Se protéger des champs électromagnétiques, à la maison
À l’heure du déploiement de la 4G dans un environnement déjà saturé d’ondes, nous sommes en droit de nous interroger sur les conséquences de ces émissions sur la santé. Dans le doute, chacun peut aménager son intérieur pour limiter son niveau d’exposition aux champs électriques et magnétiques.
Téléphones sans fil, fours à micro-ondes, réseau wi-fi, dizaines de mètres de fils électriques courant dans nos cloisons, multitude d’appareils sous tension, il est difficile d’échapper aux ondes. Certains experts estiment que la réglementation française ne protège pas suffisamment la population. La communauté scientifique est divisée et le grand public s’interroge sur les risques de ce qu’on appelle familièrement les ondes électromagnétiques. Ce terme générique désigne deux types de champs : le champ électrique et le champ magnétique (voir les compléments associés à l’article : “Qu’est-ce qu’un champ magnétique ?” et “Qu’est-ce qu’un champ électromagnétique ?”). De fait, nos appareils électriques rayonnent en permanence, engendrant une pollution électromagnétique dans nos maisons. “Les gens sont souvent plus pollués par les rayonnement des appareils qu’ils ont dans leur habitation que par ceux qui proviennent de l’extérieur et dont ils ne sont pas responsables”, explique Thierry Gautier, un géobiologue qui étudie depuis plus de 30 ans l’influence des lieux sur la santé de leurs habitants.
La mise à la terre dévie le champ électrique
Le champ électrique est facile à supprimer et peut être stoppé par toutes sortes d’obstacles. Par exemple, planter des arbres entre une maison et une ligne à haute tension permet de capter le champ électrique et de le dévier vers la terre. Sous une ligne, l’intensité du champ électrique peut atteindre 1 000 V/m, elle chute à 10 ou 20 V/m derrière les arbres. Dans la maison, le plus simple est de relier les appareils à la terre. Ainsi, “le réfrigérateur l’est obligatoirement. Sa carcasse capte le champ, le dévie et l’envoie à la terre”, poursuit Thierry Gautier. Mais ce n’est pas toujours possible, notamment dans les pavillons construits avant les années 1980. En effet, la norme NFC 15-100 sur la sécurité électrique imposait alors de mettre à la terre uniquement les prises électriques situées dans les pièces d’eau. Celles des pièces de vie dans les bâtiments de cette époque ne le sont donc pas. “Je rencontre souvent des retraités qui se plaignent de maux de tête après avoir installé un bureau informatique dans les anciennes chambres des enfants, une fois que ceux-ci ont quitté la maison. Dans les pavillons des années 1970, les prises ne sont pas reliées à la terre. Le rayonnement de l’ordinateur peut alors s’élever jusqu’à 250 V/m au niveau de la tête. La solution est d’utiliser une rallonge pour brancher l’appareil sur une prise reliée à la terre ou de faire venir un électricien pour tirer une ligne”, précise Thierry Gautier.
Les appareils isolés sont, paradoxalement, très émetteurs
Beaucoup de petits appareils électriques, comme les sèche-cheveux, sont de classe 2, c’est-à-dire qu’ils ont une double isolation intérieure qui protège l’utilisateur des chocs électriques, et sont munis d’une fiche à deux broches seulement. Ils ne peuvent pas, et ne doivent pas, être reliés à la terre, car en cas d’accident sur ce réseau, ils deviendraient dangereux. Les champs électriques très basse fréquence (50 Hz) de ces appareils décroissent à proportion du carré de la distance : lorsque la distance double, l’intensité du champ est divisée par quatre. Aussi, éloigner un sèche-cheveux de 10 cm du crâne fait chuter son rayonnement de 50 %. Cette précaution n’est pas toujours possible, pour un rasoir par exemple (voir : Champ électrique et champ magnétique, calculer son exposition au quotidien avec les appareils électriques).
Nombre de radiateurs pouvant être installés dans une salle de bains sont également de classe 2. S’ils sont utilisés dans une chambre ou un salon, il faut veiller à les éloigner du lit ou du canapé, car un panneau rayonnant, par exemple, peut émettre jusqu’à 600 V/m. Les luminaires métalliques de même classe rayonnent, eux aussi, énormément. Il existe encore sur le marché quelques modèles de classe 1 raccordables à la terre. Vendus chez les distributeurs spécialisés, ils sont, en général, prévus pour le plafond.
