A la recherche du tas de compost idéal
A la recherche du tas de compost idéal
Comment faire une hutte à compost
Ah, j’en ai essayé des méthodes de compostage. Une bonne dizaine au moins. Avec plus de déceptions (on ne peut pas dire “échecs” puisque ça finit toujours par composter) que de réussites. Mais je crois que je tiens le bon bout. Au bout du compte, je retiens trois méthodes idéales (pour moi, s’entend), une pour chacun des trois types de compost :
- pour le compost de cuisine : la butte en trou de serrure (keyhole)
- pour le compost des toilettes sèches : trois cellules de compostage
- pour le compost de jardin : la hutte à compost — c’est le sujet principal de cet article
Préambule sémantique
Sur les sites, dans les livres, dans les brochures, on ne lit souvent que le motcompost alors que, comme les Inuits pour la neige, il faudrait de nombreux mots pour désigner les différents types de compost tant ils sont variés. Je retiens maintenant une classification que j’aime bien, qui sépare l’acte de compostage en trois catégories :
- le compost de cuisine : des matières essentiellement riches en azote, à forte teneur en eau, et qui arrivent en petites quantités régulières, hiver comme été
- le compost des toilettes sèches : des matières riches en carbone et un peu trop sèches (on a tendance à mettre trop de sciure et copeaux pour que ça ne sente pas), qui arrivent par petites quantités toute l’année, et avec une préoccupation sanitaire qui amène à les traiter séparément des autres composts et à les laisser mûrir au moins un an
- le compost de jardin : des matières plus équilibrées, potentiellement partiellement sèches, et disponibles par gros arrivages irréguliers (désherbage, récolte, fauchage). Avec une préoccupation de non-propagation des maladies et des racines ou des des graines d’adventices qui encourage à essayer de faire chauffer le tas.
Chaque catégorie a donc ses exigences et ses objectifs propres, et c’est depuis que je ne les mélange plus dans ma tête que je commence à avoir un peu plus de succès avec mes entreprises de compostage. Parlons maintenant spécifiquement du compost de jardin.
Bref historique des essais (et des erreurs)
J’avais préparé des cellules de compostagedès le début en pensant y composter surtout les déchets de jardin et de cuisine. Ce sont trois compartiments de faits avec des dosses de scierie et couverts sommairement avec des tôles ondulées. Ils sont situés dans un coin de haie, en bas du jardin. C’est finalement beaucoup trop loin pour y mettre le compost de cuisine. En revanche, la végétation environnante est idéale pour éviter que d’éventuels écoulements constituent un risque sanitaire, c’est pourquoi nous les utilisons maintenant pour le compost des toilettes sèches. La toiture en tôle évite que la pluie y aille, ce qui fait que le tas est plutôt trop sec : on l’arrose à chaque fois qu’on y mélange un nouvel arrivage. Au bout d’un an, quand un compartiment est plein, on l’humidifie une dernière fois, puis on y met une bâche et on l’oublie pendant deux ans, le temps de remplir les deux autres compartiments. Leslarves de cétoines dorées (à ne pas confondre avec des larves de hanneton) finissent de décomposer les copeaux, et on a un compost tellement beau qu’on serait très tenté de l’utiliser pour les semis de salades.
Pour les mauvaises herbes et autres déchets de jardin, je m’étais essayé à faire des cadres en bois empilables comme j’avais vu dans le Larousse du jardinage bio. Ceci pour faire des silos propres, faciles à déplacer, et que le tas soit facilement retournable. Las : outre que mes cadres sont bien trop petits (65cm x 65cm x 20 cm) pour que ça puisse composter, le bois s’est totalement déformé et les cadres étaient quasiment inutilisables au bout d’un an. Personnellement, à moins d’utiliser des essences résistantes au pourrissement comme le châtaignier ou l’acacia (robinier) et de protéger les bois, je pense que ce genre de cadres et plus généralement tous les composteurs en bois un peu léchés ne restent pas beaux et propres bien longtemps et pourrissent trop vite pour justifier le temps et les ressources pour les fabriquer.
Dans la même veine du silo mobile et facile à défaire, j’avais essayé un cylindre de grillage avec quelques perches tressées dans les mailles et plantées dans le sol pour le faire tenir debout. Finalement, ce n’était justement pas très facile à défaire : quand on tire sur les perches pour les déplanter, ça coince dans le grillage et j’ai pas mal galéré à chaque fois que je voulais refaire le tas.
