PLANTES MUTÉES : CES OGM QUI NE DISENT PAS LEUR NOM

Plantes mutées : Ces OGM qui ne disent pas leur nom

Les plantes mutées, d’un point de vue scientifique, sont bel et bien des organismes génétiquement modifiés. Pourtant les technologies utilisées pour manipuler leurs gènes ne sont pas soumises à la réglementation sur les OGM. Résultat : les plantes mutées échappent aux études, à l’étiquetage, et se retrouvent dans nos assiettes sans que nous puissions les repérer.

Depuis l’apparition des OGM (organismes génétiquement modifiés) dans l’agriculture, la situation était relativement simple. Il y avait d’un côté les plantes conventionnelles et de l’autre les plantes génétiquement modifiées. Depuis peu, on découvre qu’à l’intérieur de ces OGM, il existe un groupe de variétés végétales qui avancent masquées : les plantes mutées. En quelques années elles se sont retrouvées dans notre assiette sans que personne ne s’en rende compte. La raison à cela : elles échappent à la réglementation des OGM alors qu’elles font bien partie de ces organismes génétiquement modifiés.

Les plantes transgéniques

Pour bien comprendre il faut revenir à la définition des OGM. Un OGM est un organisme vivant dont on a modifié de façon non naturelle ses caractéristiques génétiques. C’est-à-dire que ses concepteurs ont ajouté, supprimé ou modifié un ou plusieurs gènes de son ADN. Les plantes génétiquement modifiées dont on parle couramment – comme le fameux Maïs MON 810 de Monsanto – sont des organismes qui ont reçu un gène extérieur, un transgène, d’où leur nom de plantes transgéniques. Ce sont les OGM «classiques» que l’on connaît.

Aujourd’hui dans les champs on trouve majoritairement deux sortes de ces plantes transgéniques. D’abord les plantes «insecticides» comme le coton Bt ou le soja Bt. Leur ADN a reçu un gène extérieur qui va leur faire produire en permanence une substance insecticide.

Et puis il y a les plantes résistantes à un herbicide. Dans ce cas, le gène introduit dans l’organisme le rend résistant à un produit chimique qui élimine les «mauvaises» herbes. Dans cette famille d’OGM on trouve, par exemple, le Soja «Round Up Ready» de Monsanto qui résiste au Round Up, un puissant désherbant. L’agriculteur peut ainsi asperger ses champs avec des tonnes de cet herbicide sans abîmer ses plantations et pour le plus grand bonheur des sociétés qui le commercialisent.

Les plantes mutées par des techniques hasardeuses

Passons maintenant aux plantes mutées. Pour les obtenir, plus question d’introduire un gène extérieur, l’idée est de modifier un ou plusieurs gènes de la plante, provoquant ainsi une mutation artificielle. On parle alors de mutagenèse. Une des techniques consiste à bombarder aléatoirement l’ADN de la plante. Pour cela, soit on soumet des graines du végétal en question à des rayonnements (gama, UV, X etc.) soit on les met en contact avec des produits chimiques mutagènes très dangereux (hydroxylamine, acide nitreux etc.).

Dans les deux méthodes, ces bombardements aléatoires vont casser, modifier, un certain nombre de gènes de la plante (impossible à prévoir). On utilise ces produits à forte dose, faisant mourir la moitié des plantes. Les graines survivantes sont plantées et les chercheurs observent alors si les mutations provoquent «l’amélioration» souhaitée, par exemple la résistance à un parasite de la plante. Tant que l’objectif n’est pas atteint on recommence le bombardement. Au bout d’un moment le végétal finit par présenter le changement visé, la plante mutée est alors reproduite pour la cultiver.

On voit bien que cette méthode – même si elle est plus complexe que présentée ici – est loin d’être une frappe chirurgicale puisqu’elle affecte plusieurs gènes dont on ne mesure pas complètement les mutations. Au final, il est probable qu’un ou plusieurs autres gènes, responsables d’une fonction importante, puissent avoir été endommagés sans que les conséquences soient visibles immédiatement. Et même si les biologistes procèdent à un «nettoyage» de l’ADN de la plante en la croisant avec des congénères sains, le risque d’avoir une mutation incontrôlée subsiste.

Des risquespour la santé et pour l’environnement

Les plantes mutées présentent donc des dangers de recombinaisons génétiques accrus pouvant avoir un impact sur la santé et sur l’environnement, mais elles ont, en plus, les mêmes risques que les OGM «classiques», dont voici un rappel.

Pour la santé, il y a tout d’abord le risque toxique lié à l’ingestion des pesticides par le consommateur. Car sur un OGM résistant à un herbicide, l’agriculteur augmente les doses de désherbant pour mieux «nettoyer» son champ. Logiquement la concentration de ce produit toxique augmente dans la plante, et donc dans l’assiette du consommateur. Il y a ensuite le risque d’ingérer les protéines insecticides produites directement par certaines plantes OGM. Ces protéines vont, non seulement, rester dans l’organisme du consommateur, mais, en plus, s’y concentrer. Citons, parmi les autres risques, l’apparition possible de nouveaux virus pathogènes par recombinaisons virales, ou encore les effets allergisants des OGM.

Pour l’environnement, tout d’abord les champs d’OGM entraînent une accentuation de la pollution aux pesticides pour les raisons évoquées plus haut. Autre aspect négatif, ces cultures génétiquement modifiées provoquent une réduction de la biodiversité en raison de l’agressivité de leurs caractères compétitifs vis-à-vis de la flore et de la faune. De même, on constate déjà chez certains prédateurs l’apparition de résistances aux toxines secrétées par les OGM qui deviennent alors inefficaces. D’autre part, aucune étude n’a été faite pour mesurer leur effet sur la faune auxiliaire comme les abeilles.

