Minerai de viande : « Avant, on n’osait pas en faire de la bouffe pour chat »
La « viande » de nos plats préparés porte le nom de minerai, « des bouts de machin, de gras notamment, catégoriquement de la merde. Il y a 40 ans, cette matière allait à l’équarrissage pour être brûlée », nous dit un expert.
Ma mère n’a jamais cuisiné. J’ai passé mon enfance à manger des petites quiches vertes toutes molles et des lasagnes à la bolognaise surgelées.
Le scandale de la viande de cheval 100% pur bœuf a éclaté la semaine dernière, et aucune surprise pour moi : je me doutais bien que ce qu’il y avait dans ma moussaka micro-ondée n’était pas de la vraie viande, saillante et fraîche.
Ces petits bouts de trucs marrons étaient denses sous la dent et je crois que cela me suffisait. La sauce rouge (je n’ose plus affirmer que c’était de la tomate) faisait passer le tout. Cela ne m’a jamais empêché de dormir.
Je ne pensais pas qu’on me mettrait un jour face à la triste et dégoûtante réalité : j’ai mangé des centaines de kilos de « minerai de viande » donc de déchets.
C’est un article publié sur Rue89 par Colette Roos qui m’a appris l’existence de ce mot. Certains de mes proches l’avaient découvert en écoutant France Inter ce week-end et ils sont restés bloqués sur des images de terrils, de sidérurgie.
En cliquant sur le mot « minerai » – une page Wikipédia a aussi été créée le mardi 12 février – je suis tombée sur cette définition :
« Un mélange de déchets à base de muscles, d’os et de collagène. »
C’est le mot « collagène » qui m’ennuie le plus.
« Celui qui a haché le minerai a arnaqué »
Colette renvoie aussi vers le blog de Fabrice Nicolino, sur lequel est posté un document officiel [PDF] : la spécification technique n°B1-12-03 du 28 janvier 2003 applicable aux viandes hachées et aux préparations de viandes hachées.
A sa lecture, cela se confirme. On peut donc mettre du « minerai » dans la viande hachée, « qui provient des muscles striés et des affranchis » (y compris les tissus graisseux).
Donc : après avoir découpé les morceaux « nobles » (entrecôte, faux-filet…) du bœuf, l’abattoir récupère les chutes non commercialisables, un bloc de 5 ou 10 kg vendu aux industriels pour la fabrication des plats préparés : boulettes de viande, raviolis, lasagnes, hachis parmentier.
Cela représente 10% à 15% de la masse de l’animal.
« De l’âne et du mulet, personne ne s’en rendra compte »
L’affaire des lasagnes Findus devient plus compréhensible.
Il est impossible de confondre un steak de viande bovine et un steak de cheval, c’est facile de faire la différence même pour moi et les types de Comigel – fournisseur de Findus et de Picard – ne s’y seraient pas laissé prendre. Même en petits morceaux, les deux matières ne se ressemblent pas : la viande bovine est plus rouge, plus grasse, elle n’a pas la même tenue.
Mais, à l’inverse, on peut prendre du minerai de porc ou de cheval (haché) pour un minerai de bœuf, très facilement. Constantin Sollogoub, ancien inspecteur des abattoirs à la retraite, m’explique :
« Quand le minerai est haché il devient un magma prêt à entrer dans les plats préparés. On ne peut plus savoir ce que c’est qu’avec des tests poussés. La mixture peut également contenir de l’âne et du mulet, personne ne s’en rendra compte. Celui qui a haché le minerai et qui a réalisé le mélange entre le bœuf et le cheval est celui qui a arnaqué. Les autres se sont fait avoir. »
Il note qu’il est aussi possible de retrouver des parcelles de viande de porc dans des produits halal : c’est déjà arrivé et c’est bien plus grave.
« Même pas bon pour les chats »
Constantin Sollogoub est un ancien vétérinaire libéral, sympa, enrôlé par l’Etat pour faire des inspections dans sa région (Nevers). Il nous dit qu’il connaît bien la Roumanie, pour y être allé dans le cadre de son association « Coopération et Échanges vétérinaires » . Selon lui, « au passage », on y trouve surtout des vaches à lait et la viande qui en est issue est de mauvaise qualité.
Constantin Sollogoub se doutait qu’un scandale allait éclater un jour. A propos du minerai, il dit en se marrant :
« Ce sont des bouts de machin, de gras notamment. En fait, c’est catégoriquement de la merde. Il y a 40 ans, cette matière allait à l’équarrissage pour être brûlée. Les industriels n’osaient même pas en faire de la bouffe pour chat.
Là-dessus, nos grandes maisons auréolées de luxe et de qualité, comme Picard, ont décidé que c’était du gâchis… Avec les progrès de la chimie additionnelle, c’est devenu possible d’en faire quelque chose. C’est presque bon à manger, ça a bonne allure. Ces morceaux sont donc ramassés, mis en bloc et congelés et ils se baladent à droite et à gauche. »
Une solution : redevenir parano
Constantin Sollogoub pense que la solution est de redevenir parano et de ne consommer que le steak haché que l’on voit passer dans la machine du boucher. Celui qui est dans les rayons d’hypermarchés est moins sûr. Une dizaines d’acteurs ont probablement spéculé sur la matière, la qualité en a forcément pris un coup.
De son côté, Colette Roos conseille de se remettre à cuisiner avec des bons produits. Les lasagnes bolognaises, c’est 45 minutes de préparation. Et il faut avoir des feuilles de laurier sous la main.
Source : rue89