J’ai aussi essayé le tas qu’on oublie, libre sans contenant. Les deux tas que j’ai faits ne sont toujours pas compostés après deux ans pour tous les deux : l’un par manque d’eau (il est bâché), l’autre par trop d’eau (il n’est pas protégé). Et les deux ont probablement aussi une mauvaise proportion carbone/azote. L’expérience que j’en retiens, c’est qu’il vaut mieux prévoir de retourner le compost de temps en temps, pour bien comprendre et maîtriser la dynamique d’un tas de compost, et corriger le tir le cas échéant. Et donc s’il faut pouvoir le retourner, il faut prévoir un contenant qui ne soit pas trop pénible à ouvrir ou défaire, voire pas de contenant du tout.
Ainsi donc, j’ai essayé le compostage à chaud en tas ‘libre’ selon la méthode que montre Geoff Lawton dans son DVD “soils”. On retourne le tas tous les 2 jours à partir du 4e jour, ce qui est sensé accélérer le processus pour obtenir un compost mûr en trois semaines. Ça n’a pas marché, mais j’ai beaucoup appris en le faisant. Un constat : le tas ‘libre’ est assez moche, on n’arrive pas à le monter bien droit donc il finit en vague terril hirsute, et il est difficile à bâcher puisqu’il faut une grande bâche qui s’envole dans les bourrasques d’autan.
Enfin, c’est en voyant une vidéo sur la méthode biointensive où le gars monte un tas bien cubique en s’aidant visuellement de quatre perches que j’ai eu l’idée de ma hutte à compost, afin de réaliser une bonne synthèse entre le tas libre mais moche qu’on retourne très souvent et le compost en silo fermé mais propre qu’on ne retourne quasi jamais. En détail dans le paragraphe suivant.
Comment faire une hutte à compost
J’ai appelé ça hutte à compost parce que ça finit par ressembler à une hutte. En vrai, c’est juste un silo pour pouvoir stocker un joli tas bien fait (et donc qui chauffe idéalement) tout en étant léger et facile à démonter pour permettre de retourner le tas assez souvent.
Ingrédients :
- 8 perches d’environ 1m50 de long
- 50 mètres de ficelle (p.ex. la bleue des bottes de paille)
- 1 mètre cube minimum de matière à composter, dans les bonnes proportions C/N
- un carré de bâche de 1m50 de large
- de l’eau
- outils : une fourche, une barre à mine
Opérations :
- Avec la barre à mine, préparer des trous pour les perches : 15cm de profondeur, disposés en cercle de 1m20 minimum de diamètre.
- Planter les perches — elles servent d’armature principale
- Entourer les perches avec de la ficelle, en montant de 15 cm à chaque tour, sur environ 50cm de haut (on peut faire un tour de temps en temps autour de chaque perche pour que la ficelle se balade moins, mais plus on en fait, plus c’est long à défaire ensuite). La ficelle sert d’armature secondaire
- remplir avec la matière à composter, en alternant les couches vertes et brunes (riches en azote, riches en carbone) et en arrosant suffisamment à chaque étage
- monter la ficelle à mesure pour bien tenir le tout.
- vers la fin, finir en dôme et non à plat, pour que l’eau s’écoule sur les côtés même quand le centre se sera un peu affaissé
- recouvrir avec le carré de bâche, tenu en place par quelques pierres, et éventuellement caché avec une couche de paille et des branchages pour faire joli.
Pour retourner le tas, il suffit de défaire la ficelle, enlever les perches, les planter en cercle à côté, et recommencer l’opération. Le démontage du silo prend presque moins de temps que le débâchage d’un tas ‘libre’. C’est pour ça que je prétends avoir trouvé le tas idéal (au moins pour moi) :
- le silo fait un tas qui n’est pas trop disgracieux,
- qui a les proportions idéales (un bon gros volume et pas trop de surface d’échange),
- qui est protégé de la pluie mais qui peut respirer
- qui se démonte et se remonte en deux temps trois mouvements
- qui ne nécessite que très peu de matériaux (perches et ficelle au lieu de bois ou de grillage)
Variantes
Au lieu d’un long morceau de ficelle, on peut utiliser juste un bout de 4m pour lier les perches entre elles en haut pour éviter qu’elles s’ouvrent, et de menus branchages appuyés en cerclage à l’intérieur des perches sur le pourtour du tas, tous les 15 cm de haut environ. C’est plus pénible pour démonter le tas, mais ça utilise moins de ficelle.
Toujours le même bout de ficelle pour tenir les perches en haut, mais l’armature interne est un cylindre de grillage appuyé à l’intérieur des perches. Comme il ne forcera pas (ce sont les perches qui prennent l’essentiel des efforts), il ne se déformera pas et on pourra l’utiliser de nombreuses fois pour justifier l’investissement.
http://www.arpentnourricier.org/la-hutte-a-compost/