Vers une loi sur le suicide assisté des personnes en fin de vie
Une fin de vie «moins douloureuse» et qui puisse être abrégée, une plus grande écoute des souhaits du patient, une ouverture vers le suicide assisté. Sans prendre officiellement le virage radical de la légalisation de l’euthanasie, François Hollande lance une réforme susceptible de bouleverser le fragile équilibre de la prise en charge de la fin de vie en France. Il s’agit d’une rupture en puissance par rapport aux politiques antérieures qui ont toujours refusé de franchir la ligne rouge de la mort donnée intentionnellement en phase terminale à la demande du malade.
Mardi, le président de la République a esquissé trois pistes d’évolution pour «répondre aux préoccupations des personnes atteintes de maladies graves et incurables». Un projet de loi piloté par le ministère de la Santé sera présenté au Parlement en juin prochain. Dans la matinée, le chef de l’État avait reçu le rapport du Pr Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), chargé de réfléchir à une évolution de la loi. Ce dernier lui a fait part d’un constat alarmant, notant le fait que l’hôpital, qui accueille 70 % des malades en phase terminale, «n’est aucunement préparé à la fin de vie». «La société doit changer radicalement son regard sur la mort», a-t-il souligné.
Abréger la vie pour écourter l’agonie
François Hollande propose d’ouvrir la porte à la légalisation du suicide assisté, dans «des conditions strictes» qui restent à préciser. Dans un communiqué, l’Élysée indique ainsi que le chef de l’État a confié au CCNE la charge de définir les modalités permettant «à un malade conscient et autonome, atteint d’une maladie grave et incurable, d’être accompagné et assisté dans sa volonté de mettre lui-même un terme à sa vie». Cette possibilité existe, sous différentes formes, dans quelques rares pays. Dans son rapport, le Pr Sicard cite l’exemple de l’Oregon où un malade n’ayant pas plus de six mois à vivre peut se voir prescrire, dans le cadre d’une procédure très encadrée, des médicaments létaux.
La mission Sicard, elle, ne recommandait pas de légiférer, ni sur le suicide assisté, ni sur l’euthanasie, «une pratique glaçante d’effroi» et «aux antipodes de la culture française». Le rapport privilégie donc une réelle application de la loi Leonetti, de nature à régler la majorité des situations. «Il n’est pas question d’euthanasie, décrypte-t-on dans l’entourage du chef de l’État. Mais la loi actuelle laisse des zones d’ombre qui sont l’occasion de tensions fortes entre les soignants, le patient et parfois sa famille.»
Alors que 49 % des décès interviennent aujourd’hui à la suite d’une décision médicale qui a pu les hâter, le chef de l’État souhaite aussi aborder la question de la sédation terminale. «Comment rendre plus dignes les derniers instants d’un patient dont les traitements ont été interrompus à sa demande, à celle de sa famille ou des soignants?», demande-t-il au CCNE. Cette piste constitue la principale proposition du rapport Sicard. «Lorsque la personne en situation de fin de vie, ou en fonction de ses directives anticipées, demande expressément à interrompre tout traitement susceptible de prolonger sa vie, voire toute alimentation et hydratation, il serait cruel de la “laisser mourir” ou de la “laisser vivre”, sans lui apporter la possibilité d’un geste accompli par un médecin, accélérant la survenue de sa mort», plaide le Pr Sicard.
Selon son rapport, il s’agit de pouvoir abréger la vie pour écourter l’agonie, sans pour autant programmer la mort. Ainsi, même si la mission Sicard exhorte apparemment le gouvernement à repousser la «tentation de l’euthanasie», elle joue néanmoins avec ses limites et avec les mots en autorisant un acte létal volontaire. Dans l’esprit du Pr Sicard, il s’agit d’une nouvelle interprétation de la loi Leonetti qu’une simple retouche du Code de déontologie suffirait à encadrer. Pour le monde médical, ce serait pourtant une véritable révolution puisque la mort peut être donnée à la demande du patient.
Des mesures avant fin mai
La troisième piste dessinée par le chef de l’État concerne justement la place donnée à la parole du malade. François Hollande souhaite ainsi réfléchir aux directives anticipées, ces souhaits concernant la fin de vie que chaque Français peut coucher sur papier. Cette possibilité prévue par la loi Leonetti est en effet largement méconnue du grand public. Pour les rendre effectives, Didier Sicard propose de son côté que ces «testaments de vie» soient rédigés avec un médecin et signés par lui.
«Aujourd’hui, la mort est esquivée, la mort n’est pas anticipée, la mort n’est pas partagée entre le patient et son médecin. Autrement dit, il n’y a pas de projet de fin de vie», note-t-on dans l’entourage du chef de l’État, qui souhaite voir ce sujet traité dans «l’apaisement» et la «sérénité». Selon les sondages, 80 à 90 % des Français ont la hantise de basculer dans une fin de vie insupportable. Or «le corps médical a beaucoup de difficultés à aborder concrètement ces cas », relève-t-on encore à l’Élysée.
Estimant «inacceptable que la loi Leonetti ne soit toujours pas appliquée après sept ans d’existence», le rapport Sicard appelle à une meilleure intégration de la médecine palliative dès le début de la maladie, et non plus comme un échec en bout de parcours. Une réforme en profondeur devra être menée par les ministres de la Santé et de la Recherche, avec des mesures proposées avant fin mai. L’accent sera également mis sur la formation des médecins et sur une plus large place donnée à la mort à domicile, alors que les unités de soins palliatifs ne pourront jamais répondre à la totalité des situations.
Source : Le Figaro