L’herbicide le plus vendu dans le monde, le glyphosate, contamine notre organisme
Les Amis de la Terre France ont détecté la présence d’un herbicide très répandu, le glyphosate, dans le corps de personnes testées. Les analyses ont révélé que, sur les 10 Français qui avaient accepté de faire analyser leurs urines, 3 étaient contaminés et présentaient des traces de glyphosate dans leurs urines. Une contamination de l’organisme qui est inquiétante et inacceptable.
Qu’est-ce que le glyphosate ?
Le glyphosate (N-(phosphonomethyl) glycine) est un herbicide systémique à large spectre qui bloque un enzyme dont la plante a besoin pour fabriquer des acides aminés et des protéines.
Ce produit est toxique pour toute plante qui n’a pas été modifiée génétiquement pour le tolérer.
Les propriétés herbicides du glyphosate ont été brevetées par Monsanto dans les années 70, et le Roundup® devint un succès commercial. Les herbicides à base de glyphosate contiennent d’autres ingrédients chimiques comme les tensio-actifs qui facilitent l’absorption par la plante.
Monsanto vend près de la moitié des herbicides à base de glyphosate commercialisés dans le monde. D’autres firmes comme Syngenta, Bayer, BASF et Dow vendent aussi leurs propres produits à base de glyphosate. Une bonne part du marché de Monsanto provient des agriculteurs qui sont obligés d’acheter son herbicide, le Roundup Ready lorsqu’ils cultivent des OGM Roundup Ready.
Le glyphosate : l’herbicide le plus utilisé dans le monde
Le glyphosate est ainsi devenu l’herbicide chimique le plus vendu sur la planète et notamment en Europe. En France, le glyphosate est la substance « phytosanitaire » la plus vendue entre 2008 et 2011.
Hors des frontières de l’Union européenne, le glyphosate est aussi utilisé sur les OGM agricoles, dont 85 % sont modifiés génétiquement pour tolérer un herbicide. En 2012, aux Etats-Unis, presque la moitié des terres agricoles étaient cultivées avec des plantes GM de Monsanto, Roundup Ready, et la majorité du soja importé d’Amérique du Sud en Europe pour alimenter les animaux d’élevage est tolérant au Roundup. Il y a actuellement 14 demandes d’autorisation en attente pour la culture de plantes tolérantes au glyphosate dans l’Union européenne.
L’expérience des Etats-Unis et de l’Argentine montre clairement que la culture de plante GM tolérantes au Roundup provoque une augmentation très importante des volumes de glyphosate – mais aussi d’autres herbicides – utilisés sur les cultures.
Le glyphosate est aussi utilisé pour contrôler les adventices dans les vignobles et les vergers. On l’emploie aussi couramment dans les jardins, les parcs, les espaces publics et sur les voies ferrées. En 2011, ce sont 650 000 tonnes de produits à base de glyphosate qui ont été utilisées mondialement – et certains observateurs prévoient un doublement d’ici 2017. De plus, si les OGM étaient autorisés à la culture dans l’Union européenne, les volumes utilisés pourraient augmenter de 800 %[1].
Le glyphosate : un danger pour la santé
Les résultats des expérimentations animales laissent à penser que lorsqu’on consomme du glyphosate, de 15 à 30 % sont absorbés par le corps[2]. On peut alors le retrouver dans le sang et les tissus[3], et il a été démontré qu’il pouvait aussi traverser le placenta durant la grossesse[4]. Une faible proportion peut être dégradée en acide aminométhyphosphonique (AMPA). Les recherches montrent qu’après une semaine, 1 % du glyphosate demeure dans le corps[5], mais comme ce produit est largement utilisé, la majorité des personnes est exposée de façon régulière.
Les herbicides à base de glyphosate ont des niveaux de toxicité très variables, mais peuvent être mortels chez l’humain[6]. Il a été démontré qu’ils sont toxiques sur des cultures de cellules humaines, notamment sur des cellules du placenta et de l’embryon[7]. L’AMPA est encore plus toxique pour les humains que le glyphosate[8].