Mais l’inquiétude majeure concerne le risque de contamination des plantes voisines de même variété ou de variétés sauvages. Les OGM vont se disperser notamment par pollinisation. Si les conditions météo s’y prêtent – un vent faible et stable – les OGM peuvent toucher des cultures situées jusqu’à 40 km à la ronde. Cette pollution condamne à terme les cultures bio, remettant en question leur certification Agriculture Biologique. Mais ce n’est pas tout. Comme la plupart de ces espèces OGM font l’objet d’un dépôt de brevet, tout agriculteur dont les semences ont été contaminées, va se voir refuser le droit de replanter l’année suivante une partie de sa récolte, être accusé de contrefaçon s’il enfreint cette interdiction ou devoir payer des royalties !

Pas d’études sur les plantes mutées

Tous ces dangers, qu’ils soient sanitaires ou environnementaux ne préoccupent guère les producteurs d’OGM, ni d’ailleurs les autorités publiques, puisque ces risques, soit n’ont jamais été évalués, soit sont très sommairement étudiés et s’ils le sont, c’est avec un recul dans le temps très largement insuffisant. Concernant les plantes mutées, la situation est encore plus simple : il n’y a aucune réglementation particulière ! Car si elles font techniquement partie des organismes génétiquement modifiés, juridiquement, ces végétaux sont considérés comme des plantes conventionnelles. Donc aucune évaluation, aucun test, ni étude particulière, la seule obligation du producteur pour commercialiser sa nouvelle variété est de l’inscrire au catalogue officiel des variétés. Cela signifie également pour le consommateur pas de traçabilité ni d’étiquetage particulier. D’où le surnom d’OGM caché !

Quid de notre assiette ?

Dans ces conditions, il est bien difficile de savoir, dans notre alimentation, où se glissent ces OGM qui ne disent pas leur nom. D’après une base de données des variétés mutantes, créée conjointement par la FAO (Food and Agriculture Organization) et l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique) (2), plus de 3 000 variétés sont commercialisables pour plus de 170 espèces (70 maïs, 155 sojas, 42 cotons, 5 aubergines, 6 pommes de terre, 242 blés, 3 tournesols) (3). On s’étonne au passage que l’AIEA soit impliquée dans des questions agronomiques qui a priori n’ont rien à voir avec l’énergie atomique ! Conclusion, nous mangeons tous des blés mutés ou des potagères mutées. Aujourd’hui 100% des betteraves à sucre, 100% du colza et 95 % des choux sont des plantes mutées, pour ne citer que ceux-là (4). Pire encore, les micro-organismes utilisés dans l’alimentation comme des levures pour le pain et la bière ou des champignons utilisés pour les yaourts ou encore des micro-organismes activant la fermentation dans la vinification, sont déjà des organismes mutés aux Etats-Unis et sont à l’étude pour le devenir en France.

La puissance de l’agro-industrie

C’est donc bien une décision politique qui permet l’existence incontrôlée et invisible de ces organismes. Car il existe au départ une volonté d’échapper à la définition juridique d’un OGM et à la réglementation qui s’y applique. Il se trouve bien quelques parlementaires à l’Assemblée Nationale ou au Parlement Européen pour essayer de faire passer des amendements en vue de changer cet état de fait mais la bataille est totalement déséquilibrée. Ces sujets sont complexes, les députés sont rarement issus d’un cursus scientifique, et sont la proie des lobbies surpuissants qui diffusent des informations rassurantes, incomplètes et favorables à leur business. Qu’il s’agisse d’OGM ou de plantes mutées, nous sommes face à des clones pesticides brevetés (5), dont le but est de rendre payant ce que la nature offre généreusement, sans se soucier de polluer la nature, les animaux et les humains.

Pour le consommateur, reste à préférer l’alimentation bio en toute circonstance, même s’il est impossible d’avoir la certitude qu’elle est complètement exempte de ces espèces clonées.

Quant à l’espoir d’un changement, outre les groupes citoyens de pression sur les élus, il faut se tourner vers les collectifs et les associations comme Longo Maï, Biaugerme ou Kokopelli. Elles assurent une conservation vivante des espèces rares, anciennes ou locales. Les graines ne sont pas figées dans un bunker glacé mais régulièrement renouvelées et échangées mettant à contribution les jardiniers, les paysans et les petits producteurs, enrichissant sans cesse les variétés disponibles et reproductibles à loisir. Elles s’efforcent simplement de nous rendre ce dont disposaient gratuitement nos grands-parents, avant l’arrivée de l’agro-industrie !

(1) Le chercheur Christian Vélot, maître de conférences en génétique moléculaire à l’Université Paris-Sud 11, présente ces techniques ainsi que le mode de production du tournesol muté ExpressSun de Pionner dans ses conférences.

(2) http://mvgs.iaea.org/aboutMutantVarieties.aspx

(3) Extrait de la Fiche technique N°104 d’Inf’OGM, mai 2010, www.infogm.org

(4) Guy Kastler délégué général du Réseau Semences Paysannes, lors de la table ronde sur les Plantes Mutées à l’assemblée nationale le 2 février 2012

(5) Expression utilisée par Jean Pierre Berlan, agronome et économiste, ancien directeur de recherche en sciences économiques à l’INRA.

 Source: sott.net