Projet de loi Fioraso : un projet ultra libéral, un projet de précarisation, un projet de destruction de la langue française
Le projet de loi sur l’enseignement supérieur, dit loi Fioraso, aggrave la démarche de marchandisation de l’enseignement supérieur déjà engagée par Valérie Pécresse avec la loi L.R.U. : le projet Fioraso est de fait totalement subordonné aux intérêts capitalistes et constitue une privatisation de moins en moins larvée des universités. Son objectif inavoué est la destruction programmée de l’outil de recherche français dans des secteurs stratégiques, au bénéfice d’un espace européen de recherche inféodé aux logiques régressives de la concurrence et de la rentabilité financière.
Dans ce cadre, afin de vendre des services d’enseignement, l’article 2 du projet de loi ESR, multipliant les exceptions, prévoit de modifier l’article L121-3 du Code de l’Éducation, faisant actuellement du français la langue de l’enseignement, des examens, concours, thèses et mémoires, pour y apposer la restriction suivante : « ou lorsque les enseignements sont dispensés dans le cadre d’un accord avec une institution étrangère ou internationale tel que prévu à l’article L. 123-7 ou dans le cadre de programmes bénéficiant d’un financement européen ».
De surcroît, et manifestement pour achever le travail, le 12 février dernier, trente-six sénateurs du groupe socialiste ont déposé une proposition de loi « relative à l’attractivité universitaire de la France » L’article 6 de celui-ci (un ajout à l’article L. 761-1 du code de l’éducation) indique que « (…) la langue de l’enseignement, des examens et concours, ainsi que des thèses et mémoires, dans les établissements d’enseignement supérieur, peut être une autre langue que le français. Pour les étudiants ne justifiant pas d’une connaissance suffisante du français, lorsqu’ils suivent une formation dispensée dans une langue étrangère, cette dérogation est soumise à l’obligation de suivre un cursus d’apprentissage de la langue et de la culture françaises ».
La commercialisation de l’enseignement supérieur passe donc par la destruction de la langue française, soi-disant inapte au monde merveilleux de la concurrence de la vente de compétences. Ce choix est parfaitement aberrant : alors même qu’il suffirait de proposer aux étudiants français et francophones, notamment africains, de dispenser des cours aux étudiants étrangers non-francophones de façon intensive avant leur entrée d’une université française, moyennant une rémunération dont beaucoup ont (malheureusement) besoin, le gouvernement, bien que prétendant la préserver, saborde en pratique toute la politique de la francophonie.
Rappelons enfin l’évidence : nos étudiants, bientôt contraints d’étudier en langue étrangère en France même (!) – on s’imagine volontiers le creusement des inégalités sociales amené à découler d’une telle fusion des compétences linguistiques et disciplinaires… – mais aussi leurs professeurs – seront les premières victimes d’une telle « attractivité » : car pour enseigner en anglais (appelons un chat un chat…), non seulement la concurrence sera ouverte à l’Inde, aux États-Unis, au Royaume-Uni… et à tous les diplômés qui dans le monde se sont vu imposer l’anglais, eux aussi, comme langue d’étude, mais on préférera finalement toujours l’original à la copie, et le locuteur « natif », gage du sérieux de l’accent, à son émule de bonne volonté. Au mieux, en fait de diversité, aurons-nous comme à HEC des intervenants de tous pays ayant pour seul point commun… d’avoir tous fait leur thèse aux États-Unis, ce qui sous couvert d’une « nécessité » de niveau de langue en anglo-américain, et derrière le paravent d’une « diversité » parfaitement illusoire, consacrera de fait une mainmise dogmatique sur nos institutions.
Plus que jamais la résistance linguistique et culturelle au « tout-anglais » promu par le MEDEF et par l’Union européenne est une composante incontournable de la résistance au contre-modèle anglo-saxon de privatisation générale des activités humaines, en particulier de la culture, de la santé et de l’éducation.
Association progressiste et internationaliste solidaire des combats du mouvement ouvrier, démocratique et populaire, le COURRIEL appelle en conséquence tous les républicains :
– à voter contre ce texte qui est un véritable assassinat linguistique,
– à réaffirmer le principe de l’enseignement en français à tous les niveaux de l’enseignement, en particulier supérieur, dans la tenue des cours comme dans la rédaction des travaux universitaires et des publications scientifiques.
Le combat pour la langue française est une face essentielle de l’émancipation politique et sociale : le COURRIEL apporte à cette occasion son soutien à tous les mouvements syndicaux engagés dans la lutte contre ce projet inique qui non seulement ne rompt pas avec la politique universitaire de Sarkozy, mais la valide, la prolonge et l’aggrave en détruisant tous les services publics à commencer par le premier d’entre eux : la langue française, « langue de la République » au titre de la Constitution.
Source : boulevard voltaire