L’arsenal iranien du Hamas, un casse-tête pour Israël


Depuis le dernier conflit d’envergure avec l’armée israélienne, fin 2008-début 2009, le Hamas a quasiment multiplié par deux la portée de ses roquettes lancées sur l’État hébreu. Tel-Aviv est désormais dans sa ligne de mire.

Sept jours après le début de l’opération « Pilier de défense » destinée, selon les Israéliens, à mettre un terme aux tirs de roquettes à partir de la bande de Gaza vers l’État hébreu, le Hamas persiste et signe. Ses roquettes, ainsi que celles d’autres groupes armés palestiniens comme le Jihad islamique, continuent à s’abattre sur des villes israéliennes, notamment dans le sud du pays.
Une centaine de roquettes ont été lancées de Gaza, mardi 20 novembre, sur Israël, dont 51 ont été interceptées par le système anti-missiles « Dôme de fer », selon un porte-parole militaire israélien. Ce conflit met en lumière la nouvelle force de frappe du Hamas et la sophistication de l’arsenal à sa disposition à Gaza. Car, pour la première fois dans l’histoire du conflit israélo-palestinien, des projectiles ont atteint la ville de Tel-Aviv et les environs de Jérusalem, comme ce fût encore le cas ce mardi pour la Ville Sainte. Et ce grâce, notamment, aux roquettes de fabrication iranienne Fajr-5 (« Aube » en arabe et persan), d’une portée maximale de 75 kilomètres et capables de transporter une charge explosive de 90 kilos.

Force de frappe multipliée par deux

En clair, les mouvements palestiniens ont multiplié quasiment par deux la portée de leurs roquettes depuis le dernier conflit d’envergure avec l’armée israélienne, en décembre 2008-janvier 2009. À cette époque, les groupes armés palestiniens envoyaient notamment des obus de mortiers et leurs roquettes Kassam, fabriquées dans des ateliers clandestins de la bande de Gaza, sur la ville de Sdérot, située à moins d’une quinzaine de kilomètres du territoire palestinien. Ces dernières années, ce sont les villes d’Ashdod et de Beersheba, situées à une quarantaine de kilomètres, qui ont été touchées par des roquettes Grad.

Selon une étude du Washington Institute for Near East Policy, près de 600 roquettes avaient été tirées depuis Gaza au cours des 22 jours de conflit en 2008-2009, contre plus de 1 200 cette fois, depuis le 14 novembre. Ce développement a justement poussé les Israéliens à envisager une nouvelle opération terrestre sur la bande de Gaza. « L’offensive ira où il faut pour arrêter les tirs. S’il faut employer les troupes au sol pour les faire cesser, et bien Israël le fera puisque c’est le but de l’opération », expliquait ce week-end sur l’antenne de FRANCE 24 Ygal Palmor, porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères.

Pour le colonel Michel Goya, directeur de recherche à l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (IRSEM) et fin connaisseur des conflits au Moyen-Orient, « un seuil a été franchi avec l’utilisation des roquettes de la puissance des Fajr-5 ». Néanmoins, la stratégie du Hamas et de sa branche armée, les brigades Ezzedine al-Qassam, qui consiste à viser des villes comme Tel-Aviv ou Jérusalem, « reste de l’ordre du symbolique et du spectaculaire », explique-t-il à FRANCE 24.

Selon lui, « il faut 400 roquettes pour tuer une personne », ce qui confirme que l’arsenal des organisations armées palestiniennes est avant tout une arme psychologique. « Ces projectiles sont très imprécis pour être vraiment dangereux ou infliger des dégâts significatifs, explique-t-il. Leur seul intérêt, lorsqu’ils parviennent à déjouer le système de défense anti-missiles de l’État hébreu, est d’entretenir un climat permanent d’insécurité et de perturber la vie quotidienne des Israéliens ». Par conséquent, poursuit l’expert, auteur par ailleurs du blog « La voie de l’épée », comme le Hezbollah en 2006 qui se targue d’avoir lancé près de 4 000 roquettes sur Israël, le mouvement islamiste palestinien est « tenté de jouer sur le nombre de projectiles » pour démontrer sa force, et non pas sur les dégâts minimes qu’ils provoquent, faute de précision.

« Depuis le début de son offensive meurtrière sur Gaza, les Israéliens ne sont pas parvenus à faire cesser les tirs de roquettes, et ce malgré la supériorité de leur équipement militaire », se félicite, de son côté, Ghazi Hamad, un cadre du Hamas joint au téléphone à Gaza par l’antenne arabe de FRANCE 24. Et d’ajouter : « Nous ne faisons que nous défendre, nous sommes plus forts qu’il y a trois ans, nous avons réussi à frapper l’ennemi en profondeur, jusqu’à Tel-Aviv ».

Téhéran, principal pourvoyeur d’armes ?

Reste à comprendre comment un tel arsenal a pu parvenir jusqu’au Hamas, malgré le blocus israélien sur la bande de Gaza et la puissance des services de renseignements de l’État hébreu. Selon ces derniers, Téhéran est le principal pourvoyeur d’armes des organisations armées palestiniennes dans la bande de Gaza. Dans un entretien à la télévision américaine CNN, le président israélien Shimon Peres a accusé lundi l’Iran de tenter d’envoyer des armes à Gaza. « Nous n’allons pas faire une guerre à l’Iran, mais nous essayons d’empêcher l’acheminement de missiles à longue portée que l’Iran envoie au Hamas », a-t-il déclaré.

Ramin Mehmanparast, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, a répliqué non sans ironie, ce mardi, lors d’une conférence de presse. « Ce qui est important, c’est que les Palestiniens aient des armes pour se défendre (…). La question de savoir qui fabrique le Fajr-5 relève des experts militaires », et « comment ils ont été livrés aux Palestiniens doit être demandé aux responsables du renseignement israélien ».

Justement, des sources sécuritaires israéliennes citées par le New York Times affirment que les roquettes Fajr-5 ont été acheminées en pièces détachées depuis l’Iran vers le Soudan avant d’être livrées à Gaza, via l’Égypte, en passant par les tunnels de contrebande qui s’ouvrent sur le Sinaï égyptien. Fin octobre, le Soudan a accusé Israël d’avoir bombardé l’usine militaire de Yarmouk à Khartoum. Un haut responsable du ministère israélien de la Défense avait réagi en qualifiant le Soudan d' »État terroriste dangereux », sans revendiquer explicitement le bombardement de l’usine. En avril 2011, l’État hébreu avait déjà été pointé du doigt après un raid aérien contre un véhicule qui avait fait deux morts à Port-Soudan. Tel-Aviv n’avait alors fait aucun commentaire.

Sur les médias de l’allié libanais de l’Iran, le Hezbollah, le discours est toutefois explicite. « L’Iran n’est pas la seule voie d’acheminement d’armes (…). Toutes les unités de la résistance libanaise et palestinienne ainsi que les Gardiens de la révolution iranienne sont en état d’alerte pour transporter à la résistance de Gaza toutes les aides militaires nécessaires », écrit le site d’Al-Manar, la chaîne du parti chiite, reprenant à son compte un article publié dans le quotidien libanais Assafir. « Malgré la difficulté de l’acheminement rapide d’armes due à la situation sécuritaire en Syrie, d’importantes quantités de roquettes ‘stratégiques’ sont arrivées effectivement aux factions palestiniennes ces derniers jours », poursuit le média.

Par Marc DAOU
http://www.france24.com/fr/20121120-gaza-hamas-roquettes-groupes-armes-israel-dome-fer-armement-arsenal-iran-pilier-defense