Bulgarie: manifestations anti-gouvernementales et contre «l’oligarchie»
Les manifestations anti-gouvernementales et contre «l’oligarchie», qui se déroulent en Bulgarie depuis 40 jours, se durcissent avec le siège du parlement pendant neuf heures, mais les socialistes, principal soutien du gouvernement de technocrates de Plamen Orecharski, rejettent toujours la demande d’élections anticipées.
Environ 2.000 manifestants ont bloqué une trentaine de députés et trois ministres au Parlement, à l’issue d’une réunion de commissions sur une révision du budget, mardi en fin d’après-midi.
Une première tentative d’évacuation par un autocar de la police a échoué, provoquant des accrochages, qui ont fait une vingtaine de blessés, dont trois policiers.
Siège levé dans la matinée
Le siège du Parlement n’a été levé que tôt dans la matinée de mercredi et la réunion du Parlement prévue aujourd’hui a été annulée. «La recherche de solutions démocratiques devient de plus en plus difficile», a admis le président du Parlement, le socialiste Mihaïl Mikov.
«Des élections immédiates reproduiront le statu-quo au Parlement», a affirmé le chef de file des socialistes, Serguei Stanichev, refusant de céder aux demandes des manifestants, dont beaucoup sont issus de mouvements de la société civile et qui réclament depuis le 14 juin la démission du gouvernement de Plamen Orecharski, tout en dénonçant sans cesse «l’oligarchie» qui, selon eux, dirige en fait le pays.
Serguei Stanichev a accusé l’ancien Premier ministre conservateur Boïko Borissov, qui avait démissionné en février sous la pression de la rue, d’avoir organisé «les provocations» de mardi soir. Pour le dirigeant socialiste, Boïko Borissov table sur de nouvelles élections afin de retrouver le pouvoir avec son parti Gerb.
Mais, des voix dissonantes se sont élevées au sein même des socialistes: «Il faut de nouvelles élections pour permettre un débat» sur l’avenir du pays, a ainsi écrit le député européen socialiste et ancien ministre des Affaires étrangères Ivaïlo Kalfin sur sa page Facebook. A la télévision bTV, il a souhaité qu’une date soit fixée dès maintenant pour des élections en mai 2014, en même temps que les élections européennes.
Et, les deux principaux syndicats, KNSB et Podkrepa, se sont joints mercredi à la demande des manifestants d’élections anticipées.
Le Gerb avait certes remporté les élections anticipées du 12 mai, mais n’avait pas pu constituer de majorité pour gouverner. Le 29 mai, le Parlement bulgare, avec les voix des députés socialistes et ceux du Parti de la minorité turque (MDL), ont investi le gouvernement de Plamen Orecharski.
Une deuxième vague de protestations après celle de février, a éclaté le 14 juin, après la nomination à la tête de l’Agence nationale de sécurité (DANS) d’un député du MDL, le sulfureux Delyan Peevski, un magnat de la presse.
«Les gens protestent contre le modèle du pouvoir, un mélange d’économie, de criminalité et de politique». Cette mixture issue de l’écroulement «du régime totalitaire (en 1989) trouve son expression dans tous les partis» représentés au Parlement, a déclaré à l’AFP le politologue Tsvetozar Tomov. «L’issue est incertaine. Des élections anticipées paraissent inévitables, cet automne, si la tension continue à augmenter, ou au printemps», a-t-il ajouté. «Une agonie nous attend pendant des années, avant que ce modèle ne soit transformé».
Des protestataires de tous horizons
Selon Tsvetozar Tomov, «il faut du temps» pour amender le Code électoral afin de faciliter l’entrée au Parlement de petits partis et pour permettre la formation d’une nouvelle force politique représentant les protestataires, venus d’horizons parfois très différents, de l’extrême gauche à la société civile, avec beaucoup de représentants des classes moyennes.
Les manifestants reportent leurs espoirs sur un soutien européen. La commissaire européenne à la Justice Viviane Reding, qui a rencontré des citoyens mardi à Sofia, avait été accueillie par les protestataires avec des banderoles «Sauvez-nous!». «L’oligarchie et la démocratie sont des ennemis mortels», a-t-elle souligné en évoquant également l’importance de la liberté des médias.
La Commission européenne a dit mercredi «avoir suivi avec inquiétude les événements de la nuit dernière à Sofia». Par la voix de son porte-parole, Olivier Bailly, elle a demandé «aux deux côtés, de faire preuve de retenue».
http://www.liberation.fr/monde/2013/07/23/bulgarie-deputes-et-ministres-assieges-au-parlement_920380