Le charbon est de retour !
Alors que le pic pétrolier déboule, la houille fait son grand come-back. Toujours fringante malgré les années, elle se propose de booster la croissance effrénée des poids lourds indien et chinois. Et tant pis pour l’atmosphère !
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) assure ce mardi que le charbon sera l’énergie la plus consommée au monde d’ici dix ans, devant le pétrole. L’occasion de relire cet article que nous publions le 30 novembre 2011. |
On l’avait cru dépassé, bel et bien enterré. Pourtant, sans bruit, ce bon vieux charbon remonte paisiblement la pente. Selon l’Agence internationale de l’énergie, c’est l’énergie fossile qui a le plus progressé durant la dernière décennie. Aujourd’hui, il représente 28 % de la consommation énergétique mondiale, derrière l’or noir (33 %) et devant le gaz (24 %). Le roi pétrole serait même en passe d’être détrôné. « Dans une perspective au fil de l’eau, les deux trajectoires se croisent vers 2030 », pronostique Jean-Marie Martin-Amouroux, ancien directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Le XXIe siècle carburera à l’énergie du XIXe.
Sa locomotive ? Les économies émergentes d’Asie, Chine en tête. L’empire du Milieu installe un parc de centrales à charbon de 50 gigawatts chaque année, soit une grosse unité toutes les semaines. Le centre de gravité de l’économie mondiale s’est déplacé vers l’Orient. Et pour soutenir leur croissance effrénée, ces pays ont soif d’électricité. Un habitant du continent asiatique absorbe environ 1 000 kWh par an, contre 12 000 pour un Américain. Ce n’est donc qu’un début. « Toute la croissance énergétique se fait désormais en Chine et en Inde, explique Jean-Marie Martin- Amouroux. Or, ces économies ont peu d’autres sources d’énergies abondantes et bon marché. »
Pratique et rassurant
Alors que le pétrole creuse sa tombe, on ne voit toujours pas le fond des gisements de charbon. C’est sa première carte maîtresse. Dans une évaluation, l’Institut fédéral des géo-sciences et des ressources naturelles allemand annonce 1 000 milliards de tonnes de réserves exploitables avec les technologies courantes. De quoi voir venir, au rythme actuel de consommation, jusqu’à la fin du siècle. A contrario, l’heure du pic a quasiment déjà sonné pour le pétrole : 2015, prophétise l’Association d’étude du pic pétrolier et gazier.
De plus, ces ressources se partagent relativement bien autour du globe, entre les Etats-Unis (27 %), la Chine (19 %), la Russie (16 %) et l’Inde (9 %). Deuxième atout face au gaz et au pétrole, dont les champs d’exploitation se concentrent dans des zones difficiles d’accès ou politiquement instables. Pratique et rassurant, le bon vieux charbon permet d’exploiter chez soi. A elle seule, la Chine extrait de ses mines près de 45 % de la production mondiale, et en engloutit la quasi- totalité sur place.
La planète asphyxiée
Or, si le premier producteur et consommateur mondial de charbon est aussi le plus pollueur, ce n’est pas un hasard. La combustion d’une tonne équivalent pétrole de charbon thermique émet 4,12 tonnes équivalent CO2. Soit 35 % de plus que l’or noir et 75 % de plus que le gaz naturel. Le charbon brûle. Et ce retour de flamme asphyxie la planète. En 2050, il devrait représenter plus de 60 % des émissions de dioxyde de carbone de ces trois énergies cumulées, selon Enerdata, un cabinet d’études sur l’énergie. Le grand retour du charbon : une mauvaise nouvelle pour le climat. La clé du problème est définitivement entre les mains des pays émergents. « Ils sont conscients de l’enjeu climatique », souligne Jean-Marie Martin-Amouroux.
En témoignent les efforts entrepris par la Chine pour renouveler ses parcs de vieilles centrales thermiques et pour développer des filières non carbonées. Pékin installe de l’éo- lien à tour de pales, mais à son échelle, ce sont des cacahuètes. Dans le meilleur des cas, cela représentera 1,8 % de son bouquet énergétique en 2020. La Chine et l’Inde « ne sont pas prêtes à sacrifier leur développement industriel sur l’autel de l’intérêt général », concède le chercheur. De toute façon, pour ces pays, « le charbon est incontournable », tranche Bruno Lapillonne, directeur général d’Enerdata.
Captage-stockage au ralenti
Il faut donc faire avec, mais plus proprement. Une des pistes à l’étude ? Le captage-stockage de carbone. Problème : il double le coût du kWh fourni par une centrale à charbon. « Des avancées technologiques s’imposent », conclut Jean-Marie Martin- Amouroux. Mais les projets-pilotes traînent. Sur les 69 annoncés à travers le monde, seuls 7 étaient opérationnels fin 2010. « Il n’y aura pas de solution commercialisable avant 2030, affirme Bruno Lapillonne, mais si ça marche, cela pourrait participer à accélérer le développement du charbon », notamment dans des pays où il était menacé par la taxation du carbone. On n’est pas prêts de voir le bout du filon.
Allemagne, opération fossile
Après Fukushima, l’Allemagne a annoncé sa sortie totale du nucléaire en 2022. Mais elle aura toujours besoin d’électrons. D’où le come-back du charbon. Une vingtaine de centrales fossiles sont actuellement en construction mais le retour de la houille est contesté, à cause notamment des émissions de CO2 qu’elle engendre.
Difficile avec elle de respecter le Plan énergie, qui prévoit une réduction drastique des gaz à effet de serre à l’horizon 2050. Heureusement, les énergies renouvelables sont censées croître massivement. Suffisamment pour résoudre la quadrature du cercle ?
source : terraeco.net