 264 tonnes, elle a été dégradée par les explosions et les incendies qui ont eu lieu le 15 mars 2011 et elle contient beaucoup plus de combustibles qu’il ne le faudrait.

Or la surcharge d’assemblage a réduit la proximité entre les casiers d’assemblages, ouvrant la possibilité d’une criticité en cas de surchauffe.

Le bâtiment dans lequel se trouve la piscine a manifestement une inclinaison anormale et à la suite des dommages subis, la base de la piscine a été renforcée, ce qui ne rassure pas pour autant Masashi Goto, ingénieur expert en conception de centrales nucléaires résistantes aux séismes :

« Même si les murs existent, il n’y a pas de manière simple d’en connaître la stabilité. A quel point la stabilité a-t-elle été compromise par la haute température de l’incendie ? Il est essentiel d’avoir toutes les données quand vous travaillez sur un calcul structurel. Chaque fois que Tepco publie des données, ils disent toujours : « nous avons calculé ceci, voici le résultat de ce que nous avons fait, donc il n’y a pas de dangers ». Mais il n’ont jamais publié une donnée que quelqu’un de l’extérieur pourrait utiliser pour vérifier leurs conclusions ».

Pourtant Tepco affirme, par la voix de son porte parole, que « le bâtiment ne penche pas  » sur la base de mesures laser, et de niveau d’eau et que « les barres de combustible usagées sont stockées en sécurité  ». 

Mais, connaissant la facilité de Tepco (dont l’ex-dirigeant vient d’être mis en examen) à cacher la vérité, et sachant que le toit et des murs du bâtiment ont été soufflés par une explosion d’hydrogène, on peut légitimement douter de ses affirmations, d’autant que visiblement le mur externe est déformé vers l’extérieur.

Yukiteru Naka, qui a été impliqué dans la construction de la centrale, manifeste lui aussi de l’inquiétude : « je dois dire qu’il y a un risque concernant l’unité 4. (…) les conduits s’étendent sur des dizaines de kilomètres et étant donné que c’est une construction provisoire, ce n’est pas censé résister aux secousses sismiques. (…) il n’y a pas assez de maintenance. (…) j’estime qu’il faudrait peu de temps pour vider la piscine si les tuyaux étaient endommagés et causaient une fuite. (…) si la piscine se vide, aucun travailleur ne pourra s’approcher du bâtiment réacteur 4, ni des bâtiments 1,2 et 3 ».

La difficulté vient du fait, que suite au tsunami, aux explosions, aux incendies, la grue qui permettait le déchargement des combustibles de la piscine est hors service.

Tepco a promis d’en installer une nouvelle, qui en laissant les combustibles dans l’eau, pourrait les sortir de la piscine endommagée, et les mettre en sécurité dans une autre piscine, mais ils ne pensent pas pouvoir réaliser ça avant décembre 2013, voire plus tard.

Tepco a en effet admis qu’il faudrait 3 ans avant d’envisager le retrait des barres de combustible.

Or, si la piscine fuit, ou s’écroule, les assemblages se trouveront exposés à l’air, et se mettront à chauffer à tel point qu’il ne sera plus possible de les refroidir, dégageant une énorme radioactivité qui menacerait bien au-delà du Japon.

 

Hiroaki Koide, professeur à l’institut de recherche nucléaire universitaire de Kyoto , est conscient du danger : « si la piscine devait s’effondrer à cause d’un nouveau gros séisme, les émissions de matière radioactives seraient énorme : une estimation prudente donne une radioactivité équivalente à 5000 fois la bombe nucléaire d’Hiroshima ».

C’est ce que confirme la JAEA (institut de recherche de l’agence de l’énergie atomique du Japon), estimant que si la température dépasse 700°C, les gaines peuvent se briser et laisser s’échapper les pastilles de carburant composées d’uranium et de plutonium. (ce fameux MOX que nous avons fabriqué en France).

Si certains ingénieurs écartent la possibilité d’une température dépassant les 300°C, d’autres experts décrivent un scénario différent.

Lors d’un séisme, si le bâtiment n° 4 et sa piscine s’effondraient, les assemblages se retrouveraient sur le sol, recouverts par les poutrelles, et les murs en béton du bâtiment, empêchant la circulation d’air, ni bien sur un refroidissement par l’eau, et ils affirment : « nous ne pouvons donc pas écarter le scénario d’une fusion ».

Les experts de l’institut ajoutent : «  sans refroidissement par l’air, la destruction des barres par échauffement et la libération des matières radioactives signeraient probablement le début de la fin pour le Japon, et peut-être pour le monde  ».

A la décharge de l’exploitant, si l’on considère l’urgence dans laquelle il a fallu installer des kilomètres de tuyaux, des milliers de raccords, des systèmes de commande fragiles, avec en prime de hauts niveaux de radioactivité, il n’était pas évident de mettre en place des systèmes de secours performants et surs.

L’eau contenue dans la piscine a été mesurée à 100 kBq/l et l’évaporation de cette eau augmente chaque jour un peu plus la pollution ambiante de l’air, laquelle continue de s’échapper et faire le tour de la planète depuis le 11 mars 2011.

Tepco, sur le point d’être nationalisé, s’apprêterait à lancer enfin la construction d’un barrage souterrain afin de restreindre les fuites radioactives vers l’océan, mais celles de l’air continue d’augmenter et le professeur Takeda Kunihiko, de l’université de Chubu, constatant l’augmentation régulière et progressive de celle-ci dans son pays, estime que le 31 mars 2015, la dose annuelle atteindra 5mSv, et que plus personne ne pourra vivre au Japon après cette date.

  • Au Japon, comme tous les vendredis maintenant, nouvelle manifestation de masse devant la résidence du premier ministre. De plus en plus de personnalités s’y montrent. Le slogan est toujours le même « saïkadô hantaï » (再稼働「反対」), « non au redémarrage ». Les organisateurs annoncent 150 000 personnes malgré la pluie, la police, 21 000. Rappelons que ce genre de mouvement est complètement nouveau au Japon. Les dernières manifestations de masse datent des années 70.
  • En France,  les citoyens anti-nucléaires  ont décidé des actions conjointes le 13 octobre 2012, dont la plus originale est peut-être celle qui va être organisée dans la région lyonnaise.

Il s’agit de « la marche des réfugiés » : imaginant qu’un accident majeur s’est passé à la centrale nucléaire de Bugey, qui a dépassé depuis longtemps la limite d’âge,  et qui a été le témoin en 1971 de la première manif antinucléaire : des femmes, des enfants, des hommes vont converger vers Lyon, laissant sur leur passage des panneaux indiquant la « zone d’exclusion », pour finalement être accueillis dans des tentes de secours en plein cœur de Lyon.

  La nouvelle récolte de choux japonais cette année :Cabbages grew 4 times bigger than usual in Oita

Sources : agoravox / fukushima diary / enenews

L’intégralité du reportage de l’émission japonaise sous titrée est en 2 parties  :

  • http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=vk91uKAHEpQ
  • http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=6Whd4UcDXl0

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