Et si on s’était plantés ?

Il y a des articles qui sont plus durs à écrire ou partager que d’autres !  Le sujet abordé ici en est certainement le plus bel emblème pour les Brindherbes. Il faut rappeler qu’à la base en plus de ce que vous pouvez lire dans la page « Qui sommes-nous? » , il y avait une banque de semences et tout un forum d’échange visant à rendre les gens autonomes face au système actuel et sa perversion … L’agriculture était l’un des fondements de la réunion et de la création du collectif.

La Vie se charge de nous faire grandir au fil de l’eau et du temps et on ne peut demander à corps et à cri plus de justice, de transparence et de vérité sans se l’appliquer à soi-même en premier lieu. Donc acte !

Cet article se veut la synthèse de plusieurs publications glanées ça et là et que l’on pourrait regrouper sous le titre suivant :

« L’agriculture , la pire erreur de l’humanité ? « 

Vous trouverez à la fin du texte  toutes les références et les liens qui ont servi de base à cet article. J’attire l’attention du lecteur que j’ai essayé de faire une synthèse et que par conséquent, j’ai volontairement résumé certaines notions qui peuvent être retrouvées plus en détail et mieux justifiées parmi les références citées.

 

En l’état actuel des connaissances disponibles, on imagine que difficilement un monde sans agriculture. Pourtant, il ne s’agit d’une pratique jeune de seulement 8 à 10 000 ans. Un épisode très récent finalement dans l’histoire de l’humanité telle que nous la connaissons aujourd’hui.  Il ne s’agit pas non plus d’opposer le monde des chasseurs-cueilleurs d’avant l’agriculture et celui des agriculteurs. Je ne vous ferais pas le plan du « c’était mieux avant ! ». Cependant, nous pouvons utiliser à bon escient les enseignements de l’histoire afin de répondre au mieux à l’époque que nous traversons et à ses défis.

Car la crise que nous traversons va bien au-delà des soubresauts économiques des 8 dernières années. C’est une crise majeure de civilisation qui touche tous les domaines. On pourrait la nommer la crise du Progrès (voir en lien l’article sur La résistance molle…).

Or, si on essaie de remonter le phénomène à l’origine de notre civilisation, il est indéniable que l’agriculture en est une des pierres angulaires, peut-être la plus importante. En effet, tout le système pyramidal que nous connaissons, l’exercice du pouvoir et l’organisation qui en découle ont été exacerbés par l’exercice de l’agriculture. En effet, l’agriculture par la sédentarisation qu’elle impose rend essentielles les notions de fertilité et la capacité de stockage des denrées tout comme elle met en avant toutes les problématiques de gestion des relations humaines qui elles sont antérieures à l’apparition de l’agriculture.

Encore une fois, il s’agit pas d’opposer deux modes de vie, agricole et chasseur-cueilleur mais de voir comment le mode de vie agricole à eu un effet multiplicateur sur les problèmes rencontrés par l’humanité et par la même occasion aggraver notre situation. De toute façon, étant donné la densité humaine existant sur Terre à ce jour, tout retour à un système de chasseurs-cueilleurs serait un désastre. Pour mémoire le territoire d’un chasseur-cueilleur vivant en équilibre avec son milieu dépasse rarement 10 km2, il existe 150 millions de terres émergées ce qui laisserait 0.2 km2 par habitant et sans compter les terres impropres à la vie humaine, hautes montagnes, marais et zones glaciaires !). Bref, promouvoir un retour à la vie de chasseurs-cueilleurs équivaut sans aucun doute à programmer un génocide de plus de 90% de la population, encore pire que les Georgia guidestones !

Nos conditions de vie

Ce concept d’aggravation de notre condition depuis 10000 ans semble difficile à avaler et pourtant, observons simplement nos conditions de vie actuelles. Je mets pour l’instant de côté les élites de nos sociétés car elle représentent une portion tellement infime de la population qu’elles ne sont pas significatives de ce que vit l’humanité dans son ensemble.

