Unédic, retraites : avis de tempête
Deux rapports préparent les esprits à des réformes délicates.
Cela sonne comme une petite musique pour préparer les esprits. Sur le devant de la scène gouvernementale, l’heure est à la guerre au Mali, à la défense du mariage pour tous, à la réception de Florence Cassez à l’Élysée… Plus discrètement, l’exécutif aborde une nouvelle phase de rigueur en distillant des petites phrases sibyllines. La Sécurité sociale accuse plus de 11 milliards d’euros de déficit et l’assurance chômage, 5 milliards d’euros. L’objectif inscrit dans la loi de programmation des finances publiques est d’atteindre l’équilibre global l’an prochain.
Cette semaine, la Cour des comptes a pointé la dérive financière du régime d’assurance chômage, inégalitaire et peu efficace malgré sa générosité. La plupart des députés socialistes, croyant que les Sages proposaient une baisse générale des allocations, ont crié au fou. Didier Migaud, le premier président de la Cour, a dû s’assurer lui-même, en décrochant son téléphone, que les plus avertis avaient bien compris le travail de ses hauts fonctionnaires. Parmi les mesures préconisées, la restriction des indemnités est limitée aux cadres.
« On est en période difficile, chacun doit faire des efforts »
Michel Sapin, lui, l’a lu. Comme le veulent les principes de l’institution, le ministre du Travail a répondu par écrit. « Le diagnostic comme les recommandations que vous formulez éclairent très utilement la démarche que nous avons entreprise », dit-il. Une forme de quitus. Dans les médias, il a plaidé pour une réforme. Sur le plateau de France 2, jeudi soir, Arnaud Montebourg a renchéri : « On est en période difficile, il faut que chacun fasse des efforts. » Et le ministre du Redressement productif d’ajouter, s’agissant des allocations des cadres : « Je suis pour qu’il y ait une discussion sur ce sujet. »
Le gouvernement n’a rien dévoilé de ses intentions. Et pour cause. Le dossier est sur la table des partenaires sociaux, gestionnaires du régime d’assurance chômage. Autrement dit, fidèle à sa méthode sociale-démocrate, il les laissera négocier tout en restant en embuscade. Et ne prendra la main qu’en cas d’échec. Or un accord n’est pas évident (lire ci-contre).
Même jeu d’ombres sur les pensions. Un autre rapport, publié cette semaine par le Conseil d’orientation des retraites (COR), a rappelé que notre système s’enlise dans les déficits et qu’il n’est pas exempt d’injustices. Une négociation est en cours entre les partenaires sociaux pour sauver les régimes complémentaires. En jeu, ni plus ni moins qu’une inédite baisse du pouvoir d’achat des retraités, sacrifice temporaire de crise (lire ci-contre).
Une troisième réforme des retraites en dix ans
En cas d’accord patronat-syndicats, le gouvernement est tenté d’en faire un décalque au régime général. « L’exercice en cours sur les complémentaires ressemble d’assez près aux problématiques des régimes de base », dit-on à l’Élysée. Jérôme Cahuzac, ministre du Budget, a prévenu que l’exécutif ne pourrait pas « ne pas tenir compte » de l’issue des négociations. Bref, il imposerait peu ou prou un gel des pensions pour quelques années.
Le Medef s’en offusque d’avance, qui préfère pousser les feux sur la retraite à 63 ans. Les syndicats le déplorent, qui espèrent obtenir des hausses de cotisations des entreprises. Ces sujets-là vont revenir sur la table. Une concertation sur les retraites au sens large va s’engager au printemps. Elle pourrait aboutir à la troisième réforme en dix ans. Mais aucun ministre n’a encore dévoilé l’objectif, ni les moyens de redresser les comptes à long terme. Laurent Berger, le nouveau patron de la CFDT, prévient : « Il ne faudrait pas que le gouvernement se cache derrière les partenaires sociaux. »
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