« En France, les animaux ne mangent pas d’OGM » : ouh le gros mensonge
Au Salon de l’agriculture, par terre, cette note sur ce qui y nourrit les bêtes. Ça dit : « OGM. » Le patron de l’interprofession bétail et viande feint d’ignorer.
Au Salon de l’agriculture, tout est bon pour nous faire oublier qu’il y a seulement deux semaines, le mangeur de lasagnes préparées découvrait qu’on lui avait fait passer du cheval pour du bœuf.
Le « horsegate » est derrière nous, veut croire la filière viande, rassurée par les annonces de François Hollande en ouverture du Salon : le Président souhaite un « étiquetage obligatoire » sur les viandes des plats cuisinés. Mais comme il faut l’autorisation de Bruxelles, et que cela prendra un an et demi, on en restera pour le moment à un étiquetage volontaire.
« On va sortir par le haut de cette crise, on va prendre les devants et dire qu’on n’a rien à cacher », se félicite Dominique Langlois, le patron d’Interbev, l’interprofession du bétail et de la viande. Malheureusement pour lui, avec mon complice Xavier Denamur, le restaurateur en lutte contre la malbouffe, nous avons fouiné dans les allées du Salon et découvert, négligemment laissé par terre, le détail de ce qui nourrit le bétail, en plus de la belle herbe fraîche de nos prairies.
Nous lui avons posé la question qui tue, sans imaginer qu’il oserait une telle mauvaise foi.
Ce digne successeur de Jacques Borrel feint d’ignorer que la France importe plusieurs millions de tonnes de tourteau de soja, pour fournir à notre bétail sa ration de protéines.
« Du non OGM, on en produit de moins en moins »
Poursuivant notre chemin dans les halls de la porte de Versailles, nous sommes allés voir son homologue pour la filière cochon, Jean-Michel Serres. Bizarrement, hors caméra, le président de la Fédération nationale porcine n’est pas si langue de bois :
« L’essentiel du tourteau de soja est OGM, sa croissance est presque exponentielle. Du non OGM, on en produit de moins en moins. »
Une fois qu’il s’est félicité que la France, « grâce au colza, importe moins de protéines qu’ailleurs, 40% au lieu de 70% en moyenne en Europe », il nous livre cette anecdote révélatrice :
« J’ai discuté avec Carrefour qui était intéressé pour avoir de la viande non OGM, et me proposait 2 centimes supplémentaires par kilo si je nourrissais mes porcs avec du soja non OGM. Mais ça me coûtait 3 ou 4 centimes en réalité, donc j’ai refusé. Je ne vais quand même pas payer de ma poche pour la grande distribution. »
En attendant, le consommateur français ingurgite de la viande nourrie aux OGM sans avoir le droit d’être au courant.
Sophie Caillat | Journaliste