Buralistes en colère : «Je ne veux pas mourir pour 30 €»

Cinq buralistes de Haute-Garonne ont été victimes de braqueurs ces dernières semaines. L’un d’eux témoigne, et s’alerte de la situation des petits commerces.

Les buralistes sont restés fermés pendant une heure, hier, en hommage à leur confrère tué à Marseille./Photo DDM illustration, D. Pouydebat ()

«Je ne veux pas qu’on puisse me reconnaître». Encore sous le choc du braquage qu’il a subi il y a quelques jours, ce buraliste haut-garonnais est le seul à avoir accepté de témoigner. Mais sous couvert d’anonymat. «Pas pour moi, mais pour ma famille, qui a eu encore plus peur que moi, et qui s’en remet difficilement».

Comment s’est déroulée l’agression dont vous avez été victime ?

C’était en milieu de journée. J’étais avec mon employé à la caisse. L’agresseur devait nous guetter depuis de longues minutes. Il a attendu qu’il n’y ait plus de client dans la boutique, plus il est entré, une capuche sur la tête, le visage dissimulé. Il avait une arme. C’est allé très vite. Il a dit : «La caisse, vite ! La caisse !» J’étais de dos, en train de ranger des cigarettes. J’ai dit à mon employée, devant la caisse, de ne pas paniquer, et de donner l’argent. Il est reparti avec quelques dizaines d’euros, presque rien.

Depuis, un buraliste a été tué à Marseille, pour 30 €…

Oui, ça fait froid dans le dos. Mais nous n’allons pas abandonner. En même temps, je ne veux pas me faire tuer pour 30 €…

Aujourd’hui, que ressentez-vous ?

(Très calme) Je ne me sens pas traumatisé. Par contre, les membres de ma famille le sont. Ils n’étaient pas sur place, et c’est peut-être encore pire que d’avoir vécu l’agression. Les clients aussi sont traumatisés. Par contre, je ressens de la colère. C’est tellement facile. Il suffit d’une capuche, d’une écharpe, d’un pistolet. L’agresseur peut très bien recommencer ailleurs.

Les buralistes sont de plus en plus visés par des braqueurs. Comment vous protégez-vous ?

D’abord, nous ne gardons jamais trop d’argent dans la caisse. Le braqueur n’a presque rien pris, et pourtant nous étions un jour de grosses mises à un jeu de tirage. Nous avons aussi des caméras à l’intérieur de la boutique. Mais elles ne filment que l’intérieur. Nous demandons, nous les buralistes, à pouvoir placer des caméras à l’extérieur, comme il en existe au-dessus des distributeurs de billets. Sinon, la nuit le magasin est une forteresse. Il est quasi-impossible de le cambrioler. Mais cela pousse d’autant plus les malfrats à nous agresser physiquement, en journée.

Que faire alors ?

Il faut que la justice soit plus sévère. Trop d’agresseurs – quand on parvient à les arrêter – s’en tirent avec une sanction non-dissuasive. La société évolue. Les petits commerces sont les seuls à avoir encore des espèces à disposition. Combien de coiffeurs cambriolés ? De boulangers braqués ? Et évidemment nous les buralistes, qui sommes les commerces les plus à risque. Il faut aussi que l’État arrête d’augmenter le prix du tabac. C’est devenu un produit de luxe. Bientôt, il faudra mettre les cigarettes sous vitrine…


Rideau baissé

Hier entre 10 heures et 11 heures, la quasi-totalité des 350 buralistes de Haute-Garonne a baissé son rideau de fer, en hommage à Mohamed Cheguenni, ce buraliste assassiné à Marseille vendredi 9 novembre. «Mais il faut continuer sur le terrain politique, en faisant entendre nos revendications», souligne Gérard Vidal, président de la Chambre départementale des buralistes.

Source : http://www.ladepeche.fr/article/2012/11/17/1491577-buralistes-en-colere-je-ne-veux-pas-mourir-pour-30.html