Une Française attaque un labo pharmaceutique

Une jeune femme victime d’un AVC lié à sa contraception a déposé plainte contre le groupe pharmaceutique Bayer. Une première en France.

L’action de Marion Larat, 25 ans, handicapée à 65% à la suite d’un accident vasculaire cérébral (AVC) en 2006, ouvre-t-elle la voie à un déferlement de procédures sur le modèle de ce qui se passe aux États-Unis? Elle est en tout cas, selon son avocat, la première en France à porter plainte contre une pilule contraceptive, en l’occurrence Méliane fabriquée par le groupe pharmaceutique Bayer. La plainte a été déposée ce vendredi auprès du procureur de Bobigny (Seine-Saint-Denis), selon Le Monde. Elle vise le directeur général de Bayer Santé pour «atteinte volontaire à l’intégrité de la personne humaine» mais aussi le directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament qui n’a pas demandé le retrait du marché de cette pilule, «en violation manifestement délibérée du principe de précaution», rapporte le quotidien dans son édition datée de samedi.

Les dangers de ce type de pilule mise sur le marché dans les années 1980 ont été révélés par des études internationales dès 1995 et confirmés l’an dernier dans le British Medical Journal : risque de thrombose veineuse (phlébite et embolie pulmonaire) deux fois plus élevé que sous une pilule de deuxième génération, et cinq fois plus élevé que sans contraceptif hormonal. Mais c’est seulement récemment qu’elles ont fait l’objet de précautions renforcées en France, avec notamment leur déremboursement annoncé mi-septembre par la ministre de la Santé (application en septembre 2013), au motif d’un service médical rendu jugé «insuffisant» par la Haute Autorité de santé (HAS). Cette dernière conseillait d’ailleurs dès 2007 de ne la prescrire qu’aux femmes ne supportant pas d’autre contraceptif oral. Les risques encourus figurent désormais sur les notices d’utilisation, mais en étaient absents lorsque la jeune Marion Larat se l’est vu prescrire, rappelle Le Monde.

Des bénéfices jamais prouvés

Le lien entre la prise de la pilule et l’AVC de Marion Larat a été reconnu en juin 2012 par la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux de Bordeaux. La jeune femme, qui a dû subir neuf opérations et des mois de rééducation, prenait ce contraceptif depuis 3 mois au moment drame. Or les accidents associés aux pilules de 3e génération (voir la liste) et de 4e génération (Jamine, Jasminelle, Yaz…, non remboursées) surviennent principalement pendant les six premiers mois.

«En valeur absolue, le risque reste relativement faible: il est, par exemple, inférieur au risque de thrombose lié à une grossesse, expliquait en septembre au Figaro Bernard Delorme, responsable de l’information à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Au vu des études, on peut évaluer entre 10 et 30 le nombre de morts par an sous pilule de troisième et quatrième génération.»

Ces pilules ont été présentées lors de leur lancement comme étant plus efficaces contre certains désagréments hormonaux (acné, douleurs pendant les règles…) et ont connu un fort succès auprès des patientes et des médecins. Des spécialistes rappellent toutefois que ces bénéfices au-delà de la contraception n’ont jamais été scientifiquement prouvés.

André Larat, le père de la victime, déplore que sa fille, qui ignorait être porteuse d’une anomalie génétique accentuant la coagulation, ne se soit jamais vu proposer un dépistage de facteur de coagulation avant la prescription de la pilule, et qu’on ne l’ait pas non plus interrogée sur ses antécédents familiaux. Aujourd’hui, elle est «épileptique, aphasique et handicapée à 65%, rappelle-t-il. Son quotidien est un cauchemar: elle est fatigable au dernier degré, souffre de crampes. Mais elle a été sauvée, c’est une miraculée.».

Source: Le Figaro