Le glyphosate peut perturber le système endocrinien, ce qui peut avoir des conséquences irréversibles à certaines phases du développement, comme la grossesse.
Dans les secteurs d’Amérique du Sud où est cultivé le soja, le nombre de malformations congénitales a augmenté. Une étude menée au Paraguay constatait que les femmes qui vivent à moins d’un kilomètre des champs sur lesquels le glyphosate est épandu, ont plus de deux fois plus de risques d’avoir des bébés malformés[9].
En Equateur et en Colombie, où des herbicides à base de glyphosate ont été utilisés pour contrôler la production de cocaïne, il y avait un taux plus élevé d’altérations génétiques et de fausses-couches durant la saison d’épandage[10][11]. Le Chaco est une région d’Argentine où l’on cultive le soja. Les taux de cancer ont été multipliés par 4 durant ces dix dernières années[12].
Le glyphosate : un danger pour l’environnement
Comme le glyphosate est conçu pour tuer les plantes, il peut avoir des conséquences néfastes sur la vie sauvage, réduire la biodiversité sur les terres agricoles et détruire les réserves de nourriture pour les oiseaux et les insectes. Des essais menés en Grande-Bretagne pour étudier l’impact sur la biodiversité des OGM tolérants à des herbicides, ont montré que les cultures traitées avec du glyphosate pouvaient avoir un impact néfaste sur les oiseaux des champs[13].
Le glyphosate affecte directement les plantes, mais il est aussi lessivé des sols vers les ruisseaux, rivières et eaux souterraines[14]. En 2011, l’AMPA – métabolite entre autres du glyphosate – était présent dans plus de 60 % des cours d’eau français testés et le glyphosate dans plus de 30 %. En 2010, l’Agence de l’Eau de Seine-Normandie reconnaissait même que « le glyphosate était présent dans l’eau potable à des concentrations supérieures à la norme ».
La contamination des eaux menace la vie aquatique et des études ont montré que les herbicides contenant du glyphosate peuvent être toxiques pour les grenouilles et les crapauds[15]. Cela est d’autant plus inquiétant qu’une espèce d’amphibien sur trois est menacée d’extinction. Il a aussi été démontré que des cellules de foie de carpe étaient endommagées lorsqu’on les exposait à des herbicides à base de glyphosate[16].
Le glyphosate modifie la chimie des sols. Dans certains sols, il se lie à des particules, ce qui le rend inerte. Dans d’autres types de sols, il reste actif et est dégradé par les microbes. Cela perturbe les processus chimiques dans l’environnement de la plante, notamment sa capacité à fixer l’azote[17], ce qui oblige à augmenter les taux d’engrais à base de nitrates.
3 français sur 10 sont contaminés par le glyphosate
Les résultats des analyses commandées par Les Amis de la Terre sont en concordance avec les tests menés dans 17 autres pays européens, qui montrent que 43,9 % de tous les échantillons contiennent des traces de ce produit chimique. Tous les volontaires qui ont donné des échantillons d’urines vivent en ville et aucun d’entre eux n’a utilisé, ni manipulé des produits à base de glyphosate dans la période précédent les tests. C’est la première fois qu’un tel test de contrôle est mené en Europe pour détecter la présence de ce désherbant dans le corps humain.
Pour Christian Berdot des Amis de la Terre France, « Après tous les scandales sanitaires récents, découvrir maintenant un herbicide dans le corps humain ne peut qu’inquiéter. Nous sommes exposés quotidiennement à ce produit, pourtant, on ne sait pas comment il pénètre dans nos corps et peu de choses sont connues sur sa dissémination dans l’environnement ou sur ces conséquences néfastes pour notre santé. Alors que c’est l’herbicide le plus utilisé en Europe, il scandaleux que les pouvoirs publics ne contrôlent que rarement s’il y a du glyphosate dans nos aliments et dans l’eau potable. Pourtant, quand on fait ces recherches, comme les Amis de la Terre, il s’avère que la contamination humaine est répandue. »
Christian Berdot conclut : « Il est particulièrement choquant que des entreprises comme Monsanto aient déposé des demandes d’autorisation pour cultiver en Europe des OGM tolérants au glyphosate, ce qui ne peut qu’augmenter encore les volumes de cet agro-toxique déversés sur les champs. Les Amis de la Terre demandent que les pouvoirs publics français et européens mettent enfin en place des mesures de contrôle pour protéger les citoyens et l’environnement. »
La sécurité du glyphosate devait être réexaminée dans l’Union européenne en 2012, mais cet examen a été repoussé à 2015.