  • les plus chanceux d’entre-nous travaillent 35h/semaine pour leur subsistance soit 5h par jour en moyenne (chiffres officiels de l’OCDE pour 2013), la moyenne se situe plutôt autour de 8h quotidiennes avec des pics à 12 ou 14h quand on prend les professions  libérales. En Chine, on peut aller jusqu’à 80h hebdomadaires sans sortir des dispositions légales.
  • Les conditions de travail sont extrêmement hétéroclites et nombreux sont les endroits du globe où l’espérance de vie va du simple au double rien qu’en fonction du poste de travail occupé. (Essayez la Vie dans une mine de platine en Afrique, ça vaut le détour !)
  • Les conditions de Vie sont à l’unisson du travail, entre les zones de guerre, les zones où la notion de droit individuel est à géométrie variable selon que vous soyez puissants ou misérables (La Fontaine était un sacré malin !). Population en expansion constante au mépris du bien-être des individus.
  • L’état de santé des individus est sous perfusion permanente de médicaments au milieu d’une alimentation limitée à peu d’espèces polluées par les intrants chimiques présents à tous les étages de la production alimentaire et dans l’air que nous respirons.Alimentation dont la pauvreté nutritionnelle originelle ne fait que s’aggraver du fait d’un appauvrissement du sol.
  • Vie dans des boîtes de ciment, de métal ou de verre ou dans un environnement pollué.
  • Virtualisation galopante du lien social au détriment d’une connaissance de son environnement immédiat.

Pour nous faire avaler la pilule, on nous vante la notion de progrès à tout bout de champ, nous isolant de plus en plus derrière un écran technologique et une consommation qui nous coupe de notre environnement pour faire de nous un techno-humain totalement dépendant de son environnement sociétal et de ceux qui lui fournisse cet environnement. L’asservissement par le désir et le plaisir. Le pain et les jeux des Romains.

On va quand même faire un petit parallèle avec la vie des quelques groupes de chasseurs-cueilleurs modernes. Il est important de noter ici que leur environnement n’est plus naturel mais réduit à la peau de chagrin laissée disponible par leurs cousins agriculteurs. Le but est ici de montrer l’illusion de la Vie facile du mode de vie occidental et du mode de vie agricole.

  • temps consacré à la subsistance : 2 à 5 h selon les groupes et la richesse du milieu (tribus des Boshimans ou des Hazda).
  • groupes restreints en lien avec les capacités du milieu et limitant la propagation des maladies quand elles existent et en réduisant les risques de violences entre individus.
  • connaissance du milieu de vie et de son équilibre de manière tangible, lien social fort tissé avec son groupe immédiat autour d’un consensus.
  • temps de partage important du fait du premier point.
  • Alimentation riche et variée en adéquation avec les saisons et l’environnement.

Clairement, l’abondance de notre mode de vie semble d’un coup plus factice avec ses simples considérations et encore sans avoir poussé l’étude au maximum de ses enseignements.

De plus, la paléopathologie nous montre que le changement alimentaire vers les céréales a provoqué des conséquences assez importantes sur la physiologie humaine : augmentation des lésions, baisse de la taille moyenne (étude sur les population de Grèce et de Turquie), augmentation de la pénibilité du travail ayant des répercussions sur l’organisme.

D’un point de vue sociétal, l’agriculture a été un facteur déterminant de l’explosion démographique dont nous ne vivons que le dernier acte. Certes les conditions climatiques et hygiéniques ont un rôle également très important, mais l’augmentation des ressources alimentaires disponibles ont facilité la poussée démographique. Une forme d’échange de la qualité contre la quantité.

Sans parler des effets sur l’organisation de la société et la création d’inégalités encore plus criantes via la possession des terres les plus fertiles, une répartitions des ressources inégalitaires créant une élite qui n’a cessé de développer son emprise depuis.

Ce premier aperçu des effets de l’agriculture nous amène à un autre point encore important puisqu’il nous sort d’une problématique anthropocentrée et replace l’homme dans son environnement « fini », limité qu’est la Terre. Étudions donc l’impact de l’agriculture sur notre environnement.

