LE PRIX DE LA VÉRITÉ : GILLES-ERIC SÉRALINI, DÉNONCIATEUR DES OGM
Pour avoir osé dénoncer des désastres sanitaires et médicaux, ils se sont retrouvés persécutés par ceux qu’ils attaquaient. Meneton et les industries alimentaires, Vasseur et les prisons, Cicolella et les fabricants de solvants, Frachon et les laboratoires Servier, Séralini et les OGM… Chacun nous raconte les suites terrifiantes de ses révélations. Un sacré courage ! Aujourd’hui, Gilles-Eric Séralini, 52 ans, professeur et chercheur en biologie moléculaire à l’université de Caen, dénonciateur, et victime, des OGM
Codirecteur du pôle risques multidisciplinaires (MRSHCNRS*), il est aussi président du conseil scientifique du Criigen, et a publié en septembre dernier une étude toxicologique pulvérisant la vérité officielle sur l’innocuité des OGM et du principal herbicide du monde, le Roundup de chez Monsanto.
Intimidation ? « Certains me disaient : “Tu ne devrais pas te lancer là-dedans, ça va gêner.” Pas mes confrères du Criigen, Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique, que j’ai fondé en 1999 avec Corinne Lepage et Jean-Marie Pelt, qui m’ont toujours soutenu. D’autres, de façon plus déguisée, me glissaient, à la fin d’un colloque : “Vous savez à quoi vous vous exposez, pour votre carrière, votre famille… C’est que vous remuez beaucoup de choses.
Vous ne finirez pas indemne…” Depuis la publication des résultats, les responsables de Monsanto ont demandé le retrait de l’article à l’éditeur de mon étude scientifique. Ceux qui montent au front pour me discréditer avec une grande violence sont des chercheurs ou lobbyistes ayant contribué à évaluer leurs produits, avec un intérêt financier à défendre. En remettant en cause le système qui finance les études de biotechnologie, je me doutais, évidemment, que je gênais certains lobbys. Mais je ne pensais pas me confronter à une aussi grande mauvaise foi, à un tel mensonge institutionnalisé. »
Risque pour la carrière. « En me lançant à l’encontre des intérêts de certains, je sais qu’il va me falloir renoncer à un avancement normal, malgré tous mes travaux scientifiques. On m’a dit que j’étais le plus jeune professeur de France en biologie moléculaire. J’ai attendu vingt ans l’avancement que j’aurais pu avoir au bout de dix années. »
Désespoir. « Durant cinq ans de ce travail dans le plus grand secret, j’ai été confronté à des difficultés (trouver des financements, des semences…) : j’ai connu des hauts et des bas, mais jamais le désespoir. Je ne me suis jamais senti seul, je me savais soutenu par des centaines de chercheurs de tous pays, qui se sont notamment exprimés pour me défendre dans un procès que j’ai intenté en diffamation contre ces lobbys, et que j’ai gagné. »
“On me glissait : « Vous savez à quoi vous vous exposez, pour votre carrière, votre famille… Vous ne finirez pas indemne… »”
Jalousie. « Que certains puissent être jaloux de la couverture médiatique que nous avons aujourd’hui, je ne m’en suis jamais soucié. Il s’agit d’un détail personnel qui ne vaut rien face à l’enjeu de santé publique. Le plus grave, c’est que les corps de nos enfants soient devenus des poubelles ! Je pleure tous les jours à cause de ces maladies juste liées à l’environnement. Il y a plus de morts à cause des substances chimiques qu’il y en a eu durant la Seconde Guerre mondiale. Ceux qui ne veulent voir aucun signe d’alerte dans nos études auront à répondre de leurs malhonnêtetés graves. »
Aujourd’hui. « Je ne m’attendais pas à cette déferlante. Dans les semaines qui ont suivi la parution de l’article dans la revue “Food and Chimical Toxicology”, j’ai dû répondre à des quantités d’interviews de médias de tous pays. Il y a les anonymes qui me saluent, m’apportent des marques de soutien. Ce qui contrebalance tous ceux qui me traitent d’incapable, de “clown”, de “lanceur de peur” ! Mes amis ne cessent de me dire qu’il faudrait que je m’accorde un temps sans portable. Je préfère marcher dans la nature. »
Caractère. « Je suis quelqu’un de volontaire et d’optimiste qui a toujours dit ce qu’il pensait. Je ne cherche pas le conflit, mais je ne supporte pas qu’on piétine la santé humaine. C’est une question d’honneur : pouvoir me regarder en face. J’ai été éduqué par des parents confrontés aux événements d’Algérie, expatriés à Nice, par une mère courage qui a élevé mon frère handicapé, le tout dans un quartier difficile. Ce ne fut pas une enfance privilégiée. Cela m’a marqué, sûrement. »
Espoir. « Je souhaite maintenant des tests sérieux, effectués par des laboratoires indépendants et sur une durée conséquente – et non sur seulement quatre-vingt-dix jours –, histoire de lever le doute, que ce soit dans le sens de l’innocuité ou de la nocivité des OGM. Sinon, j’aurai toujours la conscience d’avoir fait ma part de travail. Aux consommateurs de savoir si oui ou non ils veulent manger ces OGM et ces pesticides, et d’interpeller les politiques. »
Un article de Maryvonne Ollivry, publié par parismatch.com et relayé par SOS-planete