Notes
- Benbrook CM (2012) Glyphosate tolerant crops in the EU: a forecast of impacts on herbicide use. Greenpeace International
- Williams GM, Kroes R & Munro IC (2000) Safety Evaluation and Risk Assessment of the Herbicide Roundup and Its Active Ingredient, Glyphosate, for Humans Regulatory Toxicology and Pharmacology Vol 31 pp 117–165
- Anadon A et al. (2009) Toxicokinetics of glyphosate and its metabolite aminomethyl phosphonic acid in rats. Toxicology Letters Vol.190 pp 91–95.
- Poulsen MS, Rytting E, Mose T, Knudsen LE (2009) Modeling placental transport: correlation of in vitro BeWo cell permeability and ex vivo human placental perfusion Toxicology In Vitro 23:1380–1386.
- Brewster DW, Warren J & Hopkins WE (1991) Metabolism of glyphosate in Sprague–Dawley rats: tissue distribution, identification, and quantitation of glyphosate-derived materials following a single oral dose. Fundamental & Applied Toxicology. Vol 17 pp43–51.
- Lee H-L and Guo H-R (2011) op cit 4
- Benachour N & GE Seralini (2009) Glyphosate Formulations Induce Apoptosis and Necrosis in Human Umbilical, Embryonic, and Placental Cells Chemical Research in Toxicology Vol 22 pp 97–105
- Benachour N & GE Seralini (2009) ibid
- Benítez-Leite S, Macchi ML & Acosta M (2009) Malformaciones congénitas asociadas a agrotóxicos [Congenital malformations associated with toxic agricultural chemicals]. Archivos de Pediatría del Uruguay Vol 80 pp237-247.
- 5 Paz-y-Mino C et al (2007) Evaluation of DNA damage in an Ecuadorian population exposed to glyphosate Genetics and Molecular Biology Vol 30 pp 456-460
- 16 Bolognesi C et al (2009) Biomonitoring of Genotoxic Risk in Agricultural Workers from Five Colombian Regions: Association to Occupational Exposure to Glyphosate Journal of Toxicology and Environmental Health, Part A Vol 72 pp 986-997
- López SL et al (2012) Pesticides Used in South American GMO-Based Agriculture: A Review of Their Effects on Humans and Animal Models. Advances in Molecular Toxicology Vol. 6 pp. 41-75
- Heard MS, Hawes C, Champion GT, Clark SJ, Firbank LG, Haughton AJ, Parish AM, Perry JN, Rothery P, Scott RJ, Skellern MP, Squire GR & Hill MO. 2003a. Weeds in fields with contrasting conventional and genetically modifies herbicide-tolerant crop – I. Effects on abundance and diversity. Philosophical Transactions of The Royal Society London B 358: 1819-1832.
- Vereecken, H. (2005) Mobility and leaching of the glyphosate: a review. Pesticide Management Science Vol. 61 pp 1139-1151.
- Relyea RA. 2005. The impact of insecticides and herbicides on the biodiversity and productivity of aquatic communities. Ecological Applications, 15: 618–627, and Relyea RA. 2005. The lethal impact of roundup on aquatic and terrestrial amphibians, Ecological Applications 15: 1118–1124.
- Szarek J, Siwicki A, Andrzejewska A, Terech-Majewska E & Banaszkiewicz T. 2000. Effects ofthe herbicide Roundup on the ultrastructural pattern of hepatocytes in carp (Cyprinus carpio), Marine Environmental Research 50: 263-266.
- Kremer RJ & Means NE. 2009. Glyphosate and glyphosate-resistant crop interactions with rhizosphere microorganisms. European Journal of Agronomy 31: 153-161.
Auteur
via
http://www.notre-planete.info/actualites/3764-glyphosate-danger-sante