Agriculture et transformation de l’environnement

L’agriculture est son expansion a provoqué une modification jamais vue des terres émergées. En effet, le défrichement est devenu généralisé et ce sous la pression de plus en plus forte de la démographie. Aujourd’hui, les disparitions d’espèces sont arrivées à un niveau catastrophique et augmentent de façon exponentielle au point de parler de sixième extinction de masse de l’histoire de la Terre. Ceci est tout simplement la conséquence des modifications des conditions de vie sur la planète et essentiellement via des facteurs anthropologiques. L’effet prévisible d’un aménagement de l’espace au seul profit d’une espèce, l’homme.

L’exemple des terres arables est frappant. Tout le monde connaît cette région du monde qu’on appelle le croissant fertile, la Mésopotamie. Aujourd’hui cette région est un quasi-désert après 10 000 ans d’agriculture. Les méthodes agricoles en vigueur  ont fait que nous avons dépensé durant cette période l’équivalent de 200000 ans de production de terres fertiles, soit 20 fois plus que ce que la Nature pouvait donner. Nous avons perdu déjà un tiers des terres arables de la Planète.

L’impact énergétique de l’agriculture est aussi désastreux : au moment de la « Révolution verte » d’après la 2e guerre mondiale, il fallait à un agriculteur, une calorie de pétrole pour produire une calorie alimentaire; Aujourd’hui ce rapport est de dix calories fossiles pour une calorie alimentaire. ceci est révélateur de la destruction de la fertilité des sols avec les méthodes employées jusque là.

La notion de capacité de charge

Cette notion est fondamentale. La capacité de charge est la capacité d’un environnement donné à supporter les espèces qui y sont présentes. Dans un cycle naturel, lorsque cette capacité est dépassée, les espèces les plus fragiles, celles qui sont dépendantes en premier lieu des denrées manquantes, disparaissent; Cela se passe le plus souvent par le biais d’une réduction massive de population en un laps de temps assez court. Or, l’homme en modifiant l’environnement à son avantage et avec un avantage indéniable de moyens et d’intentions n’est pas, et de loin, l’espèce la plus fragile de l’écosystème qu’est la Terre. Par contre, il n’en est pas non plus le plus adaptable et le plus résistant. On retrouve ici le phénomène cité plus haut de sixième extinction de masse que l’on peut constater sur toute la planète.

Par l’introduction des moyens technologiques et l’arrivée des énergies fossiles, nous avons crée une capacité de charge fictive de l’environnement. Une sorte de course en avant biaisée et qui masque bien son caractère mortifère par le biais du « progrès » mais qui en même temps accélère les effets pervers encore démultipliés par la pression démographique en perpétuelle augmentation. Comme si nous mettions des rustines à une montgolfière percée qui ne cesserait de monter tout en sachant qu’il y a moins de rustines que de trous à chaque réparation et qu’il y a de plus en plus de passagers. Je vous laisse imaginer la fin du scénario. Irons-nous jusqu’à un scénario justement à la « Soleil Vert » , remarquable film d’anticipation sur l’évolution de notre société ?

Des solutions ?

je passerais sur le faux débat entre agriculture chimique que la novlangue appelle conventionnelle (quel doux euphémisme !) et agriculture biologique et leur capacité à nourrir la planète humaine. Dans les deux cas, nous allons dans le mur puisqu’il ne s’agit que d’une question de moyens face à une méthode erronée qui est l’agriculture, juste endormis par notre structure hiérarchique qui nous fait déléguer notre intelligence à d’autres en fonction de leur arrivisme, leur attrait du pouvoir et leurs ambitions.

On peut voir par ailleurs que le mammouth humain commence à bouger et que les pratiques agricoles sont en cours d’évolution; L’augmentation des surfaces en bio et la récente promotion de l’agro-écologie et de l’agro-foresterie en sont la meilleure preuve. Cependant, il ne s’agit nullement d’une remise en cause des fondements et des impacts de l’agriculture sur notre avenir. Un pansement de plus sur la jambe de bois en somme.

