Des cadavres textiles aux vêtements exquis…

 « Waste is beautiful ! ». Ou du moins, il peut le devenir si l’on prend le soin de changer de regard sur ce qu’est un déchet. C’est ainsi que l’asbl bruxelloise des ‘Cadavres Exquis, s’est donné pour but de redorer le blason des textiles usagés. Et pourquoi pas relancer l’économie ?

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Sur le papier, il s’agit d’un « centre de récupération, de revalorisation et de recyclage de vêtements ». Trois expressions dont les préfixes en re- annoncent la couleur de l’association : donner une seconde vie à nos textiles. Et pour mener le pas, une jeune créatrice de 29 ans, Nathalie Briot. Couturière autodidacte, elle tente de mettre à profit son expérience en dispensant des cours dans son petit atelier maison.

De la production de ‘cadavres exquis’

Le nom de l’association, et plus encore son logo – une tête de mort avec une clope au bec – aura fait grincer des dents certaines personnes. Trop osé, voire carrément choquant. Pourtant, l’expression cache une réflexion intéressante :

« Le ‘cadavre exquis’, explique Nathalie, c’est ce jeu surréaliste qui consiste à composer une œuvre par plusieurs personnes, sans qu’aucune d’elles puisse tenir compte des collaborations précédentes. C’est ce que nous faisons par la couture ».

Et on comprend le rapprochement, puisqu’il s’agit ici, de réutiliser des vêtements et autres textiles dont la provenance reste inconnue. Ces produits en fin de vie seront dès lors retouchés, restaurés, voire réinventés. Ou pour reprendre le jeu de mot de la couturière: « la matière et les déchets sont transformés en quelque chose d’exquis ».

C’est ainsi que des parapluies délabrés deviennent des ‘capparapluies’ imperméables; tandis que les chutes de cuir trouvent une seconde vie sous forme de petits sacs ou de bourses. « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » nous apprend la fameuse maxime. Ce qui vaut aussi bien pour les ‘rideaux de grand-mère’ stockés dans le grenier, ou les bouts de ‘wax’ (tissus africains) improvisés en doublures de vestes fantaisistes. A en croire la couturière, il s’agirait même d’un bon investissement. « Attends encore dix ans et tu verras, s’exclame-t-elle. On va s’arracher le coton des années 1970’ »

Du projet environnemental à l’économie sociale

Au-delà du projet écolo-artistique, l’association se veut aussi un centre d’autonomisation et de réinsertion sociale. Un point d’honneur est ainsi mis à la la création d’emplois, par le biais de cours de couture. Mais aussi simplement à « l’autonomie de l’individu » par la créativité et le partage des connaissances. Ce fameux DIY (do it yourself), qui se perd à travers les générations et qui hante nos mémoires :

« Lors de mes cours de couture, s’étonne la créatrice, j’ai remarqué l’importance entre la couture et les relations avec la grand-mère. Il s’agit tout de même d’une activité qui existe depuis des milliers d’années et on a quasiment tout perdu ».

Atelier des "cadavres exquis"

Atelier des “cadavres exquis”

Dans un second temps cependant, l’idée est de permettre aux artisans de vivre, en vendant leurs productions. A qui ? Tout simplement à toute cette frange de la société, qui est prête à mettre son argent dans des fripes enjolivées. « Il faut jouer les ‘Robin des Bois’ modernes » plaisante Nathalie. Non pas en volant les riches, mais bien en créant des vitrines dans les endroits propices. En liant le social et le chic, l’artistique et l’économique… Tout en déjouant certains pièges, trop souvent rencontrés dans le passé: des stands minuscules, des emplacements très chers, une concurrence déloyale etc.

Enfin, il s’agit d’éduquer l’ensemble des consommateurs. En effet, devant l’affluence des vêtements trop peu chers, certains questionnements doivent être remis sur table. Ainsi de l’origine des matières, la qualité du vêtement, ou encore la quantité de travail fourni.

« Est-il normal de payer le même prix pour un vêtement fabriqué par un artisan au Brésil, et celui qui achète des fringues dans les usines indiennes et les vend dix fois leur prix ? »

L’upcycling ou le détournement d’objets

« Il est vraiment temps de sortir le recyclage de son aspect minable » s’exclame finalement Nathalie. Comment ? En revalorisant les déchets. Une idée qui dans la langue anglaise a déjà trouvé son néologisme. C’est ainsi, que l’upcycling est devenu une source d’inspiration pour de nombreux artistes, avant de venir nourrir la toile informatique. Et notamment les réseaux sociaux, dont les membres semblent friands d’objets détournés de leur usage d’origine.

Mais le défi est bien présent, puisqu’il s’agit de réapprendre qu’un objet n’est pas forcé d’être détruit, une fois sa fonction accomplie. C’est en ce sens, que l’upcyclingnécessite une réelle ouverture d’esprit, pour laisser place à la créativité. Celle-ci même qui pour un enfant peut sembler plus naturelle, mais qu’il s’agit souvent de réapprendre et de développer.

« Tout est en mouvement, philosophe ainsi la jeune femme. Rien ne doit être figé. » Une réflexion finalement traduite par le logo de l’association, comme un clin d’œil aux fêtes mexicaines célébrant la mort comme une renaissance. Elle ajoute: « il faut laisser partir la matière, transformer le vêtement… comme s’il s’agissait d’un mouvement de danse continuel. »

Alors si on relançait, cette économie?

Ce qui est certain, c’est que lors de nos quatre heures d’échanges enthousiastes, les idées auront fusé. Nathalie me confie d’ailleurs, qu’une fois le projet de couture lancée, elle aimerait s’attaquer aux meubles. Une question reste cependant à résoudre: ce modèle peut-il contribuer à relancer l’économie ? La couturière en reste persuadée et espère un jour passer en société coopérative. Elle conclut :

« Il s’agit de montrer à la Belgique, l’importance de ces métiers socialement utiles. Et pourquoi pas, dans le futur, en faire des emplois communaux ? »

 

Source ; http://jnschubert.wordpress.com/2013/04/21/cadavres-exquis/

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