La Maladie du Siècle – tentative de partage inter-génération
Il y a quelques jours, j’ai commencé en famille à faire un grand ménage et tri dans la maison, l’occasion de partager tout un tas d’objets, livres dont on ne sert plus, de jeter beaucoup aussi… L’avantage de ce genre d’activités, c’est que non seulement, ça permet de respirer, de faire une forme de ménage intérieur avec ce que l’on a été mais aussi de retrouver quelques trésors enfouis que l’on avait oublié ou que l’on découvre par « hasard ». Merci à celle qui partage tendrement mon quotidien d’avoir initié le mouvement !
Dans la catégorie « trésors », j’ai retrouvé au fond du garage, une caisse d’ouvrages agricoles venus de mon père et que je m’étais promis de regarder et trier un jour (ce qui doit représenter trois ou quatre ans en fait sur mon échelle temporelle …). Dans cette caisse, il y avait un Larousse agricole de 1921, un ouvrage traitant des semences avec une précision difficile à trouver aujourd’hui (peut-être dans les ouvrages de Gérard Ducerf pour qui ça intéresse), un tas de livres traitant de maraichage avant que la « révolution verte » de l’après 1950 commence ses dégâts de masse dans le terroir et les esprits français et au-delà partout dans le monde. Et puis une lettre… une lettre écrite par mon père. Mon père aujourd’hui a 95 ans, la maladie d’Alzheimer depuis 4 ans et n’est plus qu’un corps décharné sans mémoire (ou à peine puisqu’il me reconnait encore ainsi que ma mère, dernière empreinte affective qui le relie à ce monde) mais qui n’a plus grand-chose à voir avec l’homme qu’il a été.
A la lecture de cette lettre comme en parcourant les textes sus-cités, ce qui m’a frappé c’est l’éternel recommencement de la Vie. Lire des ouvrages traitant du non-travail du sol datant des années 20 et repris par le mouvement Nature et Progrès dans les années 70 m’a beaucoup fait réfléchir à nous tous, pauvres re-découvreurs de la Nature via la permaculture en plein essor depuis 10 ans… Comme lire les prises de conscience de mon père alors que je suis sur un chemin dont la ressemblance est troublante. Nous sommes comme des génies qui réinventent l’eau-chaude et qui s’extasient…
Alors, je me dis en regardant mes enfants et plus généralement ceux que je croise que la transmission est vraiment quelque chose d’important et qu’au lieu de pester contre tous ces vieux cons et ces jeunes débiles, il serait peut-être temps de s’écouter, de partager, de communiquer et de vivre tous ensemble au lieu de vivre les uns sur le dos des autres …. Je sais c’est une utopie de bisounours et que ce n’est pas la vocation de ce Monde mais ça fait du bien et j’ai suffisamment trouvé de monde pour le partager avec moi qu’on arrivera à vivre heureux jusqu’à ce que ce monde nous emporte avec sa Folie….
En attendant, il me semble juste de partager avec vous la lettre de mon père, tant pour faire honneur à l’homme qu’il a été que parce que le chemin qu’il a fait peut rentrer en résonnance avec un certain nombre et l’aider sur son propre chemin ; Il n’a pas été parfait, loin de là, mais il fait de son mieux et quoi qu’il en pense dans cet écrit, il a su transmettre et aimer … à sa façon.
KOAN
LA MALADIE DU SIECLE
Je viens de découvrir que j’avais la maladie du siècle comme tout le monde ou plutôt comme tout un chacun : je ne sais pas où je suis et ne sais pas qui je suis bien que j’aie une carte d’identité, un numéro de sécurité sociale, plusieurs numéros de retraité, un domicile fixe pour l’instant….
Comme père de famille, je m’aperçois que j’ai fait des enfants sans savoir pourquoi, simplement entraîné par les circonstances et un appétit généreusement fourni par mes propres parents qui l’avaient hérité des leurs tandis qu’eux-mêmes… Et on peut remonter comme cela jusqu’à Adam et Ève si tant est qu’ils aient existé sous la forme décrite par les symboles religieux. En tout cas une chose est certaine : c’est que, depuis que la reproduction sexuelle existe, il n’y a rien d’étonnant à ce que l’habitude prise ait tant de pouvoir sur l’être humain au point d’avoir atteint les « tournantes » et même la télévision quotidienne de tout le monde. Et quand je vois des familles archi-pauvres qui font des enfants dans l’espoir que ces derniers vont s’en sortir et qu’ils pourront les aider lorsqu’ils seront vieux et incapables de faire face à leur survie par leur activité propre, je me dis que nous sommes tous sur le même bateau mais que ces prises de conscience constituent une petite avancée, qu’un peu de réflexion est intervenue dans le comportement animal de l’espèce humaine. Mais ce petit peu de réflexion ayant pour origine le souci de soi-même avec les apparences du raisonnable, peut-être certains le qualifieront d’égoïsme, a simplement entretenu le pouvoir de l’habitude mais n’a pas encore développé le souci parental d’armer correctement les enfants pour faire face à la vie avec responsabilité.
Ayant fait de mon mieux avec le peu de connaissances que j’avais et la tentative de faire face à chaque jour, j’ai à peu près assuré le pain quotidien et, emporté par cet élan, négligé de m’apercevoir que mes enfants avaient besoin d’affection, que mon absence et mon ignorance m’ont empêché de leur témoigner cette affection et surtout de leur en montrer leu mécanisme et son pouvoir autant créateur que destructeur. Bien que j’aie essayé d’avoir un comportement corporel à peu près convenable pour l’entretien de mon corps, je n’ai pas su non plus leur montrer ce qu’ils pouvaient faire pour améliorer et entretenir le leur.