Quant à la lampe de chevet, elle est fréquemment branchée dans le mauvais sens, et continue donc, une fois éteinte, à rayonner comme si elle était allumée. En effet, chaque prise de courant comprend deux bornes femelles : l’une reliée à la phase ; l’autre, au neutre. L’interrupteur de la lampe coupe un seul des deux fils à l’intérieur de son cordon d’alimentation. Selon le sens de branchement de la fiche dans la prise, ce sera soit celui de la phase, soit celui du neutre. Dans le premier cas, quand la lampe est éteinte, son rayonnement tombe à 3 V/m ; dans le second, branchée à l’envers, elle rayonne jusqu’à 200 V/m. Un détecteur de champ électrique ou un tournevis testeur de tension suffisamment sensible permettent de vérifier si la fiche est branchée dans le bon sens. L’interrupteur peut être remplacé par un modèle bipolaire, qui coupe l’alimentation de la phase et du neutre quel que soit le sens de branchement de la fiche. Ainsi, la portion du câble située entre l’interrupteur et la lampe ne rayonnera plus – seule restera active celle entre la prise électrique et l’interrupteur. Enfin, il est possible d’installer une prise commandée, qui coupe l’alimentation électrique par l’interrupteur, évitant ainsi tout rayonnement.
La distance pour échapper aux champs magnétiques
Le champ magnétique traverse tout, les cloisons, le béton, le granit, le corps humain… et ne peut pas être arrêté. La seule solution pour s’en protéger consiste à s’éloigner de la source (voir : Calculer son exposition au quotidien avec les appareils électriques). L’intensité de ce champ décroît proportionnellement au cube de la distance, ce qui la rend rapidement négligeable, habituellement au-delà de 2 m. Par conséquent, il faut éviter de placer une chaudière ou un radiateur électrique derrière la cloison à laquelle est adossée la tête de lit. “J’ai vu le cas de gens qui avaient perdu le sommeil à cause d’un orgue électronique branché sur un transformateur dans la chambre voisine, derrière la cloison”, souligne Thierry Gautier. De même, mieux vaut ne pas placer un transformateur ou la base d’un téléphone sans fil DECT sur un bureau ou une table de chevet. “C’est comme si vous téléphoniez toute la nuit”, commente Thierry Gautier. Il faut les installer, de préférence, dans des lieux de passage, comme une entrée, et opter pour un modèle à faible émission (ce qui est indiqué sur l’emballage par “low radiation base”, “Full Eco” ou “Eco +”).
Traquer les ondes électromagnétiques
S’il est simple d’observer ces bonnes pratiques, il l’est moins de détecter les sources de rayonnement électromagnétique dans son logement. Qui imaginerait que lorsque le fil électrique d’une lampe de chevet est au contact d’un lit en bois, tout le meuble se met à rayonner ? Pour traquer ces ondes, de plus en plus de gens font appel à des sociétés de diagnostic. “Nous avons une dizaine de demandes de particuliers par mois, soucieux de leur santé et de celle de leurs enfants”, explique Vincent Joly, dirigeant d’EPE Conseil. L’intervention, facturée 169 € pour un petit appartement, prend environ 2 heures. Le diagnostiqueur réalise une série de mesures dans chaque pièce, compare les valeurs relevées à celles recommandées par l’entreprise, puis propose des solutions pour faire baisser le niveau d’exposition : par exemple, désactiver le wi-fi de la box internet et la connecter avec un fil ; utiliser une housse de protection pour en diminuer le rayonnement.
Des housses de protection pour bloquer les ondes
Les housses de protection sont fabriquées avec un tissu comprenant 2 % de fibres de métal sur le principe de la cage de Faraday (une infrastructure métallique ayant la propriété de bloquer les ondes). Elles sont commercialisées par les entreprises de diagnostic, comme les rallonges, les câbles électriques blindés et l’interrupteur automatique de champs (IAC), qui déconnecte le courant à partir du tableau électrique dès que le circuit auquel il est relié est hors tension, par exemple quand la dernière lampe d’une chambre est éteinte. Sont également préconisés les textiles et les toisons de protection, ainsi que la peinture de blindage, utilisée en Allemagne depuis une dizaine d’années.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a fait réaliser, en 2011, par le laboratoire Emitech Le Mans une mesure de l’efficacité de dispositifs de protection contre les rayonnements des téléphones. Il en ressort que seul l’étui de protection est efficace. Les dispositifs anti-ondes apposés sur les téléphones mobiles en test ou sur leur batterie ne font pas varier significativement le niveau de débit d’absorption spécifique (DAS ; voir le complément d’enquête : “Téléphonie mobile, la polémique court de l’antenne au récepteur”). Les systèmes anti-ondes placés sur l’antenne des mobiles ou à proximité de celles-ci font, selon les cas, diminuer (– 21 %) ou augmenter (+ 30 %) le niveau de DAS.
