Le « miel » bleu fait couler de l’encre
Nouvel épisode des aventures du « miel » bleu de Ribeauvillé (*): un apiculteur a décidé de porter l’affaire en justice. Une audience en référé aura lieu lundi au tribunal de grande instance de Colmar. Son avocat souhaite qu’une expertise soit lancée.
Petit rappel des faits : l’été dernier, les apiculteurs de Ribeauvillé et de sa région découvrent que leur miel a une drôle de couleur : il n’est pas doré ou ambré comme d’habitude, mais bleu, vert ou marron. Ils finissent par en connaître les raisons. Leurs abeilles sont allées butiner des déchets de confiserie colorée sur le site de méthanisation d’Agrivalor, installé dans la cité des Ménétriers depuis janvier 2012.
« Les choses n’avancent pas assez vite »
Plutôt que l’affrontement avec les responsables du préjudice, les instances apicoles préfèrent négocier. Mais les choses n’avancent pas assez vite aux yeux d’un apiculteur de Ribeauvillé, André Rutschmann, un retraité qui, les bonnes années, possède trois douzaines de ruches à 500 m de l’unité de méthanisation. « J’ai pris l’initiative de m’adresser à un avocat car les règlements à l’amiable ne donnent rien. Ça fait cinq mois que j’attends et rien ne bouge », regrette-t-il. Lui-même ignore encore l’étendue des dégâts. « Fin février, début mars, on verra quelles ruches ont réchappé. Il faudra trouver des ruches de remplacement et s’adresser à un éleveur professionnel. Qui va payer tout ça ? » Il considère que deux à trois ans seront nécessaires pour « récupérer le cheptel ». Sans compter la perte de la récolte 2013. Il souhaite un dédommagement « qui reste raisonnable ».
Dans quel état les abeilles vont-elles émerger de leur hibernation ? C’est la question que se pose M e Antoine Bon, sollicité par l’apiculteur ribeauvillois. « Nous lançons une action pour qu’un expert évalue le préjudice. Les dégâts viennent-ils du fait qu’elles aient butiné ces substances-là, se sont-elles gavées, quel est le préjudice subi ? »
« La situation va se décanter »
L’avocat du plaignant précise que ce recours « n’est pas encore une action de fond. Il n’est pas préjudiciable de nommer un expert. Pour l’instant, nous n’attaquons personne et nous préférerions d’ailleurs à 100 % éviter une action. Car en face, nous avons des géants, Agrivalor et Mars (les substances incriminées sont des résidus de M & M’s ®) ».
Du côté des associations d’apiculteurs, le discours n’est évidemment pas le même. « Nous sommes en pourparlers avec Agrivalor. Et hier encore, nous étions en réunion avec des représentants de Mars. Nous avons bon espoir, la situation va se décanter ». André Frieh, qui préside le syndicat apicole de Ribeauvillé mais aussi la fédération haut-rhinoise et la confédération des apiculteurs d’Alsace, est plutôt optimiste. « Nous sommes sur le point de trouver une solution équitable pour chacune des parties. Et cette solution passe éventuellement par une indemnisation. Une ligne de crédit est à mettre en place ».
En raison de l’audience de lundi, ces négociations sont suspendues. « Elles reprendront en fonction de la décision qui sera prise ». Pour lui aussi, le temps presse. « Le printemps approche, il faut trouver une solution financière ».
(*) Les apiculteurs réfutent le terme de miel pour ce produit qui n’en a aucune des qualités.