Italie: l’impasse politique plonge l’Europe dans l’angoisse

L’Italie s’est réveillée dans une impasse politique mardi en l’absence d’une majorité au Sénat, une situation qui a plongé l’Europe dans l’angoisse quant à un retour de la crise dans la zone euro.

Le succès, aux législatives du week-end, du Mouvement Cinq Etoiles de l’ex-comique Beppe Grillo, a tant bouleversé les équilibres que la gauche l’emporte de justesse à la Chambre des députés (29,54% contre 29,18% à la coalition de droite de Silvio Berlusconi) mais n’a pas la majorité au Sénat.

Les journaux faisaient leurs gros titres sur le « boom de Grillo » qui s’est adjugé un quart des suffrages dans les deux chambres. Pour le Corriere della Sera, c’est « la victoire d’une Italie eurosceptique face à la politique de rigueur » menée pendant 15 mois par le gouvernement technique de Mario Monti pour restaurer la crédibilité internationale de l’Italie.

Même son de cloche de la part d’Arnaud Montebourg, ministre français du Redressement productif, pour qui, les Italiens ont rejeté « la politique imposée par les marchés » financiers et les plans d’austérité qui se sont succédé depuis la mi-2011.

« Le pays qui a le plus besoin de stabilité en Europe va avoir un gouvernement qui risque de ne pas durer plus que quelques mois », s’est inquiété James Walston, professeur de relations internationales à l’Université américaine de Rome.

L’ »ingouvernabilité » de la troisième économie de la zone euro (derrière Allemagne et France) a fait chuter les marchés financiers. Milan a perdu 5% en début de séance, imitée par Paris (presque -3%) et Francfort (-2%).

Les taux obligataires italiens se rapprochaient dangereusement des 5% (à 4,7%) entraînant l’Espagne dans leur sillage et ravivant le spectre de la crise de la zone euro quand les taux italiens frisaient les 7%. L’Italie en forte récession (-2,2% pour le PIB en 2012) est appesantie par une dette colossale dépassant les 2.000 milliards d’euros.

Le ministre espagnol de l’Economie, Luis de Guindos, a reconnu l’effet de contagion tout en se disant « convaincu » que la volonté politique de sortir l’Europe de la crise « allait prévaloir ».

Le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle a souhaité pour sa part que l’Italie se dote « vite » d’un gouvernement « stable », afin de poursuivre la politique de réformes « dans l’intérêt de toute l’Europe ».

Mario Monti, très apprécié de ses partenaires européens, fait figure de grand perdant du scrutin : il n’a recueilli qu’environ 10% des suffrages au parlement.

Il s’est toutefois dit « satisfait » du résultat de sa formation centriste (« Choix civique ») « née il y a seulement deux mois » appelant à « garantir un gouvernement au pays ».

Ses conseillers ont confié miser sur l’hypothèse d’une « grande coalition » qui irait du PD, la formation de gauche de Pierluigi Bersani, jusqu’au PDL de SIlvio Berlusconi avec comme « pivot » le centre de M. Monti. Une hypothèse évoquée aussi par certains éditorialistes.

Mais le Cavaliere qui, à 76 ans, menait sa sixième campagne en 18 ans et a opéré une remontée spectaculaire par rapport à la position catastrophique du PDL dans les sondages en novembre, semblait plus circonspect.

« Il faudra sans doute faire quelque sacrifice. Un accord avec le PD ? Nous devons prendre le temps de la réflexion », a-t-il dit sur une radio en excluant en revanche un accord avec M. Monti.

Les positions des deux hommes semblent en effet peu conciliables puisque le magnat des médias a mené une campagne aux accents populistes, en dénonçant « une Allemagne hégémonique » en Europe dont les diktats d’austérité à l’ex-commissaire européen auraient coulé l’économie du pays.

Les informations en provenance du Parti Démocrate semblaient indiquer que la gauche pourrait au moins tenter de former un gouvernement.

Son chef Pier Luigi Bersani, un ancien communiste connu pour avoir mené sous le gouvernement Prodi une ambitieuse politique de libéralisations, est considéré comme un pragmatique.

Avant le scrutin, il s’était engagé à maintenir la discipline budgétaire tout en insufflant un peu plus d’ »équité sociale » dans l’économie.

Il pourrait faire une ouverture en direction de l’électorat de Beppe Grillo, formé de nombreux « précaires » du marché du travail, de retraités déçus de la droite comme de la gauche, mais aussi de petits entrepreneurs écrasés par la fiscalité.

Pour le directeur du journal La Stampa Mauro Calabresi, « il faudra trouver des convergences entre les partis traditionnels et les nouveaux parlementaires Cinq Etoiles (mouvement de Grillo, ndlr). Ils doivent être traités comme une ressource, pas comme des ennemis ».

Si aucune alliance n’était trouvée, le président Giorgio Napolitano pourrait en dernier ressort former un nouveau gouvernement technique, le temps de réformer le système électoral unanimement critiqué comme « inique » et grand facteur de l’ingouvernabilité actuelle.

Source : http://lesmoutonsenrages.fr/2013/02/27/italie-limpasse-politique-plonge-leurope-dans-langoisse/

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