Un cambriolage toutes les 90 secondes

Pierrot : Et…. c’est que ce qu’on veut bien nous dire…, j’imagine déjà le jour ou les distributeurs de billets vont s’arrêter…

Soixante-dix fermes et maisons dévalisées en un temps record dans les Deux-Sèvres, le Maine-et-Loire, la Charente et la Dordogne par une équipe de six malfaiteurs – dont deux femmes – qui jouaient les campeurs le jour et portaient la cagoule la nuit. Une cinquantaine de demeures pillées en Franche-Comté mais aussi en Bourgogne et en Champagne-Ardenne par un gang d’une vingtaine de forçats de l’effraction venus du Jura…

Ces affaires récentes ne sont que la énième illustration d’un fléau qui atteint désormais des dimensions extravagantes. Selon un dernier état des lieux de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), la France a été le théâtre de pas moins de 352.600 cambriolages en tous genres en 2012. Soit un fait toutes les 90 secondes! Le phénomène visant les habitations principales, qui ne cesse d’enfler, a été marqué par une augmentation de 8,5 % l’année dernière, sachant que 2011 avait déjà été calamiteuse avec une explosion de 17 % des délits enregistrés. Ce chiffre est d’autant plus préoccupant qu’il ne reflète qu’une partie de la réalité: à peine six ménages victimes sur dix disent porter plainte quand ils constatent une effraction ou une tentative.

Un savoir-faire déconcertant

Ce qui était l’apanage des «monte-en-l’air» et des vieux briscards de la cambriole du siècle dernier a cédé le pas à des gangs très spécialisés qui pillent domiciles, mais aussi commerces et locaux industriels, avec une extraordinaire frénésie. Stakhanovistes du pied-de-biche, ils font preuve d’une boulimie et d’un savoir-faire qui déconcertent les experts. «L’envolée du cours de l’or aiguise l’appétit pour les bijoux et la profusion des biens facilement transportables favorise leur transport et le recel au marché noir, observe le criminologue Christophe Soullez, chef de l’ONDRP. La montée en puissance des gangs de casseurs témoigne d’un transfert de délinquance vers une activité criminelle moins exposée pénalement et tout aussi lucrative que les trafics de drogue ou les braquages.» «À chaque reprise, le cambriolage a un fort impact sur le sentiment général d’insécurité car tout le monde connaît une victime dans son proche entourage, rappelle un officier spécialisé. Sur le plan personnel, ce délit est vécu de façon très traumatique, comme un viol de l’intimité quand disparaît l’alliance en or ou encore l’ordinateur qui recelait les photos de famille…»

 

 

Délinquants itinérants issus des gens du voyage ou «petites mains» pilotées à distance par des mafias des pays de l’Est, ces bandes de cambrioleurs ignorant les frontières n’hésitent plus à couvrir des centaines de kilomètres lors de raids nocturnes pour repérer puis investir des demeures isolées. En quelques années, les «voleurs dans la loi» géorgiens sont devenus les «aristocrates» de la discipline. Organisés de façon quasi militaire et placés sous la férule de lieutenants, ces «Rappetout» venus du froid écument avec méthode les territoires les plus «giboyeux» du pays, notamment dans le Grand Ouest, les régions Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur ou encore Languedoc-Roussillon. Selon une estimation récente, la valeur marchande de leur colossal butin frise les 200.000 euros par semaine.

 

 

Continuant à se propager dans les grandes villes, le fléau gangrène à une vitesse étourdissante les campagnes et les petites agglomérations: entre 2007 et 2012, le nombre de villas et résidences «visitées» en zone gendarmerie a bondi de 65 %. Soit 35 361 faits constatés de plus en cinq ans. En plein cœur du département de la Marne, où les cambriolages ont flambé de 47 % en un an, des clans albanais retranchés près de Tirana ont dépêché des «soldats» pour piller des maisons de campagne situées dans des villages jusque-là préservés tels que Livry-Louvercy, aux Petites-Loges ou encore à Gueux.

Prélèvements d’indices

L’acharnement des malfaiteurs ne semble plus guère avoir de limite. Début janvier encore, un quadragénaire de nationalité roumaine est mort à Stains (Seine-Saint-Denis) en tombant du toit d’une maison paroissiale dans laquelle des policiers avaient pénétré après avoir été prévenus qu’un cambriolage était en cours. À la vue des uniformes, le voleur a chuté de plusieurs mètres. Récidiviste endurci, il aurait préféré sauter plutôt que de se faire prendre.

Commerçants et particuliers, eux, se barricadent au mieux. Quelque 3 % des ménages sondés en 2010 par l’Insee et l’ONDRP ont déploré un cambriolage, tenté ou réussi, au cours des deux dernières années. Après avoir déposé plainte, 75 % d’entre eux ont assuré n’avoir plus jamais eu aucune nouvelle de leur affaire. Seuls 8 % ont été informés d’un classement sans suite.

Désormais, policiers et gendarmes déployés sur le terrain disposent de mallettes pour relever des indices sur toutes les scènes d’infraction. «Ces prélèvements de traces sont une des clefs de l’élucidation et le recours aux moyens de la police technique et scientifique doit être systématisé», martèle Manuel Valls. Soucieux de démanteler des «équipes rodées, des filières souvent étrangères, spécialisées dans la délinquance sérielle et itinérante», le ministre de l’Intérieur veut renforcer l’action des cellules anti-cambriolages (CAC) installées sur l’ensemble du pays.

Appelant à une «réflexion sur le niveau de protection des habitations», le ministre pourrait dévoiler d’ici à l’été les contours d’un nouveau plan national d’action. Selon nos informations, la gendarmerie vient de lancer au cœur de son pôle judiciaire à Pontoise (Val-d’Oise) un nouveau Service central d’analyse génétique de masse, capable de traiter à la chaîne 4000 traces de toutes natures par mois. Soit dix fois plus qu’auparavant.

Source : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/02/04/01016-20130204ARTFIG00344-un-cambriolage-toutes-les-90-secondes.php