Le Canada interdit le port du masque lors de rassemblements illégaux
Le Parlement canadien a adopté une loi qui punit de dix ans derrière les barreaux le port d’un masque dans une manifestation. Il espère pouvoir plus facilement s’attaquer aux groupuscules radicaux qui avaient attiré l’attention lors du «Printemps érable».
Les députés de la Chambre des communes ont adopté mercredi un projet de loi interdisant le port de masques lors de manifestations illégales.
Selon les termes du projet de loi C-309, désigné officiellement « Loi empêchant les participants à des émeutes ou des attroupements illégaux de dissimuler leur identité », le fait de porter un masque pendant un rassemblement illégal ou une émeute est une infraction au Code criminel.
Ce projet de loi d’initiative privée, déposé en octobre 2011 par le député conservateur d’arrière-ban Blake Richards, a été adopté par 153 voix contre 126. Cette mesure doit permettre de lutter contre le «vandalisme et (…) la violence perpétrés par pure provocation», a assuré devant la Chambre des communes le député conservateur Blake Richards, qui en est l’auteur.
«Nous sommes aux prises avec un danger réel et croissant. Les membres du Black Bloc incitent des manifestants à prendre part à des émeutes partout au Canada», avait-il expliqué lundi lors de la présentation du texte.
Le Black Bloc est un groupuscule anarchiste dont les membres défilent en noir, le visage dissimulé derrière lunettes, foulards et capuches. Accusé d’être particulièrement violent, il s’est illustré au printemps lors des manifestations monstres organisées par les étudiants québécois qui s’opposaient à l’augmentation des droits de scolarité universitaires.
L’opposition contre la mesure
Le Nouveau parti démocratique et le Parti libéral s’opposent à la mesure, arguant que le Code criminel interdit déjà de se couvrir le visage dans le but de commettre un « acte criminel ».
Les conservateurs répliquent que cette disposition est difficile à appliquer puisqu’elle a été conçue pour d’autres types de méfaits, comme le vol à main armée.
L’opposition soutient par ailleurs que le projet de loi est imprécis, notamment en ce qui concerne les définitions des notions d’« attroupement illégal » et d’« excuse légitime ».
Blake Richards a quant à lui fait valoir que la mesure vise à donner aux policiers les outils nécessaires pour protéger le public, les commerçants et les manifestants pacifiques. Il s’agit d’une façon de rendre les rues plus sécuritaires sans compromettre la liberté d’expression, a-t-il assuré mercredi, peu avant le vote.
Le sénateur conservateur Jean-Guy Dagenais, qui était au côté de M. Richards lors du point de presse, croit que les policiers vont user de leur bon jugement lorsqu’ils vont déclarer « illégal » un attroupement. Il estime que les manifestants devraient aussi user du leur en retirant leurs masques s’ils voient qu’une manifestation dégénère et risque d’être déclarée illégale.
Certains défenseurs des libertés civiles craignent que la loi ne donne à la police le pouvoir de mettre fin aux manifestations pacifiques, auxquelles prennent souvent part des gens costumés, masqués ou le visage couvert de peinture, qui pourraient être accusés de vouloir cacher leur identité, selon les dispositions de la loi projetée.
Loi pas nécessaire
Selon l’opposition, cette loi n’est pas nécessaire car le code criminel prévoit déjà des mesures adéquates. «La police a déjà les outils dont elle a besoin. On l’a vu au Québec» lors du Printemps érable, a réagi le chef du NPD (parti de gauche formant l’opposition officielle), Thomas Mulcair.
«Je ne pense pas que les gens comprennent les implications: quand est-ce qu’un bonnet qui descend sur le visage devient un masque?», a ajouté Bob Rae, leader intérimaire du Parti libéral, également dans l’opposition. «Va-t-on dire aux gens de ne pas porter de masque lorsqu’il fait froid?»
Les critiques fusaient également sur internet. «Les enfants, ne portez pas de masque ce soir autour de la maison de votre député conservateur!», a écrit @ChrisErl sur Twitter. «Vous allez vous faire arrêter (car) vous menacez la sécurité nationale.»
S’il devient loi – car il doit encore franchir l’étape du Sénat – le texte rendra passibles de 10 ans d’emprisonnement les contrevenants « sans excuse légitime » dans une émeute. Il prévoit également une peine de cinq ans pour les personnes qui portent un masque pour cacher leur identité dans le cadre d’un « attroupement illégal ». Des amendes pouvant atteindre 5000 $ sont aussi prévues.
Source : http://www.radio-canada.ca/nouvelles/National/2012/10/31/001-masque-loi-vote.shtml