Reste aujourd’hui le regain d’intérêt pour la permaculture. Les promesses de cette approche sont grandes puisqu’elle essaie de replacer l’humain dans son contexte environnemental, comme un élément de celui-ci. Le milieu ne devient plus un objet d’asservissement des désirs humains mais un paramètre majeur pour arriver à un équilibre pérenne. Toutefois, la permaculture d’aujourd’hui n’aborde le problème démographique et civilisationnel que du bout des lèvres alors qu’elle propose un changement de paradigme complet de notre civilisation, loin des grands ensembles humains, agricoles, économiques et industriels. Ce qui nous ramène à la notion de capacité de charge et pose la grave question de l’adéquation entre notre nombre actuel, nos comportements de masse et les capacités terrestres à entretenir un écosystème global.

Cela pose également la question de notre régime alimentaire actuel basé sur les céréales et sur de la viande produite dans des conditions éloignées de la vie naturelle des animaux. La question également de l’effet de cette alimentation sur l’organisme. Au regard de l’état sanitaire des populations agricoles, il est raisonnable ici aussi de se demander si nous n’avons pas fait fausse route. Sujet à creuser et qui a déjà fait l’objet d’un article ici : https://lesbrindherbes.org/2017/02/12/lalimentation-question-cheminement-dietetique-interessant/

CONCLUSION

L’ensemble est sans appel, le p’tit gars derrière son clavier est bien avancé, lui pour qui le summum de cette existence était de devenir fermier et de nourrir sainement ses congénères en son âme et conscience.

Il est inutile de céder à un alarmisme et une panique contre-productive pour ne pas dire involutive. Cet article n’a pas d’autres objectifs que d’essayer de dresser un état des lieux objectif et conscient sur la question qui est fondamentale. Et tout cela me fait dire qu’à la place de panacée, mon objectif reste valable temporairement face à l’inertie de ce monde. Charge à moi de trouver la solution la plus satisfaisante dans le milieu qui est le mien, le notre, actuellement. Cela passe certainement par une décroissance volontaire encore plus forte, une permaculture encore plus aiguisée.

Il est toutefois clair que nous dépendons un système qui est un des risques majeurs pour l’avenir de notre espèce et que la prise de conscience est urgente. Nulle question de Sauveur, quelle illusion ! La transition, si elle a lieu, ne pourra se faire sans dégâts. Plus que jamais la notion de sobriété heureuse est importante même si je garde un regard critique sur le fonctionnement de son promoteur et du système qu’il a mis en place. Nul n’est parfait et la démarche est un premier pas salutaire qu’il convient de respecter et d’essayer de mettre en avant.

Le changement nous appartient à notre niveau individuel et au quotidien en ayant conscience que notre responsabilité est engagée dans nos actes et nos comportements. Je sais, comme chacun qui voudrait se donner la peine, que la route est longue et peu nombreux ceux qui ont un réel intérêt pour la question. Il nous revient alors de savoir anticiper le mur qui se présente devant nous.

Collectivement, il s’agit de savoir changer avant d’en arriver à ce que cela soit notre tour d’être l’espèce la plus vulnérable de l’écosystème Terre et d’aboutir à une conclusion digne de ce grand philosophe qu’est l’agent Smith :

Sources qui ont servi à la rédaction de cet article :

Agriculture : la fin du monde que nous connaissons – John Feeney

L’agriculture ou la pire erreur de l’histoire de l’humanite – Jared-Diamond & Clive-Dennis

https://fr.sott.net/article/9462-L-agriculture-la-pire-erreur-de-l-humanite

De la permaculture au primitivisme

La révolution d’un seul brin de paille – Masanobu Fukuoka en pdf   , deuxième lien : ici

L’agriculture biologique peut-elle nourrir l’humanité ?

L’agriculture biologique peut nourrir le monde

Le mythe végétarien

Les chasseurs-cueilleurs bénéficiaient d’une vie longue et saine