M. Obama brandit la menace de coupes budgétaires.
Ralph Christie a l’oeil rivé sur l’échéance du 1er mars. PDG de la compagnie d’ingénierie Merrick, qui construit des sites nucléaires et des laboratoires de recherche, il a fait préparer des scénarios de crise, dans l’hypothèse – de plus en plus probable – où le budget fédéral serait arbitrairement amputé de 85 milliards de dollars (64,3 milliards d’euros), lorsqu’entrera en vigueur le sequester ou coupes automatiques prévues dans le cadre du conflit qui oppose depuis près de deux ans le président, Barack Obama, et les républicains du Congrès.
La compagnie Merrick, qui emploie 500 personnes et enregistre un chiffre d’affaires de 110 millions de dollars, dépend à 50 % des commandes publiques. Ralph Christie estime que l’entreprise pourrait perdre jusqu’à un cinquième de ses contrats. Il a déjà licencié trente personnes. « Je pense que ça va mal se terminer », explique-t-il.
Le Monde.fr a le plaisir de vous offrir la lecture de cet article habituellement réservé aux abonnés du Monde.fr. Profitez de tous les articles réservés du Monde.fr en vousabonnant à partir de 1€ / mois | Découvrez l’édition abonnés
A cinq jours de la tombée du couperet, la Maison Blanche a publié, dimanche 24 février, un résumé – Etat par Etat – des conséquences qui attendent les Américains si le Congrès n’adopte pas un plan d’ensemble de réduction du déficit. Pour le Colorado, par exemple, où la compagnie Merrick a son siège, 12 000 employés civils du département de la défense subiront des périodes de chômage technique, 14 810 chômeurs seront privés d’aide à la recherche d’emploi et 2 240 enfants ne pourront pas être vaccinés contre la rougeole ou les oreillons. Les repas ne pourront plus être servis aux personnes âgées ni à 300 écoliers de milieux défavorisés…
Le sequester est le troisième volet de la guerre entre démocrates et républicains sur la réduction du déficit. Le mécanisme a été conçu en août 2011, lorsque le Congrès – à majorité républicaine – et le président se sont mis d’accord pourrepousser les décisions difficiles (quelles dépenses couper ? Commentaugmenter les recettes ?) au 1er janvier 2013, soit après les élections. In extremis, fin décembre, les républicains ont accepté une augmentation des impôts pour les très hauts revenus (plus de 400 000 dollars, 302 500 euros par an). Ils ont aussi accepté le relèvement du plafond de la dette publique, offrant à Barack Obamaune victoire sans équivoque.
LA MAISON BLANCHE FAIT MONTER LA PRESSION
Mais ils tiennent bon sur les coupes budgétaires et, après un report de deux mois censé favoriser un compromis, la question est de retour. Rompus à la dramatisation des échéances, les Américains regardaient jusqu’ici le nouvel épisode de l’affrontement avec un certain flegme. Mais la Maison Blanche a entrepris de faire monter la pression. Chacun à leur tour, les ministres de M. Obama ont détaillé le cauchemar qui attend les Américains si les républicains continuent de refuser l’augmentation des impôts pour les plus riches : quatre heures d’attente à l’arrivée dans les aéroports de New York et de Los Angeles ; intoxications alimentaires potentielles du fait de la suppression de 2 100 inspections sanitaires ; contrôleurs aériens en vacances forcées ; malades mentaux renvoyés dans les rues…
Le président lui-même a dramatisé : « Des milliers de professeurs et d’éducateurs vont être licenciés, des dizaines de milliers de parents vont devoir se débrouiller pour trouver des crèches pour leurs enfants », a-t-il dit. D’ores et déjà, a-t-il insisté, le déploiement d’un porte-avions dans le Golfe a été reporté. « Est-ce que les républicains veulent vraiment réduire les soins de santé des militaires et la policedes frontières juste parcequ’ils refusent d’éliminer les avantages fiscaux des grandes compagnies pétrolières ? »
Les coupes prévues s’élèvent à 85,4 milliards en sept mois (jusqu’au début de l’année fiscale le 1er octobre). La moitié s’applique au budget de la défense, l’autre aux programmes sociaux. Aucun programme n’est supprimé, mais tous les budgets sont réduits automatiquement : de 13 % pour la défense (ce qui n’empêchera pas le budget du Pentagone de rester le premier du monde, loin devant les autres) et 9 % pour le reste. Selon la liste rendue publique par la Maison Blanche, 700 000 enfants de 3 à 5 ans vont être privés d’aide à la scolarisation ; le FBI va perdre 480 millions de dollars, la bibliothèque du Congrès, 31 millions, le Musée de l’Holocauste à Washington, 2,6 millions. La plupart des 398 parcs nationaux devront réduire leurs heures d’ouverture…
PLAN « ÉQUILIBRÉ » QUI ÉVITE LES COUPES AUTOMATIQUES
Le président accuse les républicains d’être prêts à faire porter le poids des coupes sur les enfants, les militaires et les personnes âgées plutôt que de s’attaquer aux privilèges des propriétaires de jets privés, et autres grandes fortunes. Il estimeavoir présenté un plan « équilibré » qui évite les coupes automatiques, tout en réduisant le déficit de plus de 4 000 milliards sur douze ans. La proposition comporte deux fois plus de réductions de dépenses, insiste la Maison Blanche, que d’augmentation des ressources.
Les républicains ne veulent plus entendre parler d’impôts supplémentaires. Aprèsavoir beaucoup protesté contre les réductions prévues dans le budget de la défense et clamé que Barack Obama mettait en danger la sécurité nationale, ils se sont ravisés et disent maintenant que les coupes sont une potion amère, mais salutaire. « Ne pas éliminer 2,5 % du budget total, alors que les dépenses du gouvernement ont doublé en onze ans serait désastreux », a justifié Tom Coburn, le sénateur républicain de l’Oklahoma.
Certains économistes relativisent les conséquences de la suppression de 85 milliards de dollars dans un budget qui représente 3 550 milliards en 2013. Chacun des deux camps essaie de faire porter le chapeau à l’autre. Mais si on en croit un sondage du quotidien USA Today, Barack Obama a le dessus : 31 % seulement des Américains lui font porter la responsabilité de l’impasse, alors que 49 % des sondés l’imputent aux républicains du Congrès.