Des boucliers qui se révèlent contre-productifs
Selon l’Anses, ces dispositifs altèrent les performances des téléphones mobiles “en dégradant, par exemple, leurs capacités de réception. Ils risquent, dans des conditions d’utilisation réelles, d’augmenter le niveau d’exposition de l’utilisateur”. La meilleure protection est un usage modéré et avec un kit piéton, “qui doit devenir un réflexe, comme on boucle sa ceinture de sécurité dans une voiture”, conseille Catherine Gouhier, secrétaire générale du Centre de recherche et d’information indépendant sur les rayonnements électromagnétiques (Criirem).
Ces recommandations sont, d’ailleurs, dispensées par la Fédération française des télécoms et figurent, très discrètement, dans la rubrique santé des sites internet des opérateurs de téléphonie mobile. Le Criirem va encore plus loin en préconisant de limiter le nombre d’appels – pas plus de cinq ou six par jour – et leur durée – pas plus de 2 ou 3 min pour chacun –, et de respecter un temps moyen de 1 h 30 entre chaque appel. À moins d’aller vivre dans un bunker et de se couper de toute vie sociale, il semble impossible d’échapper aux ondes. Ce qui n’empêche pas, chaque fois que c’est possible, de mettre ces conseils en pratique. Il est bon également de garder à l’esprit que le niveau de risque est déterminé par trois critères, pris en compte par les médecins épidémiologistes dans leurs enquêtes : l’intensité du rayonnement, la durée et la fréquence d’exposition, à quoi il faudrait ajouter la sensibilité de l’individu. En effet, nous ne sommes pas tous égaux face aux rayonnements. Les femmes sont plus sensibles que les hommes. Les porteurs d’implants doivent être particulièrement vigilants. Les enfants sont plus fragiles que les adultes car leur boîte crânienne n’est pas formée. “Les babyphones émettent un rayonnement qui pénètre facilement à l’intérieur de la boîte crânienne. Par ailleurs, il est criminel de mettre sur le marché des tablettes pour bébés”, s’indigne Catherine Gouhier. Il faut aussi avoir conscience que les jeunes générations ayant accès à la téléphonie mobile bien plus tôt que leurs aînés, elles seront exposées beaucoup plus longtemps aux ondes de la télécommunication.
Les cas d’électro-hypersensibilité en hausse
Encore rarissime il y a 15 ans, l’électrohypersensibilité se développe depuis l’arrivée des antennes de téléphonie. Cette maladie, reconnue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), mais pas par le monde médical, se caractérise par divers symptômes, dont des troubles du sommeil, des sensations d’échauffement, des céphalées. “Nous sommes tous électrosensibles, c’est-à-dire que notre organisme déclenche des réponses face à un champ électromagnétique d’intensité normale. Les personnes électrohypersensibles sont intolérantes aux champs électromagnétiques d’intensité très faible dans un premier temps, puis à toutes les longueurs d’onde, jusqu’à la lumière artificielle et à celle du soleil. Cette intolérance peut avoir une origine génétique ou être acquise, notamment chez les porteurs de prothèses dentaires métalliques. Les alliages mercuriels se comportent comme une antenne et augmentent artificiellement l’intensité de l’exposition”, explique le Pr Dominique Belpomme, directeur exécutif de l’Institut européen de recherche sur le cancer et l’environnement (Eceri) et président de l’Association pour la recherche thérapeutique anticancéreuse (Artac).
Malgré les traitements efficaces, la protection reste nécessaire
“L’affection se diagnostique au moyen de tests biologiques et d’un examen par échodoppler cérébral qui met en évidence un flux sanguin diminué dans certaines régions du cerveau, et donc une baisse de l’oxygénation, avec pour conséquence la mort de certaines cellules. Si les neurones sont atteints, cela peut induire une maladie d’Alzheimer précoce”, poursuit le professeur. Les traitements actuels consistent en une vitaminothérapie intensive, en la prescription d’anti-inflammatoires pour revasculariser le cerveau, d’antioxydants et d’antihistaminiques. Sept fois sur dix, les maux de tête et les troubles cognitifs régressent. “Cependant, l’électrohypersensibilité persiste, ce qui justifie la nécessité d’ajouter à ce traitement des mesures de protection”, conclut le Pr Belpomme.
Isabelle Coune
Titre original du Particulier Pratique N°398 : Equipement de la maison – Se protéger des champs électromagnétiques.