Environnement: vers un suicide collectif?
Le chroniqueur Fayçal Anseur s’interroge sur l’avenir de l’humanité face à une pollution croissante sur la planète et à un gaspillage des richesses.
Alors que l’humanité tout entière devrait faire face à son plus grand défi de survivance, à savoir préserver ce qui lui reste du milieu naturel dans lequel elle évolue, les puissants de ce monde sont occupés eux, a contrario, à semer désordre et désolation à travers la planète, dans un pugilat idéologique qui s’exprime souvent par de vraies guerres.
Et l’écologie dans tout cela? Mère nature est généreuse et de bonne constitution pensent-ils. Que nenni! L’heure de sa revanche n’a jamais été aussi proche.
Nous respirons mal! Bientôt, nous suffoquerons!
A l’orée de la Seconde Guerre mondiale, la Terre était peuplée par 2,3 milliards d’habitants et comptait 47 millions de véhicules environ. Aujourd’hui, le nombre d’habitants a presque triplé pour atteindre 6,7 milliards d’âmes. L’industrie automobile, quant à elle, a fait mieux puisqu’elle a sorti de ses usines 775 millions de voitures, en plus des 209 millions de tuyaux d’échappement des camions.
En terme de pourcentage cela équivaut à une croissance humaine de 1,3% par an, contre 6% pour l’industrie automobile. Bien sûr «la médaille de dioxyde de carbone» revient aux Etats-Unis, où le pourcentage est de 755 voitures pour 1.000 habitants. Soit 25% de plus que le Japon ou l’Union européenne.
Avec sa croissance à deux chiffres qui a permis l’émergence d’une classe moyenne avec un pouvoir d’achat en nette augmentation, la Chine —qui vient de détrôner les Etats-Unis au rang du premier pays pollueur au monde— et ses 1,2 milliard d‘habitants aspirent à la modernité et au confort. L’Empire du milieu comptait 16 millions de voitures particulières en 2005. Selon les prévisions, ce chiffre atteindra les 176 millions en 2020, bouclant ainsi le chiffre affreusement symbolique du milliard de véhicules en activité à travers le monde.
Bienvenue à l’air pur! Et pour cause!
Toutes ces machines crachent dans l’atmosphère quelques 1.800 millions de tonnes de gaz carbonique par an. Près du tiers (6.000 millions de tonnes par an) de ce que lâchent dans l’atmosphère toutes les sources de pollution du monde réunies.
Par ailleurs, les 16.000 avions en activité dans le monde, génèrent chaque année 600 millions de tonnes de CO2.
En comparaison, cela représente le taux de pollution de tout le continent africain, en une année. Et ce n’est pas près de s’arrêter dès lors que le nombre de passagers devrait doubler dans les 15 prochaines années, ce qui induirait que notre ciel sera envahi par 16.000 nouveaux appareils d’ici 2020, soit 700 nouveaux avions par an.
Toute cette activité humaine salissante dépend de l’énergie que nous tirons des hydrocarbures. A la fois matière incontestable de notre progrès et épée de Damoclès menaçante, le pétrole est plus que jamais au cœur de notre civilisation autant par les dégâts qu’il occasionne sur notre environnement que par sa rareté qui menace notre sécurité.
En effet, nous consommons aujourd’hui quelques 30 milliards de barils de pétrole par an. Pour six millions de barils consommés par jour, seul un million de barils sont découverts.
Un rapport à 100.000 dollars
Eminence parmi les éminences grises de la Maison Blanche, surnommé «Yoda», en référence au petit maître sage des Jedi, dans la trilogie de la Guerre des étoiles, Andrew Marshall, un vétéran, fin stratège au service de l’oncle Sam, respecté et craint par tout le monde, a aujourd’hui 80 ans. Il est un farouche opposant à la politique de Bush et son équipe.
Après avoir été, lui aussi, partisan de la force de frappe, puisque c’est en partie grâce à ses idées futuristes que son pays a gagné la guerre froide contre l’ex-URSS, il se tourne désormais vers l’écologie et les dangers climatiques. Devant l’entêtement de l’ancien président américain George W. Bush et de son vice-président Dick Cheney, qu’il considère comme une «équipe de pétroliers» qui font fi de la chose écologique, il commande, en 2003, un rapport secret de 100.000 dollars à deux experts américains, sur les conséquences politiques du réchauffement climatique de la planète.
Le rapport, effrayant et alarmiste à plus d’un titre, a jeté le trouble et l’effroi parmi l’opinion publique américaine après la publication par des journaux d’extraits divulgués dans une mise en scène bien orchestrée par Marshall pour faire pression sur l’administration Bush.
Voici un chapitre de ce rapport, sans doute le plus vraisemblable.
Imaginons l’impossible
«Lorsque la famine, les maladies, les catastrophes liées à la météo frapperont, provoquées par le brusque changement climatique, les besoins de beaucoup de pays excèderont leurs capacités de subsistances. Cela créera un sentiment de désespoir, susceptible de mener à de violentes agressions visant à restaurer l’équilibre… Dans ce scénario (rareté du pétrole et les effets dévastateurs des changements climatiques sur la population mondiale), nous pouvons nous attendre à des alliances de circonstance. Les États-Unis et le Canada pourraient devenir un seul et même pays, simplifiant le contrôle des frontières. Ou bien le Canada pourrait garder pour lui sa puissance hydroélectrique et poser des problèmes énergétiques aux États-Unis. Les deux Corée pourraient s’unir pour créer une entité au savoir-faire technologique et disposant de l’arme nucléaire. L’Europe pourrait agir en tant que bloc unifié pour limiter les problèmes d’immigration entre les nations européennes et organiser sa protection contre des agresseurs. La Russie, avec ses abondantes ressources en minerais, pétrole et gaz naturel, pourrait se joindre à l’Europe. Dans ce monde d’États belligérants, la prolifération d’armes nucléaires est inévitable. Les réserves existantes d’hydrocarbures s’amenuisent alors que le refroidissement du climat fait grimper la demande. Avec la pénurie, le nucléaire deviendra une source d’énergie essentielle, ce qui accélérera le prolifération nucléaire, les pays développant leur capacité à l’enrichissement et au retraitement (des matières radioactives) pour garantir leur sécurité nationale. La Chine, l’Inde, le Pakistan, le Japon, la Corée du Sud, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne auront tous l’arme nucléaire, de même qu’Israël, l’Iran, l’Égypte et la Corée du Nord».
Le manque de pétrole et les changements climatiques, deux signes avant coureur de ce qui pourrait mener le monde à vivre un tel scénario dans un futur pas si lointain, risquerait de nous mener à la troisième et l’ultime guerre mondiale, après quoi ce serait, comme dirait Einstein, un retour à l’âge de pierre.
Les États-Unis semblent donner le «la» de cette symphonie apocalyptique en usant de la force pour occuper un pays et imposer son diktat au Moyen-Orient et un peu partout dans le monde. D’autres puissances émergentes ne se laisseront pas faire facilement. Et l’escalade belliqueuse continuera selon les intérêts et les provocations. Mais existe-t-il une ligne rouge à ne pas dépasser? L’homme raison, ou l’homme vanité? Notre avenir en dépend.
Cependant, l’homme a prouvé, à travers les âges, qu’il est capable du meilleur comme du pire. Mais ventre qui a faim n’a pas d’oreilles. Reste à l’homme sa pire invention: les têtes nucléaires pour un suicide collectif… sans consensus.
Moi je tiens à la vie et vous?
Fayçal Anseur
Source : slateafrique.com