Faisant le bilan aujourd’hui, je dois dire que mon rendement sur le plan social, matériel, intellectuel et affectif est un fiasco. Les trois aspects complémentaires de l’être humain : corps physique, affectivité et fonctionnement de la pensée ont été confiés au hasard de la pression quotidienne. A notre époque où le « rendement » est de venu la « religion » de la plus grande partie de l’humanité, je vois qu’il va falloir revoir ce qu’est l’idée de ce « rendement ».
Quand un médecin qualifié se lance dans la recherche scientifique pour améliorer les qualités d’un médicament, participe-t-il au bien public plus que celui qui va déjà s’en servir pour soulager un malade souffrant ? Ou bien est-ce qu’il ne va pas simplement augmenter le prix des médicaments actuels comme le fait déjà l’appétit des actionnaires propriétaires du laboratoire pour lequel il travaille ? Et le médecin ordinaire qui calme les douleurs du patient sans jamais lui montrer comment le patient lui-même a laissé la maladie s’installer en lui et par quel changement dans ses habitudes il pourrait libérer en lui le pouvoir guérisseur de la Nature, est-ce qu’il n’a pas oublié quelque chose d’essentiel dont le malade a profondément besoin ?
Et Lorsque j’admire le dévouement des ONG et de tous ceux qui s’engagent dans quelque activité d’entraide que ce soit et que j’enrage de n’avoir pas les moyens d’envoyer quelques euros à la multitude des demandes de ces organismes qui m’arrivent chaque jour, je me demande si, là encore, le fait de soulager seulement n’entretient pas des comportements qui ont justement généré la souffrance que l’on essaie de soulager ? Alors, lorsque je laisse mes prétendus représentants auprès de l’Etat dont je suis citoyen intervenir à ma place pour la gestion des valeurs produites par mon travail passé ou présent, est-ce que je ne fais pas une erreur grave ?
Parce qu’eux agissent en fonction de leur connaissances, de leurs relations, de leur conditionnement et ne voient jamais ce qui se passe là où je suis, avec mes yeux, mon estomac, l’état de mon dentier si j’en ai un, mes rhumatismes ou mon stress quotidien…
Alors, lorsque « l’Etat » décide de lancer des milliards dans la recherche d’un nouveau pouvoir de destruction démesuré sans faire face à la responsabilité indéniable de l’homme dans l’état actuel de la planète dont notre vie à toutes et tous dépend, est-ce que je n’ai pas baissé les bras trop tôt où oublié ma propre responsabilité de citoyen et au-delà d’être humain sans autre particularité que d’appartenir à l’humanité toute entière sans distinction de couleur de peau, de religion, de philosophie ou de participation à un groupe ou une tradition particulière ou encore une nation quelconque ?
Certainement qu’un « autre monde » est possible ! Et pour cela il faut que je sache vraiment où je suis, ce que je peux faire, dans quel domaine j’ai quelque qualification, et que j’emploie toute ma sensibilité, toute mon intelligence, toute la force et les moyens qui me restent pour agir là où je suis.
Lorsque je m’associe à un syndicat ou à un groupe quelconque, est-ce que mon moteur et ma nécessité personnelle de survie ou est-ce que je m’identifie à la survie de groupe ? Ou bien est-ce que c’est ma perception des conséquences de mon action sur la continuité de vie de l’espèce humaine qui est en jeu ? Et si je pense que c’est au niveau de l’humanité entière que je suis responsable, alors est-ce vrai ou seulement un rêve, un idéal, une invention de la pensée ? Parce que la pensée est capable de justifier n’importe quoi, comme appeler « plan social » l’astuce qui consiste à licencier les travailleurs pour satisfaire l’appétit démesuré des actionnaires de quelque société ou entreprise visant à être la plus grosse, la plus rentable qui soit … Tout comme un gouvernement se prend pour le peuple qu’il manipule !
Lorsque l’individu découvre ses besoins réels de survie, tout comme un groupe, une nation ou une race découvre ses besoins fondamentaux de survie, il s’agit d’un réflexe naturel mais qui a ses limites et il faut savoir gérer cela en accord et en harmonie avec les autres individus, les autres groupes, les nations ou races, et non pas seulement avec des idées mais avec du Cœur et des actions conformes à l’être humain total : Esprit, Cœur, et responsabilité du monde matériel. Le fait que je le voie et le dise ne signifie pas que je sois toujours à la hauteur par mon action. « Le mot n’est pas la chose » et le réel se trouve là où on discerne la part de faux et de vrai dans chaque aspect de la vie quotidienne… ce qui n’est jamais aussi simple que de suivre une habitude ou de chercher à satisfaire un plaisir immédiat !
Je ne sais pas su vous qui me lisez ou m’entendez, vous vous êtes rendu compte que l’on ne remarque, retient ou comprend vraiment que ce qui correspond à quelque chose qu’on a vécu soi-même ou profondément ressenti. Et est-ce que l’on observe sa propre réaction à la provocation des paroles, des actes ou des textes des autres ? Y mettons-nous un jugement plus ou moins automatique qui vient limiter la réflexion ?
Le danger de s’identifier à un pouvoir quelconque est toujours présent et se manifeste par l’usage de l’autorité. Pourtant il n’y a d’autorité que s’il y a reconnaissance de l’autorité par un certain nombre d’individus qui font abandon de leur propre pouvoir de réflexion, de responsabilité et de décision …
Le cercle est bouclé, j’en suis revenu à me demander qui je suis, ce que je crois pouvoir faire, quels sont les moyens dont je dispose ici et maintenant…
Bon courage mes Amis …. Et si on se posait les questions qui font réfléchir ?